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Léonora Miano : Les aubes écarlates

Par Gangoueus @lareus
Léonora Miano : Les aubes écarlates Après avoir exploré l’intérieur de la nuit africaine, puis esquisser les contours d’un jour à venir, Léonora Miano nous propose de contempler les aubes écarlates d’un continent qui se réveille et qui sort d’un long cauchemar.

Ce roman est le troisième volet de la suite africaine commencée il y a quatre ans par la romancière camerounaise. Troisième volet sur le plan de la publication, mais il est en fait le deuxième épisode de la série.
Epa fait partie du groupe d’adolescents enlevés à leurs parents du village d’Eku et embrigadés de force dans les milices d’Isilo et de ses frères. Isilo est une sorte de révolutionnaire afro centriste qui ambitionne progressive de réunifier le continent avec le désir de réduire l'influence des anciennes puissances coloniales. Par l’épée, le sang, le mysticisme. La fin justifiant les moyens, il n’a aucun remord à enrôler des enfants, à kidnapper des femmes. Epa, d’abord fasciné par le discours du guérillero, vite déchante quand son frère sert de sacrifice pour Isilo dans le cadre d’un rite de communion anthropophage imposée à son village (voir L’intérieur de la nuit).
Epa a fui la guerre, en abandonnant les jeunes de son clan entre les griffes des miliciens. Au prix d’efforts extrêmes, il a rejoint la ville où il est traité par Ayané dans un refuge pour orphelins et il lui raconte son parcours d’enfant-soldat. Mais son unique ambition est d’aller retrouver ceux qu’il a laissés pour les reconduire à Eku.
On pourrait penser qu’il s’agit d’un énième récit d’enfants-soldats, thème sur lequel, la littérature africaine s’est montrée prolixe ces dernières années. C’est en partie le cas dans ce nouveau texte de Miano. Epa est ce jeune homme fougueux, qui après avoir rêvé changer son lendemain au travers du mouvement d’Isilo et de ses frères, déchante et replonge dans la réalité. Contrairement aux autres embrigadés d’Eku, son instruction lui permet d’analyser la substance de ce combat, les dissensions entre les leaders de la guérilla, le processus de déshumanisation des enfants-soldats.
Cependant, la singularité de ce roman sur ce sujet réside dans l’introduction d’un nouveau paramètre au niveau de cette narration des cataclysmes qui secouent le continent noir. Une hypothèse. Logique. L’idée que le continent subirait le courroux des âmes de celles et ceux qui furent oubliés de tous. Âmes de celles et ceux qui ne survécurent pas à la traversée du grand milieu. Celles et ceux qui périrent dans les cale des négriers et dont les corps furent avalés et digérés par le ventre de l’Atlantique.

La voix de ces âmes errantes entrecoupent donc le texte, la narration du présent, saisissant l’écrivaine comme si elle était le cheval d’un esprit vodouisant, réclamant une trace, un signe, une sépulture symbolique sur ce continent qui leur a tourné le dos, clamant leur détresse d'esprits damnés. Après tout, si on adhère comme c’est le cas pour beaucoup en Afrique centrale, au culte des ancêtres, le propos de Miano est totalement cohérent. Les morts interagissent dans le quotidien des vivants. Croyance que je ne partage pas. Et c’est à cette puissance lyrique que donne Léonora Miano à ces spectres, dans leur interpellation, dans leur incarnation au travers du corps d’une folle, que ce roman doit, selon moi, cette épaisseur à ce roman, et le démarque du reste des précédentes productions sur ce thème.
Si ce roman est relativement sombre, il est bel et bien question d’aubes écarlates, d’un jour nouveau avec une teinte rosâtre, certes, couleur de sang. Mais un jour nouveau quand même. Léonora Miano se refuse après ce long triptyque à réduire son propos à une simple autopsie aussi minutieuse fut-elle. Non, elle fait le diagnostic d’un mal qui peut être extirpé de l'agonisant. Non, décidemment, elle n’est pas la chroniqueuse d’une mort annoncée. Vous m’impressionnez !

Bonne lecture !

Léonora Miano, Les aubes écarlates
Edition Plon, 1ère parution 2009

Léonora Miano : Les aubes écarlates

Les commentaires sont nombreux sur ce quatrième roman de Léonora Miano. Faites vous une idée!

Bric à Book , Wodka
Mille et une pages
, La passion des livres, Littexpress

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