L'enfant ne meurt jamais en nous.
Il demeure enkysté en l'être humain adulte, tout au long de sa vie.
C'est, entre autre, ce qui rend le rapport à la femme (mère, objet premier de tout désir) si problématique.
L'Espagne est un basculement vers l'Afrique du Nord.
Regardes-toi
tu es tout seul
jamais que tout seul
avec toi,
avec ta vie,
avec ta mort.
Langage et idées arrachent l'Homme à la chair.
La pensée crée une nouvelle dimension.
Quoi qu'on en dise, elle désincarne, et elle vit une vie qui lui est propre.
L'Homme est-il d'abord être de chair ou être de pensée, d'imagination ?
Des mots. Rien que des mots. C'est tout. L'écrivain se nourrit de mots. Mais les mots pour les mots ont-ils quelconque poids et utilité ?
Plus généralement, il y aurait lieu de se demander, je crois, pourquoi, si souvent, dans l'humanité, les activités les moins immédiatement utiles sont considérées comme les plus
"prestigieuses".
Sans doute, les légendes de loup-garous remontent-elles à la nuit des temps. Peut-être furent-elles les lointains échos des totémismes préhistoriques.
L'être craint la mort en vertu de son instinct de conservation, du désir puissant, tripal qui l'habite de "persévérer dans son être".
Comment l'être pourrait-il se représenter sa propre négation ?
Comment pourrait-il se sentir proche de son antithèse, le non-être ?
Il n'y aurait sans doute pas de terreur de la mort sans pensée.
Par la pensée humaine, l'instinct de conservation devient conscience, et se démultiplie. Se regarder, se sentir exister est plus que seulement exister.
Avec la mort, donc, c'est l'insupportable qui est là; l'Inconnu, dans ce qu'il a de plus radical. L'être se heurte à cette barrière absolue, en matière de connaissance.
On ne peut amener le Vivant à concevoir l'annulation de lui-même. On ne peut surtout pas y amener la pensée, qui "parasite" le corps.
Ajouté à cela, se pose, aussi, le problème du lien. Un problème droit issu de l'étroite sociabilité de l'Homme, et de sa fameuse empathie. Non contente de briser des liens et de déchirer le tissu
social, la mort de l'autre renvoie toujours l'Homme à la sienne propre.
Il est toujours très difficile de se faire une opinion sur un être : sa complexité, son caractère multi-facettes, ambivalent, contradictoire, imprévisible font que l'on ne peut jamais prétendre le
connaître à fond, dans son essence (pas plus d'ailleurs que lui-même ne peut non plus prétendre à cela).
Voilà probablement pourquoi les gens aiment tant simplifier et cataloguer, réduire l'autre à une "première impression" totalement superficielle (qu'ils aimeraient bien invariable) et/ou, encore, le
réduire à une seule facette de sa personnalité multiple.
Plus ça va, plus, avec le temps, la vie perd son caractère neuf.
Elle perd sa fraîcheur au profit d'une routine fanée, fripée.
Elle devient un "air connu" et surconnu, dont on se lasse.
Elle durcit, elle noircit. Comme un vieux cuir par trop usé.
Notre regard, lentement, se ferme à elle : indifférence fixe.
Alors qu'elle court telle une source entre les mains des jeunes enfants.
Alors que pour les êtres jeunes, elle rebondit, surprend sans cesse.
Avec l'âge, elle semble avoir de moins en moins de commencements à offrir.
Est-ce elle qui se retire peu à peu de vous ou vous qui vous retirez peu à peu d'elle ?
Les Hommes se jugent toujours au nom de ce qui leur semble bon à eux.
Ils cherchent à imposer ce qui leur semble bon, voilà le hic !
Ils rechignent à concevoir qu'il puisse y avoir altérité et différence de ressenti.
L'Homme ? A la fois admirable d'avoir expliqué autant de choses. A la fois limité, confronté à tant de mystères qui le dépassent encore.
Son intelligence lui permettrait-elle de tout sonder, de tout savoir ?
La souplesse de son cerveau, de son mental et sa profonde capacité d'adaptation, ajoutées à sa curiosité sans bornes et à son ingéniosité technique donnent-elles potentiellement à son logos la
possibilité de tout comprendre ?
Le Monde est, mais il est simplement sur le moment.
N'est-ce pas là une façon de simplement donner l'impression d'être ?
La poésie viserait-elle, en fin de compte, à produire du non-mot ?
A prouver que, comme l'anti-matière, le non-mot existe ?
Qu'est-ce qu'être ?
Patricia Laranco.