Ainsi Abraham, notre père, mis à part en vue de l'accomplissement futur de la Promesse, et espérant contre toute espérance, reçoit, lors de la naissance de son fils Isaac, les prémices prophétiques de cette joie.(13) Celle-ci se trouve comme transfigurée à travers une épreuve de mort, quand ce fils unique lui est rendu vivant, préfiguration de la résurrection de Celui qui doit venir: le Fils unique de Dieu promis au sacrifice rédempteur. Abraham exulta à la pensée de voir le Jour du Christ, le Jour du salut: il « l'a vu et fut dans la joie ».(14)
La joie du salut s'amplifie et se communique ensuite tout au long de l’histoire prophétique de l'ancien Israël. Elle se maintient et renaît indéfectiblement à travers de tragiques épreuves dues aux infidélités coupables du peuple élu et aux persécutions extérieures qui voudraient le détacher de son Dieu. Cette joie, toujours menacée et rejaillissante, est propre au peuple né d'Abraham.
Il s'agit toujours d'une expérience exaltante de libération et de restauration — au moins annoncées — ayant pour origine l'amour miséricordieux de Dieu pour son peuple bien aimé, en faveur de qui il accomplit, par pure grâce et puissance miraculeuse, les promesses de l'Alliance. Telle est la joie de la Pâque mosaïque, laquelle survint comme figure de la libération eschatologique qui serait réalisée par Jésus-Christ dans le contexte pascal de la nouvelle et éternelle Alliance. Il s'agit aussi de la joie bien actuelle, chantée à tant de reprises par les psaumes, celle de vivre avec Dieu et pour Dieu. Il s'agit enfin et surtout de la joie glorieuse et surnaturelle, prophétisée en faveur de la Jérusalem nouvelle rachetée de l'exil et aimée par Dieu lui-même d'un amour mystique.
Le sens ultime de ce débordement inouï de l'amour rédempteur ne pourra apparaître qu'à l'heure de la nouvelle Pâque et du nouvel Exode. Alors le Peuple de Dieu sera conduit, dans la mort et la résurrection du Serviteur souffrant, de ce monde au Père, de la Jérusalem figurative d'ici-bas à la Jérusalem d'en-haut: « Alors que tu étais abandonnée, haïe et délaissée, je ferai de toi un objet d'éternelle fierté, un motif de joie d'âge en âge... Comme un jeune homme épouse une vierge, ton auteur t'épousera, et comme le mari se réjouit de son épouse, ton Dieu se réjouira de toi ».(15)
12 Cf. Ep 1, 9-10.
13 Cf. Gn 21, 1-7; Rm 4, 18.
14 Jn 8, 56.
15 Is 60, 15; 62, 5; cf. Ga 4, 27; Ap. 21, 1-4.
Exhortation apostolique Gaudete in Domino