La reprise de mars à l’été était téléphonée : États et banques centrales avaient fait ce qu’il fallait. La suite de la hausse à l’automne était portée par les bons résultats des entreprises et de l’économie : restockage, prime à la casse automobile, soutien au crédit et à l’immobilier. La faillite de Dubaï et la dégradation des notes de la Grèce et de l’Espagne a montré que tout n’était pas fini. D’où les hésitations des investisseurs à l’approche de la fin d’année.
Pour y voir clair, prenons du recul. Le choc des subprimes 2007 venait après le choc des attentats 2001 et le choc des technologiques 2000. Jamais les indices n’ont retrouvé leurs plus haut depuis 10 ans. Nous sommes en marché baissier, conjonction des cycles des affaires sur 3 ans (2000, 2003, 2007), du cycle de l’investissement et de la dette sur 8 à 10 ans (1999, 2008) et du grand cycle Kondratiev poussé par l’innovation d’environ 60 ans, commencé du fait de la guerre en 1945. Le problème du Kondratiev est qu’il est très long et que les transitions prennent du temps. L’ancien cycle né entre 1929 et 1945 était fondé sur l’énergie bon marché, le crédit facile, et quelques innovations technologiques (radar, fusées, informatique) – mais la restriction du monde en deux (URSS) ou trois blocs (si l’on inclut le tiers-monde).
Le nouveau cycle qui naît sera fondé sur les technologies de l’information et de la communication, sur les biotechnologies, la mondialisation complète et la préoccupation pour les ressources durables. Pour amorcer ce nouveau cycle l’innovation ne suffit pas, il faut aussi les capitaux. Les consommateurs sont prêts à entrer dans ce nouveau capitalisme du service, économe en ressources et orienté vers la relation durable. Mais les entreprises doivent se réorienter (et trouver un nouveau management), se désendetter, trouver les fonds propres à développer ce nouveau paradigme. Certaines l’ont, qui créent de la valeur ; d’autres non, qui subissent le poids de leur dette accumulée (ex. Thomson).
Dans un monde keynésien, les États ont leur rôle à jouer. Sauf quand ils sont étranglés par leurs gabegies passées. La France est dans ce cas avec une dette déjà forte à l’entrée dans la crise, des prélèvements obligatoires, une TVA, un taux de fonctionnaires par habitant et un chômage parmi les plus élevés d’Europe. Le « modèle » social français dépense plus qu’il ne fait rentrer depuis 1974. L’État n’a donc presqu’aucune marge de manœuvre pour encourager l’innovation, la recherche, l’éducation, ni pour aider les entreprises à se réorienter. Les entreprises française ont à se débrouiller toutes seules, d’où délocalisations, fermetures d’usines non rentables, cessation d’activités, rapprochement avec les entreprises asiatiques, investissements sur les marchés émergents où sont les clients, etc.
Car les bénéfices attendus pour l’an prochain sont ailleurs.
- Pas en zone euro où la devise est trop forte pour exporter, alors que le cours de l’énergie augmente pour compenser la perte des pays producteurs due à la baisse du dollar.
- Pas en France où le chômage atteint 9.5% « au sens du BIT », ce qui signifie qu’il est nettement plus élevé, car le Bureau international du travail exige d’être en âge de travailler, de ne pas avoir travaillé même une heure et d’être disponible de suite. Tous les arrêts maladies, stages de reconversion ou emplois précaires ne sont pas comptabilisés. Sans parler de ceux qui ne s’inscrivent même pas, ni ceux qui se trouvent hors système (SDF, sans papiers, travail au noir).
- Pas au Japon où le chômage est plus faible mais le travail précaire trop courant et les retraites basses.
- Pas même aux États-Unis où le taux de chômage officiel est à 10%, montant vers 17% si l’on inclut les travailleurs pour quelques heures et les exclus du système.
Le soutien de la hausse boursière actuelle ne vient pas de l’économie. Les gérants restent donc très long terme (Warren Buffet) ou cantonnés au day-trading. Les soi-disant « gérants » des banques se contentent de placements indiciels (tout en prélevant leurs frais au passage).
Le CAC40 vise les 4000, voire 4300 jusqu’en mars ou avril ; le S&P500 irait bien friser 1200, voire 1250. La saisonnalité de novembre à mai est plutôt favorable mais les investisseurs sont inquiets d’assurer leurs performances à fin décembre, de mesurer les ventes de Noël et les bénéfices des sociétés (publiés en février), tout comme d’intégrer les prévisions des économistes et les votes des budgets d’État pour 2010.
Il faut donc accompagner le mouvement, tout en gardant à l’esprit que nous sommes en marché baissier.