Plongée en pays rébète
A la fin des années trente, une dictature militaire s’installe en Grèce avec son folklore à la Mussolini. Les libertés fondent alors comme neige au soleil. À Athènes, dans les bouges enfumés par le haschich, une communauté de la marge d’origine turque, ivre de musique et de liberté s’adonne à tous les excès. L’histoire raconte la journée de cinq amis musiciens dont l’un, Markos, génial joueur de bouzouki, sort de prison. Face aux provocations de la flicaille bien-pensante, aux embrouilles mafieuses, aux amours incertaines, ces cinq-là n’ont qu’un refuge : le rébétiko. Jusqu’au bout d’une folle nuit.
David Prudhomme a mis le rébétiko dans toutes ses pages. Avec maestria il dessine la musique et fait danser les hommes dans les bouges. Sans en entendre une note, le lecteur grâce à lui fait l’intime rencontre du chant triste et révolté de ces immigrés turcs d’Athènes. « Regarde les hommes du port autour de nous. Ils viennent pour s’étourdir des vérités qu’on leur chante », dit Markos. Le scénario fait affleurer les violences à chaque instant : celles du milieu et de la police, mais aussi celles des sentiments et de la création artistique. On ressort de cet album comme d’un voyage en pays lointain : dépaysé, avec cette vaine envie d’en faire perdurer l’atmosphère et les rencontres.
Un album à la classe folle à l’image des hommes qu’il évoque
© Antoine Hudin
________________Rébétiko, La mauvaise herbe – de David Prudhomme (scénario, dessin et couleur) – Futuropolis – 20,00 €
sélection du festival international de bande dessinée à Angoulême 2010