Qu’est-ce que la folie ? Comment quelqu’un peut-il être anéanti par la souffrance psychique et puis se redresser ? Comment se voit-on quand autrui nous déclare fou, malade ? Sans remonter à Foucault, ou à Artaud, j’ai trouvé assez fascinant une petite salle de la Piscine à Roubaix où un artiste guère connu, sous le pseudonyme de Pat Le Chat (P. Szalkowski), nous conte son mois dans la chambre 201 de l’hôpital psychiatrique Saint-André, du 10 février au 10 mars 2006, à raison d’un dessin par jour (et quelquefois deux).
C’est une série d’autoportraits qui cernent cette salle, où 32 visages entourent le visiteur, où 32 paires d’yeux le dévisagent. C’est une ronde autour de la salle : on ne sait distinguer aisément d’après les portraits quel est le jour d’entrée de Pat à l’hôpital, et quel est le jour où on le juge assez guéri pour sortir. Sans regarder la date, on ne peut reconstruire une histoire, une gradation, un allègement de la souffrance. Mais, pour quiconque a connu cette souffrance, directement ou par personne chère interposée, cette série de portraits est dramatique. Pas
beaucoup de
distance ici, pas beaucoup de travail formel, simplement des portraits qui se suivent, troués, renversés, chavirés, hachurés, rayés, barbouillés : comme des stigmates, des auto-mutilations, des désirs de destruction. De courts textes, parfois narrations et parfois cris de douleur, apparaissent ici ou là, découpures, légendes ou surimpositions.
Guérison, soulagement, thérapie : la série de ces autoportraits s’intitule L’autre. Loin de moi l’idée d’y porter un regard de diagnostic, mais j’ai admiré ce témoignage brut, tragique et sans fard.
Voyage à l’invitation de la Piscine. Photos 1 & 2 de l’auteur; photo 3 Alain Leprince, courtoisie de la Piscine.