Nous partons de Dakar comme prévu le 8 dans la matinée sans nous presser. 120 Milles à tirer jusqu’à l’embouchure de la Casamance. Petit air d’abord qui me fait craindre d’arriver un peu tard mais bien vite, le vent fraichit pour atteindre 25-35 nœuds par le travers, grand largue. Avec ces conditions, l’ objectif est plutôt de ralentir Galapiat, afin de ne pas arriver en fin de nuit pour aborder le chenal mais, même sous-toilé, le speedo ne descend pas en deça de 7-8 nœuds. La vitesse ne nous empêche pas de pêcher deux petits wahoos grâce à monsieur poulpe. La nuit venue, je regrette un peu de ne pas avoir pris une route plus au large. A quelques 30 milles de la côté, impossible de dormir tranquille en comptant sur l’alarme radar : Les filets de pêcheurs sont partout et ne donnent bien entendu aucun écho. Pas d’autre choix que de veiller et de slalomer. Heureusement Nikko qui est passé voir les militaires de Dakar a désormais des analgésiques puissant qui lui permettent d’assurer une veille et de me laisser quelques heures de repos en vue d’aborder l’atterissage assez frais. Le halo de Banjul à babord nous accompagne presque toute la nuit et dès les premières lueurs du jour, la bouée N°1 est en vue. J’y avance à taton mais ce n’est finalement pas bien difficile. Je croise à la sortie du chenal l’outremer 45 de ce couple de français avec enfants avec qui BY et moi avions sympathisé à la Graciosa. Ils partent vers le Cap Vert et nous lancent un joyeux « Bienvenue en Casamance, c’est top ici!!! ». Dès les premières minutes, Nikko et moi sommes en effet submergés par la beauté sauvage sans trace humaine du fleuve, les cris de volatiles tropicaux et les dauphins qui nous souhaitent la bienvenue. Pas un mot ou presque jusqu’à Kachiouane ou je pose la pioche pour aller petit déjeuner à terre et me mettre en quête du fameux Papis. Kachiouane ne compte guère plus de 200 âmes qui vivent paisiblement à l’écart des voitures, de la télé, dans ce lieu au rue de sable et aux cases traditionnelles faites de terre et de toits de paille. Simplicité biblique mais pas de trace de misère ni de polution. Les habitants et les enfants sont magnifiques et en pleine santé. Et même si la mode n’a pas encore imposé ses satisfactions artificielles, même si le régime alimentaire alterne entre poisson-riz et riz poisson, je ne rencontrerai au cours de cette brève introduction, personne qui ne semble manquer de l’essentiel pour y être serein et heureux. Quitter Kachiouane peut représenter pour eux une obligation professionnelle qu’ils acceptent avec philosophie mais sans hâte de se confronter aux mirages de la ville.
Dès le premier contact avec Papis, je comprends que c’est effectivement l’homme de la situation. Réservé, calme et centré, il nous accueille discrètement, justement. L’affaire est simple : Aller mouiller dans le Bolon qui se trouve derrière le village, filer de la chaîne, fermer et partir tranquille. En fin de matinée, c’est chose faite. Quelques voiliers habités ou non partagent le mouillage et quand je me renseigne auprès du premier, Guy Silva qui vit dans la parage depuis plus de trois ans et qui, le monde est petit, connait bien Galapiat pour l’avoir convoyé du Portugual en angleterre il y a une bonne dizaine d’année, me confirme que tout est clair. La sérénité puissante dégagée par la Casamance ne cesse de se renforcer de minute en minute. Je repense à une discussion que j’avais eue avec l’équipage de Morgane à Palmeira. L’un d’entre eux m’avait juste dit: « Si le jardin d’Eden existe, il est probablement en Casamance". La première nuit que nous y passons est certainement la plus réparatrice que j’ai connue depuis des mois. La température est douce, le bateau est aussi immobile que si il était stationné à terre, les bruits des animaux nocturnes et une lointaine musique de campement nous bercent et nous plongent très tôt dans un sommeil profond et et sans rêve. Comble du confort, il n’y a pas la moindre trace de moustique pour venir tempérer la perfection ambiante. De là où est mouillé le bateau, le petit quart d’heure de marche à travers la savane, les baobabs, fromagers, rizières et le petit étang constellé de nénuphares en fleur est un ravissement. Sur le chemin, les conversations s’engagent avec les villageois ou les enfants que nous croisons. Curiosité, volonté d’échanger simplement, juste pour le plaisir. Il ne faut pas être pressé mais cela fait déjà un certain temps que ni Nikko ni moi ne le sommes. Bien vite, nous connaissons un peu tout le monde, ainsi que l’actualité du village: la récolte prochaine du riz, la réfection de la maison des jeunes, les soucis électriques depuis qu’une ONG leur a fourni batteries et panneaux solaires pour l’éclairage public, 5 lampadaires, sans aucune autre explication, formation ou autre. A mon retour, je leur promets de regarder ce que je peux faire pour eux. Un coup de metrix devrait pouvoir éclairer un peu la situation. Une journée pour se poser, une journée pour en profiter un peu et s’acclimater et une dernière pour désarmer et hiverner le canot et il déjà temps de laisser le fidèle Galapiat à sa nouvelle résidence pour un gros mois. Je te retrouve sans faute fin Janvier. Promis.
La pirogue qui nous prend directement au bateau glisse sur le bolon pendant une vingtaine de minutes avant d’atteindre Elinkine, bourg nettement plus important que Kachiouane mais tout aussi magique dans son genre. Le temps que le Taxi brousse trouve ces cinq autres passagers, nous descendons quelques mousses avec un très british excentrique qui se balade à vélo. Le taxi est bientôt prêt et il est temps de pousser la vénérable 505 brinquebalante pour l’aider à démarrer et couvrir les 3 heures qui nous séparent de Zinguinchor. Nous n’attendons rien de particulier de ces deux jours à Zig mais c’est peut-être pour çela que nous y passerons du bon temps avec Samba, un Wolof bonhomme qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Coltrane et préfère la douceur de la Casamance à la rugosité de Saint-Louis, sa région d’origine, ainsi qu‘avec la piquante Sarah, mélange explosif guinéo-maroco-malien-blanc qui habite Lyon et qui est venue passer quelques temps ici pour le mariage de sa sœur Mara.
Enfin, nous embarquons dans le ferry à destination de Dakar l’embrouille où nous nous posons pour deux nuits dans une petite auberge miteuse mais centrale recommandée par Samba. La ville grouille. Les dakarois cossards nous abordent avec leurs trucs habituels et nous font rire par leur ingéniosité : « Elles sont belles mes lunettes de soleil. Pas chères ». « Ok l’ami mais regarde ce que j’ai sur le nez. C’est quoi à ton avis? ». « Des lunettes, oui, mais elles sont bien trop grandes pour toi. Il t’en faut d’autres ….». Le 16, j’ai mon vol pour Paris. Les 10 heures en transit à Madrid agissent comme un caisson de dé-tropicalisation. A Paris, il neige et j‘ai froid. Je retouve les enfants le lendemain et termine ce long périple avec eux en prenant le train pour Hyeres où nous resterons ensemble jusqu’à la mi-Janvier. Voilà. La session 2009 est désormais bouclée.