Dans la première salle de l’accrochage des tableaux de Jérémy Liron au centre d’art Lab-Labanque de Béthune (jusqu’au 31 janvier), le regard ne sait d’abord où se poser : plusieurs toiles occupent le salon, les unes aux murs, les autres au centre en biais, il faut circuler, se déplacer dans cet espace réduit, changer de point de vue. Les reflets dus à la couverture en plexiglas des tableaux déroutent et on ne sait comment se positionner face à ces deux quasi monochromes bleus qui passeraient presque pour des miroirs si l’un d’eux n’avait une coulure brune le raccrochant au réel.
C’est le propre des tableaux de Liron que de nous faire sans cesse douter du réel, de sa représentation illusoire, déformée : ces immeubles que nous avons déjà vus partout deviennent des formes abstraites, ces terrils deviennent des courbes de chair, des seins pointus, ces pignons aveugles deviennent des panneaux picturaux comme dans une fresque du Quattrocento, glaces de cheminée et lustres de cet appartement directorial bourgeois contribuent à l’illusion, à la création d’un espace pictural flottant. Cette autre toile ne laisse apparaître un banal immeuble qu’au travers de découpes noires qui en délimitent le champ, comme une vision du fond d’une caverne.
Une vue en contre-plongée fait ressortir un énorme cyprès, avec, à droite, des découpes formelles abstraites, cependant que les surfaces du premier plan, routes humides ou étangs, recréent un effet miroitant, la maison à peine visible n’étant plus qu’un élément du décor : est-ce encore un paysage ? ou simplement une pure image mentale ?
Tout au fond de l’appartement, un tableau semble d’abord être entièrement habité par un pan de mur rouge, aveugle : l’architecture est à peine discernable, on peine à reconstituer les formes et les perspectives, comme dans une photo de Bill Brandt Et toujours cette tension entre la présence de la peinture, coulures et taches incluses, et la distance qu’induit le plexiglas, le reflet.
Jérémy Liron étant aussi écrivain et critique, les salles sont aussi parsemées de petits textes poétiques; je les ai trouvés certes beaux, mais plutôt incongrus, et je ne suis pas sûr qu’ils aient enrichi mon expérience en ces lieux.
L’exposition du rez-de-chaussée m’a bien moins convaincu : le groupe Amalgamix joue du dispositif bancaire (hold-up, coffres, vidéo-surveillance) avec un humour potache qui n’est guère séduisant. Seule la composition du portrait-robot composite m’a semblé faire preuve d’un peu de profondeur.
Voyage à l’invitation de Lab-Labanque. Photo n°3 de Marc Domange; autres photos de l’auteur.