Vos yeux distraits voient ce dessin banal. Ils distinguent une chute d'eau qui fait tourner la roue d'un moulin. L'eau rejoint ensuite un canal où elle descend en zigzaguant entre deux tours. Suivez attentivement son trajet.
On reprend à zéro. L'eau, choit d'une belle hauteur en cascade, elle coule grâce à la pente et pourtant c'est cette même eau qui alimente de nouveau la cascade. Hallucinant ! C'est Cornélius.
Son père était ingénieur hydraulicien, ses frères suivent de sérieux cursus scientifiques. Lui, c'est le bois qu'il aime. Il veut être menuisier ou charpentier. Ce qui est certain c'est qu'il a, tout petit, d'incroyables dons artistiques. Cerise sur le gâteau, incroyable cerise, son père va l'encourager. Oui, je sais, vous n'avez jamais vu ça, un père qui encourage son enfant ! Il va donc étudier les arts graphiques et je vais aller vite car je n'aime pas détailler et énumérer une vie. La vie de quelqu'un que j'aime. Seulement vous dire qu'il va se marier un jour, avec Yetta, ils voyageront, beaucoup, beaucoup. Il aime les pays méditerranéens. Il les visitera tous. Grèce, Corse, Sardaigne, Italie du sud, Espagne du sud.
Toujours dans sa poche, un crayon, un carnet de croquis, une loupe. Il observe, il regarde. A force d'observer, de regarder, un jour il voit.
Le plus souvent il sillonne la Méditerranée en cargo, pour payer son passage la compagnie maritime accepte un dessin, une gravure. Il voyage avec Yetta. Bonheur !
Il fuit l'Italie faciste en 1935. Il est horrifié par ce qu'il pressent. Il essaye de se fixer en Suisse, à Bruxelles, il revient aux Pays-Bas. Quelques jours avant de mourir le 27 mars 1972, il termine ce que j'ai l'immense honneur, l'immense plaisir de vous faire partager. Cette oeuvre sublimissime (je pèse mes mots), ces "serpents", magistrale xylogravure :
Cornélius était un sage, qui en douterait...