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"V pour Vendetta" de James McTeigue

Par Pfa

Un héros masqué surgit de la nuit, et laisse comme seule trace derrière lui une lettre, non pas un Z mais un V, et son objectif n’est pas de défendre les pauvres face aux bandits mais d’anéantir par la violence un pouvoir dictatorial.

L’intérêt majeur de cette adaptation de la fameuse BD d’Alan Moore réside dans sa thématique, qui ne cache pas son inspiration d’origine anarchiste, idéologie dont elle reprend la symbolique à travers son protagoniste vêtu de noir et le sigle V, sorte d’équivalent renversé du A cerclé cher aux libertaires. Le héros, dont la démarche s’apparente à l’action directe, est par ailleurs qualifié par les médias de « terroriste », amalgame traditionnellement entretenu au cours de l’histoire par les dirigeants politiques. Si la propagande télévisuelle, l’imposture religieuse et la tyrannie du gouvernement sont pointés du doigt à travers cette parabole, qui - au-delà du cas britannique visé ici - peut trouver un écho dans d’autres démocraties, on peut néanmoins regretter le schématisme de la situation dépeinte. L’opposition manichéenne entre un rebelle au combat juste et un ersatz de régime hitlérien restreint considérablement la portée du propos, établissant une distance importante avec le contexte politique international de nos jours. On aurait préféré un portrait davantage nuancé de V dont les méthodes contestables - attentats, meurtres, tortures - auraient dues être davantage mises en question, ainsi qu’un personnage de chef d’état un peu plus actuel, auquel les modèles contemporains n’auraient pas manqué…

Là se situent la limite du film et sans doute tout son paradoxe. D’un côté, une major américaine soucieuse d’exploiter un courant contestataire « tendance » à des fins commerciales, en offrant une vulgarisation idéologique à une cible jeune. La branche française de la Warner trouvera d’ailleurs bon de « surfer » sur les récents événements qui ont animé l’hexagone - mouvement anti-CPE et autres « émeutes de banlieue », évidemment sans commune mesure avec les exploits de V - afin de promouvoir la sortie de son blockbuster. De l’autre, un Joel Silver visiblement bien embarrassé lors de cette même promotion par l’idéologie véhiculée par le film - qui ne fait rien de moins qu’appeler à la révolution - et dont le producteur s’efforcera tant bien que mal de minimiser l’importance. Ce dilemme entre opportunisme mercantile et approbation d’une idéologie très controversée se révèle assez symptomatique de la difficulté, pour ne pas dire la quasi-impossibilité, de transposer à l’écran le parcours d’authentiques personnalités anarchistes.

V pour Vendetta constitue un divertissement qui se laisse volontiers regarder, et non une œuvre éminemment subversive telle qu’aurait pu le laisser songer son matériau de base. Le réalisateur, ex-assistant des frères Wachowski, ne possède pas leur efficacité et se contente d’assurer le minimum syndical. La mise en scène, mollassonne, ne parvient pas à transcender les quelques tunnels scénaristiques qui émaillent le récit. Seuls l’originalité de son sujet et le charme de son interprète féminine méritent qu’on s’intéresse à V pour Vendetta.

V for Vendetta (V pour Vendetta). États-Unis / Allemagne. 2005. Réalisation : James McTeigue. Scénario : Andy et Larry Wachowski. Image : Adrian Biddle. Montage : Martin Walsh. Musique originale : Dario Marianelli. Interprétation : Hugo Weaving (V), Natalie Portman (Evey), Stephen Rea (Finch), Stephen Fry (Deitrich), John Hurt (Adam Sutler), Roger Allam (Lewis Prothero). Durée : 2 h 12 min. Sortie en salles : 19 avril 2006.


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