Quoi qu'il en soit, c'est dans ce côté seul contre tous qu'on peut voir la certitude que Celine avait d'avoir imposé une voix nouvelle, un style dont il était fier.
Céline a passé sa vie à dire qu'il ne republierait plus le Voyage au bout de la nuit, qu'il lui devait tous ses ennuis, qu'on ne lui pardonnerait jamais l'innovation décisive qu'il avait introduite dans la littérature, l'oral dans l'écrit. Innovation relative semble-t-il. Vallès avait osé, 50 ans avant l'auteur du Voyage, un récit oralisé du même type qui a d'ailleurs inspiré Céline, d'après Jérôme Meizoz qui travaille actuellement là-dessus.
Quoi qu'il en soit, c'est dans ce côté seul contre tous qu'on peut voir la certitude que Celine avait d'avoir imposé une voix nouvelle, un style dont il était fier.
Le style: un mot qui connote la droite: le styliste est privilégié, élitaire. A gauche, les auteurs parlent de langue, terme plus collectif: la langue englobe tout. Le style est l'apanage de quelques êtres supérieurs.
Il est probablement possible de trouver un lien entre la langue d'un écrivain et son idéologie. On peut voir dans le style de Céline quelque chose du tribun qui impose sa parole aux autres: il ne s'agirait pas pour lui de la partager mais de l'imposer.
Il est vrai que Céline infuse son écriture dans l'oral, et particulièrement l'oral populaire du petit Paris. Mais les fascismes sont populistes et il n'est pas si étonnant qu'un auteur finalement proche de cette idéologie crée un tel lien.
Le paradoxe serait donc dans le contraste entre l'élitaire réclamé du style dont Céline écrivain fait grand cas, et le matériau langagier de la rue qui lui sert de base. C'est peut-être cette tension qui rend son écriture si intéressante.