C'est Jack Kerouac disant un soir de satori à Paris ou ailleurs : "Je veux que Dieu me montre son visage !", qui me fait remonter à la mémoire cette histoire que je tiens d'où ? De qui ? En tout cas cette histoire qu'aurait pu écrire le facétieux Rabi Nahman de Bratslav, mais peut-être vient-elle de lui après tout car elle ressemble bigrement à ces récits hassidiques que j'adore...
C'est un vieux sage du désert dans ces premiers temps bibliques. L'anachorète a passé des années et des années dans la solitude, dans le rien, dans le néant, au coeur des sables et des rocs brûlés par le soleil. Il a trouvé une grotte qui l'abrite depuis des lustres. Pas loin de lui une petite oasis où aucune caravane ne passe lui procure quand même, heureusement, de l'eau, des dattes. Pas une âme qui vive dans ce lieu de haute aridité, sinon la sienne. Le pied pour un fou de Dieu.
Un jour, il "sent que c'est mûr", il sort de sa grotte, s'avance dans les sables, se met en méditation, il prie à voix haute : "Ô Dieu, Tu es mon Dieu et je Te prie sans relâche, sans faillir, depuis des années et des années. Ma foi ne faiblit pas, mais, fais-moi un signe, un grand signe afin d'affermir plus encore ma foi, afin que je crois que Tu n'oublies pas le misérable et fidèle sujet que je suis, qui a passé sa vie entière à Te prier dans le renoncement de tout. Dieu de puissance et de miséricorde, fais que ce pic élevé que je vois se détacher au loin dans ces montagnes du levant, se soulève jusqu'au ciel." Il est à genoux, en adoration, il prie, il pleure, il rit, il espère, il attend. Il attend longtemps. Rien ne se passe. Il retourne à sa grotte.
Le temps passe. Un jour, il "sent que c'est mûr", il sort de sa grotte, s'avance dans les sables, se met en méditation, il prie à voix haute : "Ô Dieu, Tu es mon Dieu et je Te prie sans relâche, sans faillir, depuis des années et des années. Ma foi ne faiblit pas, mais, fais-moi un signe, un grand signe afin d'affermir plus encore ma foi, afin que que je crois que Tu n'oublies pas le misérable et fidèle sujet que je suis, qui a passé sa vie entière à Te prier dans le renoncement de tout. Dieu de puissance et de miséricorde, fais qu'un éclair de feu dans le fracas de cent tonnerres frappe le sol à dix pieds de moi." Il est à genoux, en adoration, il prie, il pleure, il rit, il espère, il attend. Il attend longtemps. Rien ne se passe. Il retourne à sa grotte.
Le temps passe. Un jour, il "sent que c'est mûr", il sort de sa grotte, s'avance dans les sables... Vous connaissez la suite, la devinez. Il demande toujours des signes. Le saint homme demande tour à tour, en dégradé (en se ravisant à la baisse en quelque sorte), qu'un ange apparaisse, qu'un oiseau vienne se poser sur son épaule, qu'un rocher se soulève, qu'un palmier se penche pour lui offrir son chargement de fruits, qu'un bouquet de fleurs du désert éclose à ses pieds. Vous connaissez la fin. Eh oui ! Il est à genoux, en adoration, il prie, il pleure, il rit, il espère, il attend. Il attend longtemps. Rien ne se passe. A chaque fois bien sûr, il retourne à grotte.
Le temps passe. Un jour, il "sent que c'est mûr", il sort de sa grotte, s'avance dans les sables, se met en méditation, il prie à voix haute : "Ô Dieu, Tu es mon Dieu et je Te prie sans relâche, sans faillir, depuis des années et des années. Ma foi ne faiblit pas, mais fais-moi un signe, un grand signe afin d'affermir plus encore ma foi, afin que je crois que Tu n'oublies pas le misérable et fidèle sujet que je suis, qui a passé sa vie entière à Te prier dans le renoncement de tout. Dieu de puissance et de miséricorde fais-moi entendre Ton silence." Il est à genoux, en adoration, il prie, il pleure, il rit, il espère, il attend. Il attend longtemps.... Et tout d'un coup il se lève d'un bond, saute en l'air comme si un serpent l'avait mordu. Il rit, il chante, il exulte, il dit : "Ô Dieu, merci, merci infiniment Dieu magnanime, tu m'as exaucé, tu as exaucé ton misérable serviteur."
Fou de joie, il retourne à sa grotte...