Pour ceux qui ont suivi un tant soit peu le parcours du combo de la big apple, on pourrait presque lui reprocher de s’être cantonné au rôle de second couteau, de ne pas avoir rejoint le pool des « Four of thrash », comme d’autres (Exodus, Testament…). Mais, force est de reconnaître que les new-yorkais n’ont jamais eu de véritable baisse de régime au cours de leurs 30 années de carrière. Leurs albums sont des condensés de ce qui se fait de mieux en terme de thrash metal féroce. Overkill est un groupe d’honnêtes artisans en quête d’intensité et de sincérité à chaque réalisation. C’est une nouvelle fois le cas avec ce seizième album « Ironbound ». Explications en compagnie du chanteur leader de la formation Bobby « Blitz » Ellsworth.
Comment pourrais-tu dresser un bilan des années d’existence d’Overkill ?
Bobby « Blitz » Ellsworth : D’un point de vue professionnel, mes rêves de carrière dans le domaine de la musique sont devenus le travail de ma vie. Mais beaucoup de choses ont changé depuis cette époque, que ce soit au niveau du business, des gens autour de nous … La vie est ainsi faite. Si je devais la résumer en une seule phrase, je dirais que c’était une bonne partie de plaisir.
En 87, lors de votre première tournée française, tu as dit que tu te voyais, dans 30 ans, marié avec une belle femme intelligente. Qu’en est-il aujourd’hui, 20 ans plus tard ?
J’ai un garçon mais il est très beau ! (rires). En fait, je suis marié mais mon fils n’a pas 25 ans, ce qui me donne l’âge de 33 ans (rires). En fait, j’ai gardé mon sens de l’humour… Ce qu’il y a de drôle c’est que ce que je t’ai dit il y a 25 ans nous amène aujourd’hui à cette conversation. C’est intéressant. D’une manière générale, j’essaye de garder une vision positive des choses et de la vie en particulier.
Quels souvenirs gardes-tu de vos premiers pas discographiques avec le titre « Feel The Fire » qui se trouvait sur la compilation « New York Metal 84″ ?
Oui, je me souviens très bien de la fille sexy sur la pochette (rires). En fait, à l’époque, on ne pensait pas qu’il y aurait un lendemain à cette apparition sur « New York Metal 84″. En même temps, rétrospectivement, tu te dis que tu avais envie de répéter ce type d’expériences, d’aller encore plus loin, d’avoir suffisamment d’énergie pour pouvoir réaliser tes rêves. Aujourd’hui, c’est cette volonté de continuer à entretenir le feu sacré qui prédomine dans ma vie.
Comment expliques-tu cette fascination de la jeune génération métallique pour cette période musicale de la fin des années 80 ?
Que ce soit sur la côte Ouest ou Est, en Allemagne ou en Grande Bretagne, le thrash metal était une véritable révolution musicale. Nous étions très influencés par la New Wave Of British Heavy Metal et, en même temps, nous étions des fans de punk-rock. Ce courant était également une réaction par rapport certains groupes de Los Angeles qui ne se prenaient pas pour de la merde, qui pensaient avoir les meilleures dégaines ou prendre les meilleures drogues… Nous, on leur disait, en quelque sorte, qu’on leur pissait dessus (rires). De cette colère est née une nouvelle approche du metal qui trouve un écho dans la génération actuelle qui reprend le flambeau. Je pense qu’il est nécessaire de transmettre ce flambeau afin qu’il ne s’éteigne jamais.
Votre nouvel album, « Ironbound », est décrit comme un disque de « old-school thrash ». Est-ce que vous avez pensé à vos débuts dans le circuit pour enregistrer ce nouvel album ?
Justement, comment a été reçu « Immortalis » ?
Très bien ! Il témoigne d’une certaine forme de ténacité de notre part… Nous sommes connectés en mode « survivor » et, aujourd’hui, on se dit qu’il faut serrer les poings et foncer sans se soucier de ce qui se passe autour de nous. Faisons ce que l’on sait faire de mieux en essayant de le faire à un bon niveau. Le fait de continuer à tourner, nous permet de garder cette énergie vitale en nous. Pour en revenir à « Immortalis », on va dire que c’était l’étape nécessaire pour arriver à « Ironbound ».
Cette fois-ci, qu’est-il arrivé à Chaly, la mascotte du groupe ?
En fait, nos pochettes sont toujours des variations autour du même thème. C’est un artiste de la côte ouest, Travers Smith, qui réalise à chaque fois notre graphisme. Il travaille avec nous depuis la sortie de « Necroshine » en 99. Il a toujours quelques dessins d’avance et l’on choisit celui qui peut le mieux s’adapter à l’album que l’on souhaite réaliser.
Comment s’est passé le processus d’enregistrement de « Ironbound » ? Est-ce que les sessions se sont étalées dans le temps ou est-ce que tout a été très vite réalisé, dans l’urgence ?
Je dirais que c’est un peu les deux. Nous sommes un groupe qui s’auto-produit. Pour moi, un enregistrement doit s’adapter à la façon dont les morceaux ont été conçus. On se doit d’être un minimum organisé. La nature humaine est plutôt changeante et comme nous sommes souvent sur les routes, il faut que l’on puisse restituer à chaque session d’enregistrement un feeling identique à celui de la fois précédente. Heureusement pour nous, cela fonctionne. Parfois, cela prend 15 minutes pour élaborer un titre puis, d’autres fois, tu bûches jour après jour pour sortir quelque chose d’acceptable. Le fait que tout soit bien organisé en amont nous permet parfois d’expérimenter de nouvelles idées ou de pousser des idées encore plus loin une fois que l’on se retrouve en studio.
Est-ce un « combat » permanent ?
Tu te bats contre les chansons. Il faut réaliser le parfait mariage entre toutes les composantes, modeler les choses pour arriver à un résultat convenable pour nous. J’essaye de toujours trouver les bonnes intonations par rapport à la musique élaborée par D.D. Verni (ndlr : le bassiste du groupe depuis les débuts).
Parfois, on se bat mais souvent le résultat est quelque chose de naturel et très dépendant de cet état de compréhension qui existe entre DD et moi.
The Green And The Black : Une petite intro à la basse semi-slappée et une mélodie à la guitare inquiétante. Puis, les roulements de batterie déboulent et la machine Overkill se met en branle. Les rythmiques sont bien saccadées et speed comme à la bonne époque du thrash metal de la fin des eighties. Overkill ne rigole pas et démontre que maîtrise rythmique et férocité font bon ménage.
Bobby : J’avais envie de relever ce challenge qui consiste à élaborer un titre qui soit long tout en étant suffisamment varié. Avec ce type de morceau, il faut à tout prix éviter à l’auditeur de s’ennuyer. En même temps, le titre devait nécessairement être long. La chanson est une sorte d’hommage à ce que nous sommes en tant que groupe et à la façon dont nous avons suivi notre chemin dans ce business.
Iron Bound : le titre propose un bel équilibre entre brutalité et mélodie (on est à la limite du break à la Maiden). Mais, attention les guitares sont sévèrement saccadées et, ici, on carbure toujours au speed malgré les années. La voix de Bobby est toujours aussi rugueuse.
B. : Il y a un double sens dans ce titre. Tout d’abord, le fait d’être attaché à quelque chose d’une manière physique et d’une manière abstraite. C’est aussi une chanson à propos de nos voisins immigrés dans le New Jersey. Dans les années 1800, beaucoup d’européens venus du Portugal, d’Irlande ou d’Italie sont venus travailler dans la région pour construire des voix de chemin de fer. Il y a donc cette image de gens attachés à la terre par les voies de chemin de fer. Il y a comme une analogie, un lien entre ces gens et nous qui restons fidèles à nos racines. On s’est donc dit que c’était un bon titre pour cet album.
Bring Me The Night : Les premiers notes de ce morceau nous donne l’impression d’être revenu au bon vieux temps des premiers Metallica, Diamond Head ou Blitzkrieg. Après, le tempo s’affole et le groupe ne calme pas du tout le jeu. Intense.
B. : C’est un titre très speed avec une espèce de touche rock’n’roll « old school » comme pouvait le faire certains groupes de la New Wave Of British Heavy Metal tout en ressemblant à du Overkill. J’ai eu l’idée du riff en mai dernier puis nous en avons discuté avec DD, car nous sommes des amis avant tout et il y a une grande compréhension entre nous, et nous nous sommes dit que cela nous rappelait ce que nous faisions dans notre jeunesse et, en même temps, cela sonnait relativement actuel.
The Goal Is Your Soul : Ici, le tempo se fait plus heavy alors que les chœurs sont plus vengeurs. Overkill place, à nouveau, un break avec arpèges en plein milieu comme pour mieux redémarrer et laisser l’auditeur au tapis lors des cavalcades réglées au cordeau.
B. : En fait, j’ai une fascination par rapport à la façon dont la croyance en Dieu est utilisée à des fins politiques. Il faut dire que notre pays a été construit en grande partie sur une certaine forme de persécution, qu’elle soit financière ou religieuse. Il y a beaucoup de gens aux Etats-Unis qui considèrent que l’on doit gérer les affaires politiques en pensant ou en se référant constamment à Dieu. J’ai envie de dire à ces personnes que cela ne devrait pas être le cas !
Give A Little : Même « punition » que pour le précédent morceau : le groupe alterne passages heavy et speed endiablé pour une efficacité maximale. Un pur joyau pour la scène. A noter, un break d’une lourdeur bien dosée et millimétrée.
B. : C’est un titre qui parle tout simplement du fait de prendre des décisions ou non, de domination ou de soumission. Les paroles insistent sur la nécessité d’être son propre arbitre. C’est le thème central. Musicalement parlant, on ressent cette influence punk de la côte est qui a toujours existée au sein du groupe. Nous sommes de grands fans de cette musique. J’ai commencé à pogoter sur les Ramones afin de partager la scène avec Slayer.
Endless War : Un morceau qui nous fait penser qu’Udo Dirkschneider (Accept) a quand même bien influencé le chant de Bobby « Blitz ». Ce titre reprend tous les ingrédients d’Overkill. A noter, une belle cavalcade de guitares doublées à la tierce.
B. : C’est un morceau qui parle du fait de se battre en général. Il n’y a rien de politique dans ce texte. Nous avons tous quelque part des problèmes dans notre vie personnelle. Quand je suis confronté à ce genre de problème, le mieux est de faire face plutôt que d’essayer de l’éviter.
The Head And Heart : Des arpèges inquiétants qui laissent présager d’un déluge sonique à venir. Overkill élabore ici une pure bombe pour le live avec une alternance de passages tout en retenue et des explosions d’agressivité. Au début, Bobby prend une voix d’outre-tombe avant de revenir à son style gouailleur et tranchant comme une lame de rasoir.
B. : En fait, cette chanson parle de la façon dont mon cœur ou ma tête peuvent me m’abandonner par moments… Les deux ne fonctionnent pas toujours ensemble et l’un te fait parfois réagir plus que l’autre… Ce titre est inspiré d’un livre…
In Vain : Un titre correct qui n’est pas forcément le plus marquant de ce disque. Le break avec ces voix scandées sonne bien punk.
B. : Un titre qui parle, à nouveau, du fait de combattre et de sortir victorieux de ce combat…
Killing For A Living : une courte intro et nous voilà replongés dans un bain en fusion. La voix de Bobby passe dans un filtre alors que chaque musicien se prépare à envoyer du bois. Pas de surprise, tout est en place pour que ça dépote et que tout le monde en ait pour son argent…
B. : Les paroles que j’écris sont basées sur des sentiments personnels et des thématiques parfois très éloignées de ma vie quotidienne. Ce morceau traite de l’individualisme entre les hommes…
The SRC : Après un peu plus de 40 secondes d’une intro bien lourde, les thrashers remettent ça de plus belle avec une série de riffs tranchants. On clôture ce disque comme on l’a commencé, c’est-à-dire pied au plancher avec la certitude que ce genre n’a que faire du temps et des modes qui passent. Putain, on est déjà en 2010 !
Propos recueillis Laurent Gilot
Overkill, Ironbound (Nuclear Blast/Pias)
Sortie le 29 janvier 2010
En concert au CCO Villeurbanne (Lyon), le 18 février 2010, et au Nouveau Casino (Paris), le 23 février 2010.
Overkill, Ironbound, video with Iron Man trailer