Mario Rigoni Stern
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153 pages
Résumé:
A travers ces courts récits, l'écrivain ne parle pas seulement des sentiers et de la vie sur les montagnes de la haute Vénétie, il évoque aussi son retour de captivité, une promenade imaginaire à ski avec Primo Levi, des histoires de chevreuils, nous montrant un homme en harmonie avec les êtres et la nature.
Mon commentaire:
Le décès de Mario Rigoni Stern en juin 2008 m'avait beaucoup touchée. Ayant découvert cet auteur avec le magnifique Lointains hivers, j'ai toujours eu l'impression de me sentir proche des écrits de cet écrivain Italien. Toujours très près de la nature, hanté par des souvenirs de guerre qu'il tente d'appaiser en vivant en symbiose avec ce qui l'entoure, ses textes sont des instantanés de vie, sublimes de poésie et d'amour de la nature.
Sentiers sous la neige est composé de trois parties. La première donne l'impression de lire des nouvelles, des souvenirs de guerre. On suit un jeune homme échappé d'un camp, à la fin de la guerre, qui tente de rentrer chez lui. On peut supposer qu'il s'agit de l'auteur. Les histoires qui nous sont racontées sont toujours intéressantes. De grands passages mériteraient d'être lus et relus, partagés. Lire Mario Rigoni Stern c'est apprécier toute la poésie de ses textes. L'histoire Polenta et froumage, c'est bong est très touchante. Elle nous raconte le récit d'un vieux grand-père qui envoie ses petits enfants faire un voyage là où il a vécu la guerre, afin qu'ils lui racontent ce qu'ils ont vu, aujourd'hui.
La seconde partie du livre se concentre sur les souvenirs d'enfance, sur l'imaginaire de l'auteur et sur sa vie. Il nous parle de sa vie de petit garçon et d'adulte. Il nous raconte ses souvenirs des neiges d'antan et tous les mots qu'il peut utiliser pour nommer les différentes neiges à différentes périodes de l'année. Ce texte est d'une simplicité et d'une beauté merveilleuse. L'auteur nous parle aussi des cartes postales et de son rapport à l'histoire. C'était un très grand ami de Primo Lévi et il nous offre un texte étonnant: une promenade imaginaire à skis, avec Primo Lévi et une discussion entre les deux hommes. On y dénote une grande amitié...
La troisième partie du livre nous parle de la nature. La nature comme seul peut la décrire Mario Rigoni Stern. Il nous parle des chevreuils, d'une année particulièrement abondante, des oiseaux et des autres animaux qui peuplent sa forêt. Son rapport à ce qui l'entoure en est un de curiosité, d'amour profond, de symbiose. Cet homme m'impressionne, tant par ses écrits que par ce qu'il était.
En terminant, j'emprunte quelques mots de Primo Lévi, à propos de Mario Rigoni Stern:
On trouve rarement pareille cohérence entre l'homme qui vit et l'homme qui écrit, pareille densité d'écriture.
Ces quelques mots, simples, décrivent à merveille tout ce qu'était l'auteur: sa vie, ses textes et sa vision du monde... Une vision qui me touche profondément.
Quelques extraits:
"Du haut des montagnes, il sentit venir une très légère odeur, une odeur silencieuse. Il leva la tête et vit qu'il neigeait sur les sommets. Il regarda la petite fille, il regarda son grand-père: de la main il montra l'horizon et se remit à fendre le bois avec un grand bonheur dans le coeur." p.82
"Les souvenirs sont comme le vin qui décante dans la bouteille: ils deviennent limpides et ce qui est trouble reste au fond. Mais il ne faut pas l'agiter, la bouteille." p.114
"Là-haut, la montagne est silencieuse et déserte. La neige qui est tombée en abondance ces jours-ci a effacé les sentiers des bergers, les aires des charbonniers, les tranchées de la Grande Guerre et les aventures des chasseurs. Et c'est sous cette neige que vivent mes souvenirs. " p.153