Patrick MODIANO, La place de l'Étoile, Gallimard, Paris, 1968 (Collection Blanche et Folio).
Quatrième de couverture :
En exergue de cet étonnant récit, une histoire juive : « Au mois de juin 1942, un officier allemand s'avance vers un jeune homme et lui dit : " Pardon, monsieur, où se trouve la place de l'Etoile ? " Le jeune homme désigne le côté gauche de sa poitrine. » Voici, annoncé en quelques lignes, ce qui anime le roman : l'inguérissable blessure raciale.Bruno BLANCKEMAN, Lire Patrick Modiano, Armand Colin, Paris, 2009 (190 pages).
Le narrateur, Rapphaël Schlemilovitch, est un héros hallucinatoire. A travers lui, en trajets délirants, mille existences qui pourraient être les siennes passent et repassent dans une émouvante fantasmagorie. Mille identités contradictoires le soumettent au mouvement de la folie verbale où le juif est tantôt roi, tantôt martyr et où la tragédie la plus douloureuse se dissimule sous une énorme et pudique bouffonnerie.
Ainsi voyons-nous défiler des personnages réels ou fictifs qui appartiennent à la mythologie personnelle de l'auteur : Maurice Sachs et Otto Abetz, Lévy-Vendôme et le docteur Louis-Ferdinand Bardamu, Brasillach et Drieu la Rochelle, Marcel Proust et les tueurs de la Gestapo française, le capitaine Dreyfus et les amiraux pétainistes, Freud, Rebecca, Hitler, Eva Braun et tant d'autres, comparables à des figures de carrousels tournant follement dans l'espace et le temps. Mais la place de l'Etoile, le livre refermé, s'inscrit au centre exact de la « capitale de la douleur ».
Ouvrage récemment publié, et que la BN a reçu, dont le Magazine littéraire vante la qualité. Je me lance concurremment dans la lecture de l'essai et des romans. J'ai abordé MODIANO dans les années quatre-vingt, une fois ma longue et stupide adolescence -- mon Moyen Âge -- terminée, sans doute avec De si braves garçons ou Quartier perdu, et sans doute encore à la suite d'une critique du Nouvel Observateur, qui m'a ouvert les yeux sur le monde et, plus particulièrement la littérature. Je me suis aussitôt accordé avec cet auteur, que j'ai vu vers la même époque dans l'émission Apostrophes. Je ne l'ai pas lâché depuis, et, dans les années quatre-vingt-dix, suis remonté vers les origines, remplaçant mes Folio par des Blanche, et lisant les titres que je n'avais pas encore lus. Ainsi, une note, dans mon exemplaire du premier roman de MODIANO, précise que je l'ai relu en septembre 1993. Je n'ai aucun souvenir de ma première lecture. Mais déjà je soulignais certains passages. Notamment un, mentionné dans mon commentaire du livre de Gilles HEURÉ, « En effet, la marquise sort chaque jours à cinq heures... ». J'ai donc, à cette époque, dû lire le roman de Claude MAURIAC, La marquise sortit à cinq heures, et je me souviens que c'était dans l'édition Folio, donc après 1984. J'avais aussi entrepris la lecture du journal de ce dernier, Le temps immobile, dont je me suis, toutefois, vite lassé. Il faut dire que ce MAURIAC est assez tôt entré au purgatoire : « on » ne le lisait plus...