La directrice de l’agence, Sophie Brédas-Nedir, avait bien repéré que je ne parlais quasiment que de marques de niche sur mon blog… Ce qu’elle ne savait pas encore, c’est qu’on se connaissait déjà ! Car non, ce n’est pas évident de savoir qui se cache derrière ce blog (bon, c’est vrai, c’est un peu plus facile maintenant que j’ai parlé de la création de ma boîte). Du coup, je l’ai appelée et j’ai insisté pour qu’elle développe un peu son point de vue…
… Qu’elle m’a illustré par un exemple concret : une mission d’habillage de packaging ratée (parmi tant d’autres...).
Le brief :
« Une grande marque de beauté (nom de code : Poopoopidoo) a contacté l’agence avec un brief très simple : lancement d’une gamme de démaquillants, sans revendication particulière, car cette marque se positionne plus dans un concept créatif (l’audace et l’impertinence) que dans l’efficacité. Poopoopidoo a une réelle légitimité à se lancer dans le démaquillage car son fond de commerce est le maquillage, mais elle n’est pas du tout attendue sur ce segment de marché. »
La réflexion :
« Puisque Poopoopidoo n’apporte pas de réelle innovation, nous devons dessiner des packagings très "brandés", c'est-à-dire avec un logo bien visible, un design très féminin, une sur-expression de ce rose Poopoopidoo bien identifié par les consommatrices, et peu de texte. Un message très sincère, assez épuré mais très impactant, qui dirait : "Je suis juste en gel démaquillant, mais si ça vous fait plaisir, vous qui aimez la marque, maintenant vous aurez aussi le bonheur d’utiliser un démaquillant Poopoopidoo". »La top-proposition des Z :
« 1/ Pour être visible en linéaire, il faut casser les codes. Aujourd’hui, le rayon démaquillants, c’est du bleu, du vert, du transparent. Poopoopidoo est la dernière arrivée sur le segment, n’a pas grand-chose à ajouter, on ne va donc pas se fondre dans la masse et au contraire proposer des packs bien blancs, d'autant plus que c'est la couleur idéale pour valoriser le rose emblématique de la marque. Afin qu’en linéaire, on ne voit QUE Poopoopidoo.
2/ Ensuite, il faut travailler sur les volumes des packs, car Poopoopidoo propose toujours des emballages originaux et facilement identifiables.
3/ Puis il faut trouver un axe créatif VRAIMENT différenciant. Pourquoi ne pas mettre sur les flacons de démaquillants des objets de maquillage ? Comme cela, on rappelle l’identité première de la marque, avec ses produits-phare facilement indentifiables, et on sous-entend que Poopoopidoo, experte en maquillage, sera forcément parfaite pour… démaquiller ! Et cela, sans parler d’actifs ou segmenter par types de peaux, comme le font toutes les autres marques.
4/ Enfin, nous avons choisi un texte très épuré, avec de la proximité, de l’émotion. Un texte court, qui donne envie. »
La chute (aïe):
« Nous étions en compétition avec d’autres agences et notre projet a été validé par l’équipe marketing de Poopoopidoo.
Sauf que… Le projet était peut-être trop innovant à leur goût, et ils n’ont finalement pas osé aller jusqu’au bout de la proposition créative. Au final, ils n’ont gardé que l’idée de l’objet de maquillage affiché sur le flacon de démaquillant, mais ont tout relooké aux codes du marché : au niveau des couleurs (donc pas de différenciation en linéaire), et au niveau des textes (pas de proximité ni d'audace).
A mon sens, on a perdu tout l’intérêt créatif de ce projet d’habillage de packagings : à la fois la personnalité de la marque et l’impact de la gamme. Cette ligne de démaquillants a perdu son charisme avant même d’exister. D’ailleurs, lorsque les produits sont sortis, je suis passée chez Monoprix et je ne les ai même pas vus… »
La morale de l'histoire ?
« Peut-être que cette gamme de démaquillage se vend super bien… Je ne sais pas, mais là, ce n’est plus mon métier. Ce qui est sûr, c’est que j’ai l’impression de pas avoir fait mon boulot. Comme on pourrait mettre n’importe quel logo de n'importe quelle marque sur ces décors, ça veut bien dire qu’ils n’incarnent rien… Alors que si on était resté sur la proposition créative du début, même sans logo, on aurait tout de suite compris qu’il s’agissait de Poopoopidoo.Je n’ai pas réussi à convaincre l’équipe de Poopoopidoo : pourquoi ?...
J’ai réfléchi, et j’ai compris depuis peu que finalement ce n’est pas un "défaut" des grandes marques de ne pas se démarquer, car elles ne sont pas là pour prendre des risques. Elles s’adressent à un public de masse et doivent lisser leur communication.
Prendre des risques, faire bouger les choses, c’est le rôle des nouvelles marques et des marques challenger. Car si elles n’ont pas de véritable charisme, elles meurent très vite. »
L'épilogue !
« C’est là que je me suis dit que je pourrais m’éclater tous les jours si je bossais pour des marques qui sont à une étape de leur vie à laquelle elles n’ont pas d’autres façons d’exister que de travailler leur charisme. J’ai envie d’installer l’expression des personnalités de ces marques challengers, car elles en ont vraiment besoin.C’est pourquoi, je viens de créer LES ZYGOTES, une agence de création pour les marques alternatives ambitieuses dont les budgets ne sont pas extensibles. Je continuerai à travailler pour les marques leader, mais sur des briefs vraiment créatifs. »
Oserez-vous suivre LES ZYGOTES ???
+ d'infos : www.les-z.com
Contact : [email protected]