La secrétaire d'Etat, invitée à un débat sur l'identité nationale, a été prise en flagrant délit d'amalgame. Elle assure que l'on a sorti ses propos de son contexte et compte mettre en ligne l'intégralité du débat. Un participant confirme sa version
Amalgame sans complexe ou phrase sortie de son contexte? Invitée hier d’un débat sur l’identité nationale, Nadine Morano a semblé vouloir tirer l’oreille du jeune musulman français. Et a demandé «qu’il aime son pays, qu’il trouve un travail, qu’il ne parle pas verlan, qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers», alors qu’un jeune homme l’avait interrogé sur la compatibilité de l’islam avec la République.
La secrétaire d’Etat à la Famille avait répondu à une invitation pour un débat local organisé à Charmes (Vosges). Une commune choisie par l’organisateur de la soirée, le député (UMP) Jean-Jacques Gaultier, parce qu’elle est la ville natale de l’écrivain nationaliste et antidreyfusard, Maurice Barrès... Référence suscitant une vive polémique: une cinquantaine de militants du NPA, de Parti de gauche ou des Verts ont ainsi manifesté devant la mairie pour protester contre cet hommage à l’écrivain lorrain.
Au lendemain de sa bourde, Morano tente un rattrapage au micro de RMC, assurant que sa «phrase est complètement sortie de son contexte par rapport à 4 heures de débat».
Le contexte? «Nous parlions de la problématique des jeunes qui viennent des banlieues dont je viens et dont je suis issue», précise Morano. Pour éviter «cette caricature, cette stigmatisation qu’il y avait», elle aurait donc voulu la jouer bonne copine, livrant ses conseils: «non seulement ne pas porter leur casquette de travers, ne pas parler verlan. Mais j’expliquais aussi (qu’il fallait) que l’on utilise le potentiel de la double culture».
Amed Bellal, membre du Conseil régional du culte musulman de Lorraine, présent lundi soir au débat, a pris sa défense, confirmant que la phrase polémique était «vraiment sortie de son contexte». Nadine Morano «n’a absolument pas stigmatisé la religion musulmane car si elle l’avait fait, croyez-moi, j’étais là et j’aurai réagi tout de suite», a-t-il promis, précisant que celle-ci avait répondu «à une question d’un jeune qui n’était pas musulman».
«Il stigmatisait un peu l’islam, il parlait un peu de la Turquie et il (disait) qu’il était au chômage, qu’il n’avait pas d’argent», a poursuivi Amed Bellal, qui souligne que la ministre lui avait «répondu en disant qu’il ne fallait pas stigmatiser certains jeunes, qu’il fallait respecter tout le monde et qu’il fallait, quand on se présente devant un patron et qu’on cherche un travail, parler correctement et ne pas parler verlan. Pour tous les jeunes qui souhaitent aller vers un emploi».
«C’est un dérapage supplémentaire»
Morano, pressentant qu'elle s'avançait sur un terrain glissant, affirme qu’elle avait prévu le coup: «J’ai pris la précaution en plus, parce que je ne voulais pas que des phrases soient sorties de leur contexte, de filmer ce débat et nous le mettrons en ligne.»
La réflexion de la secrétaire d’Etat a fait bondir le porte-parole du PS, Benoît Hamon, qui, interrogé par l’AFP, a jugé ces propos «consternants» et «très graves». «Cela confirme le regard caricatural de plusieurs membres du gouvernement sur la jeunesse de ce pays, avec des amalgames invraisemblables sur les jeunes musulmans qui seraient suspectés de ne pas chercher du travail et à qui on prête désormais un uniforme - la casquette à l’envers - et le fait de ne pas parler un français correct», a-t-il regretté, dénonçant «une stratégie de bouc-émissaire, de caricature et de stigmatisation permanente». «C’est un dérapage supplémentaire. Mais combien de dérapages avant?»