A chaque fois...(poème)

A chaque fois
c'est une nudité.
Qui vous regarde dans le blanc des yeux.
Qui vous regarde vous regarder.
Qui vous regarde regarder ce qui, en elle, vous regarde.
A chaque fois, c'est ceci : l'impression de ne plus être un être humain.
L'impression diffuse, confuse, de ne plus être une femme, mais un crabe.
La perception de la ruée des bras fibreux vers le dehors
de leur prise de possession de l'espace agitée, chaotique.
La perception du divorce entre les membres et le reste du corps
...de la querelle, en somme, entre le centre et la périphérie.
L'ensemble torse-abdomen crie.
En réponse, les bras vocifèrent.
Les jambes, quant à elles, ressemblent à de gigantesques lignes de fuite.
Les bras et les jambes aspirent au mouvement, à l'expansion.
Ils aspirent à la dilution dans la liberté de l'espace.
Ils veulent, en quelque sorte, selon la formule consacrée, "mener leur vie".
Ils ne comprennent pas pourquoi ils sont retenus par ce corps, ce tronc si fixe, si immobile.
Et cette nudité continue de projeter ses spasmes dans le néant.
Elle fuse...sans doute pour se convaincre elle-même qu'elle existe.

26/09/2006Patricia Laranco.