Si vous le vouliez, cette petite vie
Que vous menez, qui vous mène
Pourrait être la grande vie
C'est-à-dire la valable vie ;
Si vous le vouliez, cette petite âme
Qu'en vous entretenez et nourrissez
Pourrait être une grande âme
Pareille au cosmos indicible :
Partie du lui
Essence et substance de lui.
Et, si vous le vouliez,
Tout en continuant à les faire,
Tous les gestes de l'existence
Seraient comme beaux
Seraient comme avenus et non nuls
Au lieu d'être entachés comme ils le sont
De la misère qu'ils crient, et de la
Revendication qu'ils comportent.
Si vous le vouliez, le pourriez
Et le monde, au lieu de continuer
Comme il le fait, par l'esclavage accru
De vos efforts, de vos croyances
Et des méticuleux et farouches suicides quotidiens
Le monde, il soufflerait un instant
Et, prenant une autre route, délivré
Il serait autre et soudain vraiment jeune.
Il reprendrait le courant
Accru de votre prix acquitté
Et de votre estime soulevé.
Adrian Matlev (1910-1964)
Extrait de C'était hier et c'est demain, Anthologie Le Printemps des poètes, Mars 2004