Magazine Humeur

Nationalisation d’Internet et professionnalisation de la connerie

Publié le 17 décembre 2009 par H16

Quand ce n’est pas Lefebvre qui estime, dans la décontraction caractéristique d’un nanti qui n’a jamais eu froid, faim ou peur, que les expulsés Afghans feraient mieux de retourner dans leur pays histoire de prendre les armes, c’est Jacques Myard, député des Yvelines, qui demande – avec le chuintement typique d’un sphincter qui se relâche – qu’on … nationalise Internet !

Vous avez bien lu, notre frétillant épithélium a donc choisi de partager sa vibrante opinion sur un domaine dont il ne connaît absolument rien. Et les avis, c’est comme les anus : tout le monde en a un.

A sa décharge, on (Radio Courtoisie, en fait) avait collé un micro devant le museau du pâturant animal, probablement jusqu’à excitation fatale, moment auquel il aura donc déclaré :

« la vérité est que le réseau internet aujourd’hui est totalement pourri. Et quand je dis pourri, c’est que peut-être nous avons tous dans notre réseau internet des chevaux de Troie qui vont se réveiller peut-être dans un an, peut-être dans 18 mois, peut-être demain matin. C’est un réel problème. »

Voilà tout le problème avec les bipèdes impressionnables : on leur agite sous le nez une banane en mousse arborant fièrement le logo d’une radio, et instinctivement, ils finissent par émettre des sons et se croient autorisés à fournir une opinion.

Ça me déclenche une réflexion, ça, tient.

Puisqu’en France tout tourne à la régulation, pourquoi ne pas donner un quota de questions bêtes et de réponses idiotes ? On attribuerait ainsi un numerus clausus de consternantes débilités pour les questions de journalistes, et un autre paquet d’affolantes crétineries pour les réponses de politiciens, dans lesquels les uns et les autres piocheraient jusqu’à épuisement. En choisissant des nombres pas trop élevés, et compte tenu de la forme olympique des uns et des autres, on drainerai le stock dans les deux premières semaines de janvier, et on serait débarrassés des saillies stupides pour le restant de l’année. Chouette, non ?

Pour en revenir à Myard, il déclare donc tout de go que le réseau internet, c’est tout pourri.

Il est vrai qu’avec des billets comme celui-ci, du point de vue du député, Internet ne va pas améliorer son image : ça va s’en donner à coeur joie dans les blogs et les cours de récré pour dézinguer le rigolo.

On comprend qu’il ne cache pas sa sympathie pour une bonne grosse censure des familles version Mao. Je dis Mao, j’aurai pu dire Staline, mais ici, c’est bien à la Chine que je pense puisque le cuistre a aussitôt ajouté, je cite :

« J’espère que l’on va prendre conscience de la nécessité de nationaliser ce réseau, et d’avoir la capacité de mieux le maîtriser, les chinois l’ont fait ».

Et là, évidemment, le doute n’est plus permis : Jacques Myard est en roue libre, auto-shooté par ses endorphines distribuées largement par un système endocrinien défaillant, et n’a pas fait gaffe. Comme Morano il y a quelques jours, il a oublié de brancher son yaourt neuronal et le voilà parti vers les contrées du N’Importe Quoi déjà bien balisées par les politiciens du pays.

Tout d’abord, on s’interroge : pourquoi la Chine ? Pourquoi pas la Corée du Nord ou Cuba ?

Ah, oui, c’est vrai : Myard est député UMP, et l’UMP, on se rappelle, a signé récemment un accord de mamours humides avec le PC Chinois. On comprend qu’il veuille dès lors renforcer le partenariat en recopiant chez nous ce que les petits voisins ont expérimenté avec succès.

Et la Chine est réputée pour son internet, sa liberté d’expression, et son capitalisme des bridés débridé tout à fait libéral-kasher. Le paradigme « UMP, fiers d’être Socialistes » s’en retrouve tout renforcé, au plus grand dam de ceux qui voudraient bien changer le mondeuuuuuuh.

umpsocialos

Ensuite, on gaspe, on gaspe même très fort : nationaliser internet ?

Nonmétépabiendantatête ?

Pour rappel, Internet est le nom simple à retenir d’un concept un chouilla plus compliqué à expliquer : il s’agit tout de même de la mise en réseau d’un ensemble massif de ressources, dont les ordinateurs français ne sont qu’une petite partie, et qu’il est de plus en plus difficile d’appréhender de front (pour ne pas dire impossible).

Ici, par nationaliser internet, notre aimable improvisateur – qui, je le rappelle, ne peut pas décemment savoir de quoi il parle pour dire ce genre d’énormités – veut sans doute dire « limiter les points d’entrée des liaisons backbone, et nationaliser cette ressource« . Ce qui reviendrait, en imaginant qu’on puisse vraiment le faire, à contrôler le flux d’information entrant en France.

Seulement voilà : la capillarité d’Internet dans les pays démocratiques (ou qui l’étaient lors de son introduction et de son développement) fait qu’il est maintenant difficile d’aller chercher tous ces points entrants. Et pour les « grosses lignes », elles sont propriétés privées d’opérateurs : Myard devrait donc faire nationaliser ceux-là et avec l’état des finances publiques actuellement, je crois que la France a d’autres dépenses à mener qu’une lutte contre les méchants blogueurs et les vilains pédophiles en nationalisation internet.

Mais pour le député, non non, ça ne sera pas difficile : il suffira de mettre de gros ordinateurs d’un côté, et faire passer le petit tuyau là, là et là, ouvrir le gros robinet rouge ici, et pédaler ici et là. Et voilà. On se rappellera (pour rire) qu’il avait aussi le même avis techniquement compétent sur le filtrage pour HADOPI.

Même au-delà de l’aspect technique, on se demande exactement ce qu’aurait le gouvernement à gagner en se créant de nouvelles emmerdes activités alors que, rappelons-le, il a déjà bien du mal à gérer celles qui lui sont actuellement dévolues : à l’instar d’un enfant en maternelle qui papillonnerait de façon épileptique entre la poterie, le macramé, le découpage, la pâte à modeler, le coloriage, les colliers de nouille et la pâtisserie, sans jamais arriver à terminer proprement aucune des activités proposées, les députés comme les ministres sont déjà totalement débordés par les petites sauteries et autres buffets qui s’enchaînent les uns aux autres, pour certains jusqu’à Copenhague.

Ainsi, on est à l’atelier « Identité Nationale« , et on sent déjà la panique s’installer.

Et Myard voudrait ajouter à tout ce bazar une nationalisation techniquement hasardeuse d’un outil qu’il ne maîtrise pas ?

C’est loufoque !

Comme je le disais en introduction, finalement, quand ce ne sont pas les uns, ce sont les autres : chaque jour qui passe amène son triste lot de preuves supplémentaires que les politiciens sont des spécialistes de la connerie, des professionnels de l’hallucination collective idiote.


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