Après le fil et l'aiguille, voici le concours de circonstances. J'ai récemment évoqué Graham Parker car à l'occasion d'un article dans un magazine ce fut l'occasion de remonter du fond de ma discothèque cet artiste souvent négligé à tort. Néanmoins je me plaignais de ne pas trouver son troisième album Stick To Me chez les revendeurs classiques et même sur Internet les ruptures de stocks étaient légion.
C'est l'instant où le concours de circonstances fait son entrée, à savoir qu'entre l'instant où j'ai écrit ma chronique et aujourd'hui j'ai passé quelques jours à Londres. Et là, sans me fatiguer beaucoup, dans le premier magasin HMV venu, j'ai acquis le trésor tant convoité depuis belle lurette. On ne va pas entrer dans des considérations ou discussions stériles du type, c'est son meilleur disque blablabla, mais n'empêche que ! Pour ma part c'est celui que je préfère.
Pourtant on connaît les déboires, voire la malédiction qui frappa ce disque, puisque Parker dut le réenregistrer une seconde fois après que les bandes s'avérèrent brûlées au moment du mixage. Qu'importe, quand on a du talent, un groupe fabuleux - The Rumour - pour vous épauler et des putains de bonnes chansons, ça ne peut donner qu'un très bon album.
Dès l'intro de Stick To Me, le morceau éponyme, on sent que GP a la patate, ça arrache, les cuivres et les guitares sont en place et l'intensité dramatique ne faiblit pas jusqu'à la fin. On enchaîne avec une reprise de Anne Peebles, la seule sur ce disque, I'm Gonna Tear Your Playhouse Down, avec un très bon solo de guitare et des vocaux plaintifs gorgés de soul parfaits. Avec Problem Child au rythme chaloupé on lorgne vers le ska ou le reggae très en vogue en cette année 1977. Suivent Soul On Ice speedé et Clear Head assez énervé. Pour The New York Shuffle au refrain entraînant, je tape du pied en agitant la tête comme un benêt, les chœurs et les giclées de guitares acérées sont parfaits. Heureusement le morceau suivant Watch The Moon Come Down est beaucoup plus lent, piano, batterie vocaux au début avant que le reste du groupe ne fasse son entrée, on profite de la voix de Parker dont on devine les veines saillantes de la gorge et des courtes envolées de guitares. Ah ! Ces guitares, Brinsley Schwarz et Martin Belmont sont exemplaires tout au long du disque. Arrive Thunder And Rain une pure merveille finement ciselée, sorte de mise en bouche pour l'apothéose Heat In Harlem. Rien que ce titre vaudrait l'achat de ce disque et depuis que je le recherchais la mélodie me trottait dans la tête, sinueuse et obsédante. Une ligne de basse ronflante (Andrew Boldnar) et un drumming tout en relance de Steve Goulding, sur lesquels les guitares prennent leurs aises. La construction du morceau est elle aussi exemplaire, l'impression d'écouter deux morceaux enchaînés, rupture de tempo au bout de 2'07, le titre de moyennement rapide devient lourd et lent, dramatique, les guitaristes tirent des sons étranges de leurs instruments alors qu'au loin on distingue une trompette lancinante Graham Parker n'a peut être jamais aussi bien chanté que sur ce titre qui pour notre bonheur dure 7mn exactement. Enfin (hélas !) le CD se termine sur The Raid un titre gouailleur avec section de cuivres en folie et trilles de piano. Vous n'avez alors plus qu'une envie, remettre le CD et dieu merci les marchands y ont pensé pour vous, ils ont inventé la touche repeat !