Au gré des auditions, les députés ont découvert de nouvelles exigences religieuses ou communautaristes. Consultant en ressources humaines, notamment pour des sociétés du CAC 40, Carl Pincemin a raconté comment des salariés ayant obtenu des menus confessionnels, refusent désormais que «la viande halal soit proposée à côté de plats contenant de la viande “normale” jugée impure». En clair, ils désirent des cantines séparées et ne veulent plus «s'asseoir à côté de personnes qui mangent du porc !», tempête Jacques Myard, député UMP de la mission. D'autres ont constitué l'équivalent d'un «syndicat confessionnel». Ils réclament la reconnaissance de jours fériés musulmans, demandent des lieux de culte dans l'entreprise et prétendent que les femmes de service chargées de servir les plats à la cantine doivent se présenter «les bras couverts».
«Des pratiques intolérables»
Ces revendications, de la plus simple aux plus extravagantes posées au nom de l'islam, embarrassent les responsables des entreprises. «Ils perdent leur bon sens», estime l'anthropologue Dounia Bouzar, auteur d'un livre intitulé Allah a-t-il sa place dans l'entreprise ? (Albin Michel, 2009). «Certains craignent d'être traités d'islamophobes s'ils refusent. Et cèdent à des pratiques intolérables.» Jusqu'à accepter que des salariés ne passent plus l'entretien d'évaluation avec leur chef de service si c'est une femme. Tandis que d'autres, à l'inverse, «répriment toute manifestation de foi, même si elle ne perturbe pas le bon fonctionnement du service». Pour Cathy Kopp, l'ex-DRH d'Accor chargée de mission au Medef, «l'entreprise est demandeuse de règles plus claires en matière de revendications religieuses».
L'hôpital aussi, si l'on en croit André Gerin (PCF), le président de la mission parlementaire sur le voile intégral. Les députés ont visité à Lyon la maternité Mère-Enfant. «Le personnel se sent abandonné.» On compte «quatre à cinq incidents par semaine» dans les services d'obstétrique, affirme André Gerin. «Un homme sage-femme appelé à la rescousse lors d'un accouchement difficile s'est fait casser la gueule en octobre par un mari», a raconté le responsable hospitalier. Les pompiers ont dû le réanimer pour qu'il achève l'accouchement. Un traumatisme pour tout le service, qui «n'en peut plus» de devoir slalomer entre les exigences religieuses et déminer l'agressivité de certains. «Les maris insistent pour que leurs femmes soient vues par des médecins femmes. Beaucoup refusent une anesthésie par crainte qu'un homme apparaisse», a relaté le personnel. Comme en 2004, lorsque pour la première fois, plusieurs chefs de service d'obstétrique avaient dénoncé ces pressions devant la commission Stasi. Depuis, une charte rappelle qu'on ne peut choisir son médecin dans le service public. «Mais les personnels restent seuls à gérer les conflits», regrette André Gérin.
Sur le terrain, les maires de banlieue réunis dans l'association Ville et Banlieue s'inquiètent d'une montée en puissance des exigences religieuses. Après les repas sans porc à l'école, les
requêtes portent sur des menus sans viande ou halal. Tandis que la demande pour des créneaux horaires réservés aux femmes s'accroît dans les piscines et les gymnases.
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