Sur le dos des pauvres

Par Jmlire

" Les banques bénéficient aujourd'hui d'une situation extraordinairement favorable : les gouvernements leur donnent tout l'argent qu'elles veulent, et pratiquement sans intérêt ( 0,25 pour cent aux Etats-Unis ! ) Comme les taux auxquels elles prêtent à leurs propres clients n'ont pas baissé, le simple jeu des marges leur assure des profits confortables et sans risque aucun. Donnons un exemple. Chaque année, le Ghana sollicite auprès d'un pool de banques une ligne de crédits destinée à préfinancer la production du cacao. Cette production future est vendue d'avance : avant même qu'une graine ait été mise en terre, les négociants internationaux se sont déja engagés à acheter la récolte et ont convenu du prix . Le risque pour les prêteurs est donc nul: il s'agit simplement de donner aux petits paysans les moyens de planter et de cultiver...
   Jusqu'en 2007, le taux de la ligne de crédit reflétait cette absence de risque : 0,16 pour cent au dessus du LIBOR, qui est le taux sans risque. En 2008, on passe à 0,45 pour cent, ce qui s'explique par la crise financière : les banques ne disposaient plus de liquidités. On pourrait croire qu'en 2009, maintenant que les banques peuvent puiser à pleines mains dans les coffres des Etats, on est revenu au niveau d'avant la crise. Il n'en est rien. Le taux cette année est passé à 3,5 pour cent au-dessus du LIBOR, soit sept fois plus que l'année dernière, vingt fois plus qu'en 2007. Rappelons qu'il s'agit d'une opération sans risque : si les banques appliquaient aux paysans ghanéens le taux qu'elles s'appliquenrt entre elles, ils paieraient deux fois moins cher, en l'occurence 35 milliards au lieu de 70, puisque l'opération porte sur un milliard de dollars. La différence, soit 35 millions, est une rente , un transfert direct d'argent des paysans ghanéens vers Natixis, la Société Générale et les autres banques du syndicat.
   Nous sommes revenus à la situation antérieure : un flot de liquidités se déverse dans le système financier mondial, provoquant une bulle spéculative et poussant les financiers à rechercher des rendements irréalistes. Avant 2007, elle était alimentée par des taux anormalement bas aux Etats-Unis, qui ont permis la spéculation immobilière ; aujourd'hui, elle est alimentée par les subventions versées aux banques. Les mauvaises habitudes reviennent, on ne parle plus de réglementer le système financier. Au contraire, ceux qui devraient le faire quittent l'administration pour devenir banquiers. Ils n'ont rien appris, ni rien oublié."
Ivar EKELAND, professeur d'économie, dans le magazine Pour la Science n°382, Août 2009.
http://www.iforum.umontreal.ca/Forum/2005-2006/20060515/R_4.html
http://www.gilles-jobin.org/citations/?P=e&au=592