Extrêmement intéressante cette étude de
la Cour des comptes sur l'évolution des effectifs de l'Etat entre 1980 et
2008. Intéressantes également les conclusions qu’en tire son Président Philippe
Seguin. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’y va pas par le dos de
la cuillère !
En fait, il renvoie dos à dos les dogmatiques des 2 bords, les partisans
d’un Etat obèse pour lesquels une quelconque diminution du nombre de
fonctionnaires est synonyme de mise à bas des Services publics et ceux qui
s’arqueboutent sur la règle rigide du non remplacement d’1 fonctionnaire sur 2,
érigé en dogme, sans nuance et sans autre considérations que budgétaires
!
Ce que dit en substance ce rapport, c’est que l’Etat n’a jamais eu de
véritable politique de gestion qualitative de son personnel qui lui aurait
permis de mettre en adéquation ses effectifs avec ses missions.
Il dit que les différentes politiques menées depuis 20 ans, dont celle de
Nicolas Sarkozy consistant à ne pas remplacer 1 fonctionnaire sur 2 partant à
la retraite, n’ont été motivées que par des préoccupations budgétaires basée
« presqu’exclusivement », sur des « considérations démographiques et
des contraintes macro-économiques ».
Une des conséquences en est que, malgré les "importantes évolutions qui sont
intervenues dans les deux dernières décennies dans le périmètre de leurs
missions et de l'organisation de leur administration", les effectifs des 3
fonctions publiques n’ont pas cessé d’augmenter à la fois en valeur absolue (de
36% sur la période) mais également en valeur relative par rapport à l’emploi
global en France pour en représenter à ce jour environ 23% (si on raisonne sur
l’emploi public au sens large, c'est-à-dire y compris les organismes publics ou
privés concourant à l’exécution du service public).
« Paradoxalement, sauf dans le secteur social, les mesures de décentralisation mises en oeuvre dans les années 1980 ne se sont pas traduites par une diminution marquée du nombre des agents de l’Etat corrélative des transferts de compétences aux collectivités territoriales. Il en est même résulté, dans plusieurs secteurs, une hausse des effectifs. » (Page 48 de l’Etude)
Pourtant, parallèlement les effectifs territoriaux ont connus : « une croissance totale de 71,2 %, correspond une hausse de 49,9 % dans les communes, de 154,1 % dans les structures intercommunales, de 47,9 % dans des départements et de plus de 1.964 % dans les régions » (Page 15 de l'Etude) !!!
2 illustrations :
« Dans le secteur scolaire, (…), le nombre des agents du ministère a augmenté de 9 % (+16 % pour les seuls enseignants) et de 19,2 % si on ne prend pas en compte l’effet des mesures de décentralisation (+22 % pour les enseignants), alors que le nombre des élèves diminuait globalement de 4,14 % (-10,2 % pour le premier degré ; +2,0 % pour le second degré). »
« L’effectif du ministère de l’agriculture n’a suivi ni la décroissance sensible du nombre des agriculteurs (la population active agricole est passée de 1,9 million en 1980 à 0,9 million en 200549), ni la diminution de la part du secteur agro-alimentaire dans l’économie (2 % du PIB en 2005 contre 4,2 % en 1980). Il s’est au contraire accru de 6,5 % si on prend en compte les emplois budgétaires du seul ministère et il a doublé si on intègre dans le calcul les agents des opérateurs du secteur agricole (18.480 en 1980 et 35.646 en 2006 (…)) »
Pour reprendre l’excellente formule de Philippe Seguin à propos des
personnels de l’Etat « (…) C'est comme un yo-yo qui ne cesserait de
monter. »
Ainsi, tout en considérant que le niveau des dépenses de personnel constitue
un enjeu majeur pour l’équilibre des finances publiques, la Cour des Comptes
critique une politique qui se limiterait à l’application d’une norme et qui
consisterait « en la mise sous tension des grands employeurs publics pour
qu’ils consentent à un ajustement de leurs effectifs » et ce, sans
s’appuyer sur une analyse « des besoins correspondant aux missions »
!
Autre exemple des conséquences de ce type de politique :
« Au ministère de l’intérieur, il existe peu de lien entre l’évolution des missions et celle des effectifs. De manière plus générale, la coïncidence entre les missions des services de sécurité et les moyens mobilisés pour les assurer continue de poser problème. »
« Le ministère justifie l’augmentation des effectifs par celle de la délinquance ; il fait valoir que le potentiel de personnel policier disponible a crû de 20 % entre 1989 et 2006 face à une progression de la délinquance générale de 29 %, ce qui ferait apparaître selon lui un besoin non couvert en 2007 de 16.626 ETP. » Or, le taux de présence policière était, en 1995, de 1 fonctionnaire (Police nationale et Gendarmerie nationale cumulées) pour 251 habitants, alors qu’il était de 1 pour 303 habitants en Italie et de 1 pour 380 habitants au Royaume-Uni.
De plus, entre 2002 et 2007, « la délinquance mesurée a connu une baisse de près de 12 % alors que les effectifs ont augmenté de 5 %. »
Pour la Cour des Comptes, la règle édictée par Nicolas Sarkozy consistant à
imposer le non remplacement d’1 fonctionnaire sur 2 partants en retraite,
répond à cette même logique purement quantitative.
Elle a en conséquence le même défaut majeur que les politiques précédentes
en ce sens qu’elle « ne prend pas en compte une dimension plus qualitative
basée sur l'analyse des missions » !
Pour Philippe Seguin, de ce fait, elle profite aux « mauvais
élèves », « aux administrations pléthoriques et sous
productives » qui ont moins de mal que les autres à « rendre
des effectifs » et en plus, dans le cadre d’une
« rationalisation froide et permanente » qui ne peux être
considérée comme une perspective satisfaisante pour les employés de l’Etat
!
Notons enfin, que la Cour des Comptes ne s’arrête pas sur ce malheureux
constat et fait un certain nombre de propositions pour aller vers « une
véritable politique des effectifs dans la fonction publique de l'Etat
».
En conclusion, Il me semble que cette étude a le grand mérite de mettre le
doigt, et de manière circonstanciée, sur le problème posé par la politique de
Sarkozy en matière de réduction d’effectifs. Encore une fois, l’intention est
bonne mais la méthode critiquable.
Pour ma part, en 2007, à propos des baisses d’effectifs dans l’Education
nationale j’écrivais notamment que la décision qui avait été annoncée de
supprimer 11 200 postes ne m’apparaissait pas scandaleuse dans son principe,
tant au regard de l’état désastreux des finances publiques que du fait que le
nombre d’enseignants rapporté au nombre d’élèves est plus élevé en France
qu’ailleurs (83/1000 contre 66/1000 en Allemagne par exemple) pour des
résultats au mieux équivalents !
Pour autant, cette décision m’apparaissait critiquable notamment pour une
raisons que j’exprimais de cette manière :
« l’Education Nationale a, avant tout, un problème d’efficacité qui
fait que malgré des effectifs globaux pléthoriques, elle ne parvient pas à
rendre de manière satisfaisant le service que l’on attend d’elle. Sans vouloir
jeter l’opprobre sur toute l’institution, de nombreux rapports pointent du
doigt ses défaillances. Or, sans une réorganisation efficace, je ne vois pas
comment, en supprimant des postes, la situation pourrait s’améliorer. Au
contraire, le risque est important de démobiliser les plus méritants.
»
En clair, mener une politique de réduction des effectifs sans, au préalable,
avoir correctement défini et « calibré » les missions de l’Etat,
c’est mettre la charrue avant les bœufs. C’est s’exposer aux inévitables
critiques de tous ceux qui, dans tous les cas, s’y seraient opposés mais qui
ont beau jeu d’accuser le gouvernement de sacrifier l’Education Nationale sur
l’hôtel de viles considérations budgétaires (notez au passage l'excellent jeu
de mot) !
Or, mettre la charrue avant les bœufs c’est typique de la méthode
Sarkozy.
Il annonce la fin de la pub sur l’audiovisuel public sans avoir aucune idée
sur ce que sera le financement de substitution !
Il décide de la suppression (partielle) de la taxe professionnelle sans
avoir sérieusement définis par quoi et comment elle va être
remplacée….résultat, contestations dans tous les coins même dans la majorité et
rafistolages de dernière minute (modification de dernière minute d’une partie
la réforme de la taxe professionnelle lors de l'adoption du projet de budget
2010 par les députés) !
Tout est comme ça et par charité chrétienne je ne parlerai pas de la réforme
des Lycées, type même du bide gouvernemental !
Je l’ai déjà dis plusieurs fois mais je considère que le problème de Sarkozy n’est pas tellement dans l’intention mais dans la méthode, or sur le sujet des réductions d’effectifs et même si la critique vaut également pour tous les gouvernements précédents, la Cour des Comptes ne dis pas autre chose !....Fort heureusement, elle ne se contente pas de faire un constat mais elle va jusqu’à proposer des pistes de solutions, espérons que nos gouvernants sauront s’en inspirer !