Une trilogie consacrée à Paul de la croix
Introduction
La vocation sacerdotale de Paul de la croix (1694-1775) est un cadeau de Jésus crucifié pour Son Église. En instituant une année consacrée au sacerdoce, le pape Benoît XVI a demandé aux croyants de méditer sur l'importance du prêtre dans l'Église, et de rendre grâce à Dieu de susciter de telles vocations. En retraçant la manière dont le P. Paul comprit et vécut son propre sacerdoce, je voudrais montrer comment un tel appel de Dieu est à la fois unique et universel. Il répond au cri de Jésus sur la croix : « J'ai soif » (Jn 19,28).
Importance des prêtres au cours de la jeunesse de Paul de la croix
Les prêtres ont joué un grand rôle dans la vocation de st Paul de la croix. C'est d'abord par le biais de l'éducation, alors presque exclusivement entre les mains du clergé, que Paul reçut leur influence bénéfique. On sait ainsi que la famille Danei ayant résidé à Cremolino entre 1701 et 1709, Paul fut confié aux soins d'un religieux carme de cette ville. Il fut si bon élève, que son professeur confia à son père : « Je n'ai plus rien à lui apprendre, car il en sait déjà autant que moi ». L'emphase du compliment est évidente, mais elle montre les belles qualités intellectuelles de Paul, en même temps que l'amitié de ce religieux à l'égard de son élève. Dans cette période, de 7 à 15 ans, Paul eut ainsi l'occasion de se familiariser avec la spiritualité carmélitaine ; outre les leçons, il avait accès à la bibliothèque du monastère, et participait aux prières de la communauté.
En 1718, la famille de Paul s'installe à Castellazzo, la ville natale de son père, Luc Danei, les affaires de ce dernier allant mal. Paul est alors âgé de 24 ans. L'oncle paternel de Paul, don Cristoforo, qui est prêtre, va alors jouer un grand rôle dans la famille. Ayant une certaine aisance financière, don Cristoforo aide son frère et les siens, et tente de ménager à Paul un avenir confortable, en le mariant. Mais le Seigneur a d'autres vues pour le jeune homme ; et la mort de don Cristoforo, peu de temps après, mettra un terme définitif à ces tentatives de mariage arrangé. En tout cas, à Castellazzo, Paul bénéficiera de la bibliothèque de son oncle pour approfondir sa formation spirituelle.
Cette période de la vie de st Paul de la croix coïncide avec les immenses grâces mystiques que le Seigneur lui accorde en vue de la fondation de la congrégation Passioniste. A son arrivée à Castellazzo, Paul se mit sous la direction d'un « curé » de la ville, dont nous ignorons le nom[1]. Ce prêtre était en réalité peu adapté pour comprendre la vie intérieure de Paul. Sa méthode de direction spirituelle consistait à humilier son dirigé autant qu'il le pouvait, afin de l'éprouver. Il refusait par exemple de donner la communion à Paul lorsque ce dernier se présentait pour la recevoir, ce qui ne manquait pas de faire jaser les personnes qui en étaient témoins. Il lui commandait de se tenir à genoux au milieu de l'église. Lors de la confession, au lieu de le prendre à son tour, il l'obligeait à attendre longuement que toutes les personnes présentes se fussent confessées. D'autres fois il interpellait Paul à haute voix en public, le réprimandant pour des choses insignifiantes, comme s'il était un grand pécheur. Il l'obligeait aussi à aller dans la ville avec des accoutrements ridicules qui attiraient sur le pauvre Paul les moqueries des enfants et même des grands. Une fois, le terrible curé se mit en tête d'imposer à Paul de danser, ce qui bien sûr était tellement contraire au mode de vie de son si pieux dirigé ! Là, Paul marqua un arrêt, protestant qu'il ne convenait pas de lui imposer cela, puis, soucieux qu'il était de l'obéissance, il se décida cependant à faire ce qui lui répugnait tant. La mort dans l'âme, et le visage tout enflammé de honte, il s'apprêtait à mettre l'ordre absurde à exécution, lorsqu'à l'improviste toutes les cordes des instruments de musique se rompirent. Les gens, furieux de cet incident, le chassèrent de la salle de bal en le traitant de « mage » ; et lui, riant de l'aventure, s'en alla délivré de la terrible pénitence. On peut s'étonner de ce que Paul n'ait pas changé de directeur spirituel ; mais, lui, répétait simplement : « Ce confesseur me fait du bien, parce qu'il me fait courber la tête » ! L'étrange directeur spirituel de Paul finit cependant par avouer à son dirigé qu'il ne le comprenait pas, et il lui conseilla d'aller trouver un autre prêtre pour assurer sa direction.
Paul choisit le P. Girolamo de Tortone, supérieur des capucins de Castellazzo, monastère où il se rendait souvent pour y entendre la messe. Parce qu'il était bien connu des religieux franciscains il reçut la permission de communier tous les jours, ce qui était fort rare à cette époque. C'est sa réputation de sainteté qui lui valut ce privilège. Cette fois, le P. Girolamo comprit parfaitement son dirigé, et il l'engagea à suivre les lumières intérieures dont Dieu le gratifiait. On ignore combien de temps dura exactement cette direction spirituelle. Paul choisit ensuite le P. Paolo Policarpo Cerruti, qui était le pénitencier de la cathédrale d'Alexandria, le diocèse dont dépendait Castellazzo. Le P. Cerruti reprit la méthode du premier directeur spirituel de Paul, plus subtilement il est vrai, mais lui aussi ne tint pas compte des grâces extraordinaires de Paul ; et il ne manquait pas de l'humilier de diverses manières. Par exemple, lorsque Paul arrivait exténué de Castellazzo, situé à plus de quinze kilomètres, le P. Cerruti le faisait attendre au confessionnal la matinée entière avant de le recevoir. Il lui imposait des modes de prières inadaptés à son état intérieur. Mais Dieu savait récompenser Paul de son obéissance. Cela lui valut un jour, tandis qu'il méditait malgré lui de façon un peu scolaire sur le Paradis, d'être élevé mystiquement, et de pouvoir goûter l'intensité d'union qui existe entre Dieu et les bienheureux du Ciel ! Pourtant, la direction spirituelle du P. Cerruti porta du fruit, et il demeura sa vie durant un admirateur de Paul, et un bienfaiteur de la congrégation Passioniste.
Les faveurs surnaturelles de Paul devenaient toujours plus intenses ; et c'est sans doute pour lui permettre de bien discerner son appel reçu à fonder un institut centré sur la Passion du Christ que le P. Cerruti conseilla à son dirigé de s'en ouvrir à son évêque, Mgr Gattinara. C'est en 1720 que Mgr Gattinara devient le directeur spirituel de Paul. L'évêque d'Alessandria était un homme de grande foi. Il avait compris que les interminables intrigues politiques sévissant en Italie et dans l'Église étaient la source de la plupart des maux de son temps ; le remède ne pouvait venir que de Dieu. Orateur apprécié, il était aimé du peuple, notamment pour sa générosité envers les pauvres. Il accueillit Paul avec simplicité. Il comprenait bien l'intensité de l'action divine envers jeune homme, se réjouissant d'être témoin de la miséricorde du Seigneur : en écoutant Paul, l'évêque « versait d'abondantes larmes »[2]. Mgr Gattinara croyait en la vocation de Paul, puisqu'il le consacra comme ermite le 22 novembre 1720. Paul ayant demandé à faire suivre cette cérémonie de quarante jours de retraite, Mgr Gattinara lui demanda de tenir au jour le jour un journal sur l'état de son âme, afin de le lui soumettre. L'évêque demanda aussi à un théologien avisé, le P. Colombano de Gênes, d'examiner les faveurs mystiques de Paul. On le voit, Mgr Gattinara était très exigeant dans l'accompagnement qu'il prodiguait à son dirigé de Castellazzo. Un an plus tard, l'évêque donnera l'habit d'ermite au frère de Paul, Jean-Baptiste Danei, afin que ce dernier partage la vie consacrée de Paul.
Pourtant, Mgr Gattinara ne sera pas en mesure d'aider Paul à fonder sa congrégation, et c'est pour ce motif que les deux frères Danei quitteront Castellazzo à la fin de l'année 1721. De 1722 à 1727, année de leur ordination sacerdotale, ils seront assistés ponctuellement par des prêtres ou même des évêques. Lorsque son frère sera ordonné prêtre avec lui, Paul demandera à Jean-Baptiste de devenir son directeur spirituel. Qui mieux que Jean-Baptiste, le compagnon de sa vie de famille et de sa vie consacrée, pouvait assurer une telle fonction ? Jean-Baptiste sera le directeur spirituel le plus important de Paul de la croix. Lorsque Jean-Baptiste meurt, en 1765, Paul se tourne vers un de ses religieux, le P. Cioni ; il assumera la direction spirituelle de Paul de la croix jusqu'à sa mort. Ainsi, le P. Cioni sera le dernier directeur spirituel de Paul.
La place du sacerdoce dans le charisme passioniste
Dans les commencements de sa vie consacrée, Paul n'avait pas immédiatement compris la nécessité du sacerdoce pour mettre en oeuvre les inspirations qu'il recevait à fonder la congrégation passioniste. Son humilité ne l'incitait certainement pas à envisager une telle responsabilité, dont il se sentait si indigne. C'est pourtant grâce à son projet de fondation de la congrégation qu'il allait finalement se décider à embrasser l'état clérical.
Paul n'était pas seulement un contemplatif. Son coeur ne parvenait à contenir la joie et l'espérance qu'il ressentait à s'unir à la Passion de Jésus. Il lui fallait annoncer au monde entier cette vérité : « La Passion est l'oeuvre la plus grande et la plus étonnante de l'amour divin »[3]. Dès l'époque de sa vêture d'ermite à Castellazzo, on le voit déjà prêchant avec grand succès dans les églises de la ville, alors qu'il n'est pas encore prêtre. Le charisme de la prédication se révèle chez Paul en même temps que celui de l'oraison, car pour lui, en vérité, c'est bien la parole qui déborde du coeur. C'est pourquoi, dans la pensée de Paul, la dimension contemplative, sans être exclusive, est cependant première : c'est du coeur à Coeur avec Dieu que procède l'annonce du salut.
En 1724, Paul est invité par l'évêque de Troia, Mgr Cavalieri, qui a entendu parler de la sainteté des deux frères Danei. Paul et Jean-Baptiste vont demeurer six mois dans l'évêché de Troia. Une amitié profonde et confiante se tisse entre Paul et l'évêque. Ce dernier prend à coeur le projet de fondation, et entreprend un examen minutieux de la Règle que Paul avait rédigée à Castellazzo. C'est lui qui va décider Paul à embrasser la vocation sacerdotale : « Il explique à Paul que les évêques n'ont pas le pouvoir de fonder une congrégation religieuse. Seul le Saint-Siège le peut. Il avertit aussi son ami que l'apostolat de la prédication exige que les religieux soient prêtres. Paul pensait sans doute trop facilement que les permissions de prêcher qui lui avaient été concédées par les différents évêques seraient également valables pour ses futurs religieux. Mais seul ce don surnaturel qu'il avait reçu, et qui attirait les foules pour venir l'entendre, avait permis à Paul de bénéficier de ces autorisations. A l'époque, aucun laïc ne pouvait ainsi prêcher dans les églises, et encore moins aux séminaristes et aux prêtres, comme il le faisait de surcroît. De plus, l'efficacité des missions paroissiales imposait que les religieux prissent également en charge les confessions durant le temps de la mission, afin de permettre aux fidèles d'ouvrir totalement leur coeur et de se convertir profondément, ce qu'ils n'eussent pu faire aussi facilement avec leurs pasteurs habituels. Enfin, l'ordination des religieux exigeait une congrégation dûment approuvée par le Saint-Siège »[4].
Ordonnés prêtres le 7 juin 1727, les deux frères Danei vont dès lors ajouter, à la dimension érémitique de leur vocation, celle du sacerdoce. Il n'y a pour eux aucune contradiction entre ces deux aspects de leur vie consacrée. La méditation de la Passion devient tout naturellement le roc sur lequel s'édifie leur vie sacerdotale. Ils légueront à la congrégation passioniste le modèle d'un prêtre tirant son inspiration, sa force, et sa raison d'être, de la contemplation assidue de la Passion de Jésus Christ. De fait, c'est « sur le Golgotha » que Paul célèbre la messe et qu'il prépare ses enseignements pour les fidèles.
La situation du clergé au temps de Paul de la croix
A l'époque de Paul le clergé était très nombreux en Italie ; et cependant, il y avait fort à faire pour que les prêtres prennent leur vocation au sérieux. Ils avaient en effet tendance à se laisser porter par la vie, plutôt qu'à prendre en main les affaires du Seigneur : Quelle est alors la situation du clergé ? Mgr. Ciani, évêque de Massa Marittima, la résume en 1731 de façon lapidaire : « Les prêtres abondent, mais ils ne valent presque rien, parce qu'ils manquent totalement de formation. Ils ne peuvent être d'aucune utilité, et ils sont déjà à peine capables de célébrer la messe. Il est donc impossible de les charger d'offices plus difficiles »[5]. Dans les paroisses de la Maremme, voisines du mont Argentario, pas plus du quart des prêtres en réalité ne s'occupent des fidèles. L'ignorance et l'oisiveté sont les deux caractéristiques du clergé de cette région, comme du clergé en général en Europe à cette époque d'ailleurs »[6].
A l'époque de Paul de la croix, beaucoup de prêtres vivaient sans charge pastorale, demeurant en famille, et vivant de la célébration des messes. Dans un contexte aussi oisif, la tenue morale du clergé manquait le plus souvent de rigueur. Le P. Gaétan, qui contribua grandement en son temps à faire connaître Paul de la croix, résume la situation par une citation : « Beaucoup de prêtres, dit le P. Berthe, ne se distinguaient point des laïques par leur costume. Des vêtements séculiers, parfois même tout à fait mondains, remplaçaient la soutane. Plusieurs portaient des cheveux frisés, bouclés, parfumés ; d'autres, des perruques selon la mode des grands seigneurs … Les ecclésiastiques portaient des habits ornés de galons d'or, de rubans et de dentelles ; des manteaux de couleur qui les faisaient ressembler à de jeunes pages. Des prêtres allaient à la chasse, aux chasses les plus bruyantes, en dépit des saints canons. Les jeux de hasard, même dans des lieux publics, ne leur semblaient pas prohibés. Certains fréquentaient les théâtres et assistaient à des comédies, honnêtes sans doute, mais qui n'en constituaient pas moins un amusement indécent pour des hommes consacrés à Dieu. A la suite de ces habitudes profanes, on avait à déplorer bien des fréquentations dangereuses, sinon des désordres scandaleux »[7].
Paul de la croix, sa vie durant, tentera de remédier à cette situation qui le faisait beaucoup souffrir : « Le bien et le mal du peuple proviennent du bon ou du mauvais exemple des ecclésiastiques, parce que les laïcs observent leur comportement. Et souvent ils ont beaucoup à dire et à commenter à leur sujet ! Tous les jours, ils voient les prêtres de divers états et de toutes conditions occupés à certaines choses que les fidèles sont invités à rejeter. Tout le jour, on les voit oisifs, allant ci ou là, et d'une maison à une autre. Oh ! Que vois-je ! Des ecclésiastiques débordant de paresse ! »[8].
« Le diocèse de Pitigliano, dont dépend l'Argentario, est à la fois riche et pauvre en prêtres. En 1724, il y a à Orbetello 22 prêtres pour 1500 habitants ; pourtant, seulement quatre ou cinq d'entre eux ont une activité réelle ! Aussi l'évêque, Mgr. Palmieri, va-t-il rapidement favoriser l'action apostolique des deux frères Danei. En mars 1729, l'évêque examine leur Règle, les interroge en matière de dogmes et de morale, et les autorise à confesser dans leur ermitage de l'Argentario, ainsi que dans tout son diocèse. Cette permission doit être renouvelée chaque année, mais dès 1731 Mgr. Palmieri les dispense de cette obligation ! Sa confiance est totale. En 1738, Paul et Jean-Baptiste obtiennent, grâce à l'évêque et aux amis de Rome, le titre de « missionnaires apostoliques » pour toute l'Italie. Paul est très fier de ce titre qui constitue en effet une belle reconnaissance de ses efforts. Une promotion aussi rapide ne s'explique que par la perfection de l'existence menée par les deux fondateurs de la congrégation passioniste. Le contraste de leur vie avec celle du clergé est en effet patent »[9].
Paul était rempli de compassion pour la pauvreté spirituelle où se trouvait le clergé de son temps, comme en témoigne ce qu'il en dit à un évêque, Mgr Oldo : « L'expérience que j'ai de tant d'années de missions prêchées dans les pauvres maremmes de la Toscane, et aussi dans les états pontificaux, m'a fait toucher du doigt les besoins extrêmes qui se rencontrent très souvent chez les pauvres ecclésiastiques, qui sont non rarement en plus grand état de besoin que les laïcs eux-mêmes. Ô Dieu, comme cela me fait pleurer ! »[10].
Paul de la croix « réformateur du clergé »
L'amour de Paul de la croix pour les prêtres
Paul avait un grand amour des prêtres. Nous l'avons vu au temps de sa jeunesse supporter sans murmurer leurs excès ; et sa vie durant, il cultivera un profond respect à leur égard. Il éprouvait, en effet, un immense respect envers le sacerdoce, au point de se comporter de manière un peu excessive : « A Troia, dans la chapelle privée de Mgr Cavalieri, ayant assisté pour la première fois à une ordination, il fut si illuminé de la dignité sacerdotale qu'il décida de ne plus jamais s'asseoir auprès des prêtres ». Il multipliait les signes d'humilité en leur présence : « Je me souviens encore que le serviteur de Dieu donna une grande démonstration de sa profonde humilité, lorsqu'à Capranica il fit venir le clergé dans la sacristie de l'insigne collégiale st Jean, et où, après avoir fait un discours très fervent, il voulut baiser les pieds de tous les prêtres … »[11]. Son affection pour les prêtres était vraiment sincère, au point qu'il pouvait affirmer : « J'ai confessé tant de prêtres, et de toutes les sortes ; cependant, je n'ai jamais eu besoin de me confesser pour avoir mal jugé aucun d'eux, parce que j'ai toujours eu pour eux une grande estime et une bonne opinion, les ayant regardés avec l'oeil de la foi »[12].
La grande responsabilité des prêtres devant Dieu
Paul savait combien est grande la responsabilité d'une âme sacerdotale. C'est pourquoi il affirmait que la ferveur est une nécessité, en particulier dans les commencements : « Malheur au prêtre qui devient tiède dès les commencements de sa vie sacerdotale. A mon avis, cela est un signe très clair de sa damnation »[13]. Il confia à Rosa Calabresi une de ses visions de l'Enfer, tandis qu'il priait pour quelqu'un, et où la place des prêtres est mise en grand relief : « Je vis des démons effrayants. Ils me montrèrent les tortures qu'ils préparaient pour le pauvre pécheur pour le salut duquel je priais. Oh ! Quelles peines ! Oh ! Quelles peines ! De plus, ils me montrèrent un lieu de douleur beaucoup plus terrible, préparé pour un prêtre, il me fut dit : 'Ceci est pour un semblable, un comme toi'. Mon épouvante grandissait, mais dans le fond de mon coeur je demeurais dans la paix. Ainsi, Dieu me fit comprendre de façon particulière la peine du dam[14]. Si je pouvais exprimer par la parole et faire comprendre par des gestes comment je compris alors cette réalité, je ferais descendre vivants tous mes auditeurs dans la fosse, vivants ! » Il ajouta qu'il s'était empressé de prier avec succès pour le laïc, mais aussi pour le prêtre, et il conclut : « Dieu m'épargne de descendre en ces abîmes. Les prêtres s'y trouvent sous les pieds de tous, de tous … »[15].
Un apostolat au bénéfice des prêtres
« L'année 1730 est très importante dans l'établissement du charisme passioniste. Si, dans les commencements, les deux frères pratiquent des formes ponctuelles d'apostolat, liées aux diverses demandes qui leur sont faites un peu chaotiquement, Mgr. Palmieri va les lancer dans la direction des missions paroissiales, ce qui leur permettra de structurer leur annonce de la parole de Dieu et d'organiser leur action évangélisatrice. Cette forme d'apostolat aidera en outre leurs futurs compagnons à s'intégrer facilement dans leur sillage. L'apostolat des missions permettra enfin de garantir la dimension contemplative de leur vie religieuse, puisqu'il s'effectuera par saisons : « Ils sortaient à certaines époques déterminées, surtout au printemps et à l'automne, étant invités par les évêques à prêcher les saintes missions »[16]. La prédication des missions paroissiales va devenir la forme principale et officielle de l'apostolat de la congrégation passioniste »[17].
C'est dans ce contexte que Paul va développer un apostolat spécifique auprès du clergé. Il ne s'agit pas d'un aspect secondaire du charisme qu'il a reçu de Dieu ; au contraire il le comprend comme l'une des finalités de sa vocation. On le voit dans sa manière de résumer le charisme passioniste au cardinal Rivera : « L'unique et principale fin de notre institut est, après la sanctification personnelle de ses membres, de chercher à procurer le salut de l'âme par les saintes missions, les instructions, les catéchèses, les exercices spirituels tant pour les laïcs que pour les ecclésiastiques et les moniales ; et surtout promouvoir parmi les fidèles la dévotion à la Sainte Passion de Jésus notre vrai Bien, faisant à cet effet le quatrième voeu »[18]. Paul savait bien que le fruit spirituel des missions dépendait beaucoup de l'exemple du clergé ; ce dont témoigne le fr Barthélémy qui a si longtemps vécu avec Paul de la croix : « Il savait, cependant, que pour introduire les bonnes moeurs et la pratique des vertus chrétiennes parmi les laïcs, l'exemple donné par les prêtres était déterminant. Il déployait un effort plus intense à procurer la sainteté à ces derniers. Les prêtres sont, en effet, le miroir du peuple ; ils sont les semences les plus nobles de la sainte Église. Pour cela, une vie sainte, imprégnée de toutes les vertus, doit constituer la vie de ceux qui forment le clergé »[19].
Dans l'esprit de Paul, les prêtres avaient besoin d'un enseignement spécifique, et pour ce faire il demandait à l'un de ses religieux de les prendre à part durant le temps de la mission. Il venait cependant les trouver lui-même afin de les exhorter à la ferveur ; et par ses manières et ses encouragements, il parvenait souvent à toucher leur coeur : « Le P. Paul alla prêcher pour la première fois une mission à Bracciano, au cours de laquelle le P. Jean-Baptiste, frère du P. Paul, donna les exercices au clergé du lieu ; et j'y participais également. Le dernier jour de ces exercices cependant, à ce qu'il me semble, le P. Paul voulut nous faire à nous autres prêtres qui étions alors réunis dans la sacristie, un discours sur l'amour de Dieu et sur l'obligation essentielle qui nous incombait, à nous autres ecclésiastiques, de L'aimer avec une plus grande perfection que les laïcs. Je suis incapable à présent de traduire les sentiments, les paroles, les pensées, les thèmes que développa le P. Paul à cette occasion ; je dirais seulement que ce discours fut si tendre, si rempli d'élan amoureux et d'une onction si particulière, que non seulement le P. Paul pleurait abondamment tandis qu'il parlait, mais qu'il suscita en nous-mêmes également une componction et une tendresse de coeur si grande, qu'il parvint à obtenir un très grand résultat. Je puis affirmer qu'actuellement plusieurs des témoins conservent la mémoire des effets produits par ce discours du serviteur de Dieu, nonobstant que 22 ans se sont déjà écoulés depuis cet événement »[20]. Il faut dire que la ferveur de Paul puisait directement dans le Ciel, et ses enseignements étaient de véritables épanchements de son coeur en Dieu : « Un jour, à Latera, diocèse de Montefiascone, il parla au clergé de l'obligation du bon exemple et du zèle ecclésiastique avec tant de ferveur, qu'il parut rayonnant de lumière, et qu'on le vit s'élever de terre et circuler en l'air comme s'il avait des ailes »[21].
L'apostolat de Paul auprès du clergé ne se limitait pas au temps des missions. Il ne manquait pas de les exhorter également au cours des entretiens privés qu'il pouvait avoir avec eux. Son regard dépassait de loin les apparences visibles. Strambi nous en confie l'origine surnaturelle à propos du don de lecture dans les consciences dont était gratifié Paul : « Un jour, après la messe, pendant son action de grâces, la Vierge Marie se montra à lui, avec un glaive plongé dans le sein et les larmes aux yeux. (…) Elle l'exhorta avec instance et tendresse à continuer de propager la dévotion à la Passion de son Fils et à ses douleurs. Ensuite cette Mère de miséricorde, voulant venir au secours d'un pauvre prêtre dont la conscience était dans un fort triste état, révéla la chose au père Paul, et ce prêtre étant venu le voir, le serviteur de Dieu lui dit d'un ton assuré : « Vous avez à mes yeux la laideur d'un démon ». A ces mots, le coupable rentra en lui-même, et reconnaissant son malheureux état, se jeta, confus et repentant, aux pieds du père, et lui promit d'amender sa vie. Cet ecclésiastique prouva ainsi la vérité de l'apparition de la Mère des douleurs qui voulait le retirer de la voie de la perdition. On comprend comment après de telles visions, le père Paul ait été rempli d'une connaissance si vive des douleurs de Marie et qu'il en ait parlé d'une manière si affectueuse et si touchante »[22].
La sainteté du prêtre
L'existence humaine invite les croyants à un effort continuel pour « demeurer » en Dieu par la foi. Après avoir détaillé les tribulations de la fin des temps, Jésus ajoute : « Tenezvous sur vos gardes, de peur que vos coeurs ne s'appesantissent dans la débauche, l'ivrognerie, les soucis de la vie, et que ce Jour-là ne fonde soudain sur vous comme un filet ; car il s'abattra sur tous ceux qui habitent la surface de toute la terre. Veillez donc et priez en tout temps, afin d'avoir la force d'échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l'homme » (Lc 21,34-36). La prière est le seul moyen de se maintenir dans la ferveur et la sainteté. C'est pourquoi Paul de la croix ne se lassait pas de recommander la pratique de l'oraison, comme il le fait ici à l'un des prêtres de sa congrégation : « Aimez fort l'oraison, à l'exemple de sainte Thérèse ; prenez l'habitude du recueillement et de la solitude intérieure, et tout ira bien si vous restez volontiers dans votre cellule, en observant tout à fait le silence, en fuyant si possible toutes les occasions de parler ! Oh ! Comme je vous recommande ce point du silence comme l'ont fait les Pères. Si vous voulez mener une vie immaculée, restez en silence autant que possible. Si vous voulez recevoir le don d'oraison, restez en silence »[23].
Au cours de ses prédications au clergé, Paul recommandait inlassablement la méditation et l'oraison ; mais il n'était pas assez écouté des prêtres, comme il l'écrit lui-même : « De retour à la Retraite, j'ai été extrêmement édifié en recevant la lettre de votre très illustre et révérende Seigneurie, accompagnée de l'imprimé sur l'oraison mentale pour les assemblées ecclésiastiques. Je me réjouis de ce que le Seigneur miséricordieux ait béni vos souhaits. Mes compagnons et moi ne manquerons pas de faire toute diligence pour qu'un si grand bien soit encouragé et propagé, mais l'expérience m'a fait toucher du doigt à quel point il est difficile d'inculquer au clergé cet exercice pieux, si nécessaire à la perfection personnelle et au bien du prochain. Croyez-m'en, votre très illustre Seigneurie, voici des années qu'au cours des missions et des exercices, on a fait en sorte de suggérer au clergé de se rassembler au moins une fois la semaine. Cela a duré quelque temps, puis ils ont abandonné »[24].
Paul souhaitait que les grâces obtenues au cours des missions paroissiales ne se perdent pas, et il savait combien le rôle des prêtres était important à cet égard. Qui mieux que les prêtres pouvaient inciter les gens à rester fidèles à l'oraison et à la méditation de la Passion ? Paul « exhortait les fidèles, durant les missions, à méditer la Passion chaque jour au moins durant un quart d'heure. Il tâchait d'obtenir que l'un ou l'autre prêtre se chargeât de continuer à faire au peuple, après son départ, la méditation sur les souffrances de Jésus-Christ. C'était là, disait-il, le moyen de conserver le fruit de la mission »[25]. Paul souhaitait que dans les retraites de la congrégation on puisse accueillir les prêtres pour qu'ils se ressourcent. Il a ce projet en tête dès 1732, au moment où il projette la construction de la première retraite de la congrégation sur l'Argentario : « La miséricorde de Dieu permet qu'une Retraite pénitentielle soit fondée pour nous et nos compagnons… sur le territoire de la ville d'Orbetello. Elle consisterait en une église dédiée à la Présentation de la très Sainte Vierge (jour de grande bénédiction pour nous, c'est l'anniversaire de l'inauguration de cette vie que nous menons), et d'environ 18 chambres, petites et pauvres… De plus, il y aura une maison pour les exercices, non seulement pour les ecclésiastiques des diocèses environnants (dans cette région de maremmes à l'air malsain, la plupart n'ont pas de séminaire), mais aussi pour les laïcs qui désirent se retirer de temps à autre pour faire les exercices »[26].
Une bonne formation pour les prêtres
L'Église du XVIIIème siècle manquait de « bons » prêtres. En contrepartie de cette situation, Paul voulait que les prêtres de sa congrégation soient saints, mais aussi qu'ils soient bien formés intellectuellement. Il aimait à répéter à ce propos : « Nous avons besoin de personnes bien formées ». A l'époque où il était lui-même jeune prêtre, Paul avait déjà conscience de l'importance de la formation du clergé. Il la poursuivit d'abord pour lui-même après son ordination : « Ma vocation sacerdotale m'oblige à de grandes choses, parmi lesquelles se trouve la formation, que j'accomplis selon mes possibilités »[27].
Paul n'hésitait pas à refuser les candidats qui n'avaient pas une culture de base suffisante pour entreprendre la formation sacerdotale. En particulier, il exigeait la connaissance du latin. Paul avait une haute idée des religieux capables d'assurer la formation théologique des jeunes. Il n'hésite pas à se priver d'un des meilleurs prédicateurs de la congrégation, le P. Marcaurelio, pour lui confier justement la formation des jeunes religieux. La formation avait pour but la contemplation personnelle des religieux, mais aussi et surtout, l'instruction du peuple chrétien. C'est pourquoi Paul insistait sur un bon approfondissement du dogme de l'Église, recommandant de laisser de côté les questions trop techniques, et souvent inutiles sous l'angle de la foi. Il désirait que ses religieux, certes bien formés, soient néanmoins capables de parler simplement des choses les plus profondes : « Il n'est permis à aucun membre de notre humble Congrégation de prêcher en un langage tellement élevé et choisi qu'il en devienne obscur ou peu intelligible au commun des auditeurs et au menu peuple. Qu'on rompe aux petits le pain de la parole divine en se servant d'expressions et de termes clairs et limpides, qui en assurent toute l'efficacité et procurent plus de gloire à Dieu en produisant plus de fruit dans les âmes. On enseignera aux fidèles, avec leurs devoirs, la manière d'observer parfaitement la loi de Dieu, de purifier leur conscience par le sacrement de Pénitence, de recevoir avec révérence et piété la divine Eucharistie. On instruira patiemment le peuple des mystères de la vraie foi et, avec un soin particulier, les fidèles qu'on trouvera plus arriérés. Ainsi les labeurs apostoliques, si agréables à Jésus-Christ, donneront avec le temps des fruits plus abondants dans ces terrains incultes »[28].
Une bonne tenue et de bonnes moeurs
Les prêtres du temps de Paul de la croix, comme nous l'avons vu plus haut, lorsque leur coeur s'éprenaient des joies de la terre, en arrivaient à s'habiller et à vivre comme les laïcs. A cette époque il y avait deux types d'habits pour les prêtres séculiers : un habit long, la soutane, et un habit court, qui ressemblait au clergyman. Les positions de Paul de la croix envers les prêtres « mondains » étaient bien connues de ses religieux : « Le costume ne devait rien avoir de la vanité et des pompes du siècle. S'il voyait un ecclésiastique habillé à la mode et d'étoffe de couleur comme les laïcs, il en ressentait le plus vif chagrin. A la suite des exhortations du P. Paul, les prêtres de Vetralla prirent l'habitude de porter la robe longue au moins le matin jusqu'à midi, et un grand nombre d'entre eux la portèrent toute la journée »[29]. Paul tâchait de convaincre les prêtres qui le visitaient de changer de vie, et pour cela il savait parfois cacher son indignation, ce qui ne voulait pas dire qu'il approuvait les comportements mondains du clergé : « Le serviteur de Dieu éprouvait de l'horreur en face d'ecclésiastiques à chevelure moderne, frisée avec la vanité féminine. Il ne pouvait comprendre comment les supérieurs le toléraient. S'il avait à traiter avec de tels ecclésiastiques, il retenait parfois son blâme, réservant sa correction pour un moment plus opportun. Un grand nombre profitèrent de ses admonitions, rentrèrent en eux-mêmes, s'amendèrent, et donnèrent au serviteur de Dieu la consolation de se montrer à lui corrigés de leur légèreté »[30].
Bien sûr, cette vanité du « paraître », que le vêtement met si bien en relief, avait souvent une relation étroite avec la vie affective. Ainsi, les prêtres relâchés étaient-ils enclins à aimer la compagnie des femmes, et ce n'était bien sûr pas pour parler de Dieu avec elles : « Parmi les choses qu'il voulait voir disparaître du comportement des prêtres, il y avait les longs entretiens avec les femmes, ce qui était si peu conforme à leur vocation. Il ne pouvait absolument pas souffrir ces ecclésiastiques qui, au plus grand mépris de leur état éminent, n'éprouvaient aucune honte à donner le bras à une femme, et à se promener ainsi par les rue de la ville avec elle »[31].
C'est sans doute pourquoi Paul se montrait fort circonspect dans le domaine des recommandations. Il confie à son ami Fossi qu'il faut être très prudent dans les recommandations des personnes en vue du sacerdoce : « Il y a 25 ans, j'ai recommandé à l'évêque un homme déjà diacre afin qu'il l'ordonnât prêtre. Croyez-le, j'en ai éprouvé un tel repentir que j'en ai eu des scrupules des années durant »[32].
Célébrer la messe avec ferveur
Pour st Paul de la croix, la célébration de la messe ne pouvait pas être une prière récitée mécaniquement. La célébration eucharistique était pour lui le sommet de l'oeuvre sacerdotale : « Regardant la liturgie, et spécialement la liturgie eucharistique, il montrait un soin minutieux et zélé à l'accomplir, et il veillait qu'elle soit réalisée par les autres de la même manière ; car il regardait ces actes comme ceux par lesquels on honore Dieu »[33]. Pour éviter une récitation mécanique ou ennuyeuse de la messe, il recommandait de ne pas y passer trop de temps : « Il ne voulait pas que les messes basses, qui se disent chaque jour, (…) soient affectées ou ennuyeuses dans leur déroulement, par exemple en les allongeant excessivement. C'est pour cela qu'il demandait que la messe ne dure pas plus d'une demi-heure »[34].
Paul recommandait de célébrer la messe en se centrant sur le mystère de la Passion, « en accompagnant en esprit Jésus Christ au cours de sa Passion et de sa mort, se figurant de célébrer les funérailles du Rédempteur, selon un esprit de componction et d'amour, comme le firent la Vierge Marie, st Jean, Joseph d'Arimathie et Nicodème »[35].
La sanctification du clergé
Paul avait le don de lire dans les coeurs. Cela lui permettait d'aider plus efficacement les nombreux prêtres qui venaient le voir, à Rome en particulier, où les prêtres furent nombreux à venir le trouver. Le P. Cioni en témoigne : « Lors d'une visite que je fis avec le serviteur de Dieu à Clément XIV, raconte le père Jean-Marie, Sa Sainteté montra grand contentement du bien que notre père faisait aux prêtres, aux évêques et aux autres prélats qui le visitaient, en leur inculquant la nécessité de l'oraison et de la vigilance, et aux évêques, la prédication personnelle »[36]. Ces rencontres avec le fondateur des Passionistes laissaient rarement les prêtres dans l'indifférence. C'est ainsi que l'un d'eux, en sortant de la chambre de Paul, déclara au frère infirmier : « C'est un saint, il m'a dit des choses étonnantes. Il a le don de prophétie ! Oh ! Quel saint ! »[37].
Le ministère de sanctification que Paul accomplissait auprès du clergé ne s'arrêtait pas avec la vie terrestre. Ainsi, Strambi nous rapporte un dialogue entre Paul et un prêtre défunt qui n'avait pas assez tenu compte des avertissements de son ami : « Entre autres apparitions qu'eut le serviteur de Dieu, il en est une qui me paraît très instructive et que je raconterai pour l'édification de tous. Un prêtre séculier que Paul affectionnait, avait été repris plusieurs fois par lui de certains défauts, et n'avait pas mis assez de soin à s'en corriger. Ce prêtre étant venu à mourir, voilà qu'une nuit, au moment où le père Paul allait se mettre au lit, il entend un grand bruit au voisinage de sa cellule. Il en est d'abord effrayé, comme c'est l'ordinaire dans les visions qui procèdent du bon esprit ; il demande qui est là, et au même instant, il entend la porte s'ouvrir, et une voix lui dit qu'il est ce prêtre, son ami, décédé depuis quelque temps et condamné au purgatoire. La frayeur du père Paul s'évanouit à cette réponse, et surtout à la vue d'une âme si chère à Dieu. Il lui demanda pour quel sujet il était en purgatoire. « Pour n'avoir pas profité, comme je devais, de vos avis, et ne m'être pas corrigé de mes manquements, répondit l'âme. Oh ! que mes souffrances sont horribles ! ajouta-t-elle ». Puis elle désira savoir depuis combien de temps elle souffrait. Le père Paul lui demanda si elle savait à quelle heure son décès avait eu lieu, et sur l'indication qu'elle lui donna, il prit sa montre, fit le calcul et lui dit qu'il n'y avait pas plus d'une demi-heure. L'âme témoigna la plus grande surprise à cette nouvelle ; elle se figurait qu'il y avait beaucoup plus longtemps, tant sont grandes les souffrances qu'on endure dans le purgatoire »[38] !
L'activité sacerdotale de st Paul de la croix
Conscient d'avoir reçu de Dieu le don du sacerdoce, non pas pour lui-même, mais pour annoncer aux hommes la Bonne Nouvelle de la miséricorde divine, Paul de la croix n'eut de cesse d'être un prêtre selon le Coeur de Dieu.
Les missions paroissiales prêchées par Paul laissèrent des traces profondes dans le coeur des gens qui y avaient assisté. Les conversions étaient nombreuses et durables. La prière trouvait désormais sa place dans la vie des personnes. Deux ans après la mort de Paul, un témoin déclara : « Tant moi que les autres confesseurs, nous expérimentâmes qu'un très grand nombre de personnes continuaient, après la mission, à faire tous les jours la méditation, les uns durant cinq ou six mois, d'autres durant une année, et un grand nombre continuent encore à présent »[39].
Les prédications de Paul produisaient de nombreuses conversions, particulièrement ses méditations sur la Passion de Jésus Christ. C'est son coeur qui s'épanchait littéralement alors, ce que tous les témoins soulignent avec force : « Quand le serviteur de Dieu prenait le crucifix en main et tantôt le pressait contre son coeur, tantôt en montrait les plaies, et tantôt Lui adressait des supplications touchantes, il semblait qu'il le faisait parler, et ses paroles étaient accompagnées de tant d'affection et de tant de larmes que le peuple aussi se répandait en pleurs et en gémissements de compassion »[40]. Les témoins n'étaient pas frappés par la nouveauté du discours qu'il leur tenait ; mais c'est sa manière de parler de Jésus qui les ravissait. Or, derrière le coeur de Paul, c'est le Coeur de Dieu lui-même qui épanchait Son infinie tendresse pour les hommes. Le P. Valentino s'en souvenait, lui qui fut converti d'une manière si surnaturelle. Passant par Latera où Paul était en train de faire une ardente méditation de la Passion dans l'église, Valentino, alors jeune laïc de 27 ans, décida de s'arrêter pour aller se moquer du prédicateur. Or, il y avait tant de monde qu'il dut rester dehors sans pouvoir voir Paul de la croix, et à cause des cris de l'auditoire il n'entendit que ces seules paroles : « Ô pécheur indigne, par ton péché tu as transpercé d'un glaive les coeurs de Jésus et de Marie ». Ces paroles transpercèrent le coeur de Valentino qui s'en retourna chez lui tout changé : « Je ne parlais que de l'amour que nous devons à Dieu et de notre obligation de lui donner tout notre coeur. Or, ajoutai-je, puisqu'il est difficile de faire cela en restant dans le monde, il convient de prendre une résolution énergique »[41]. La résolution était forte, puisqu'il devint passioniste ! On comprend par son témoignage que les quelques paroles entendues, sans même voir celui qui les prononçait, auraient été incapables de susciter une telle conversion, si Dieu ne les avait « remplies » de Sa Sagesse.
Paul de la croix pratiquait également avec un grand zèle le ministère de la réconciliation. Un prêtre séculier, qui l'avait accompagné dans un grand nombre de missions pour l'aider dans les confessions, déclare : « On reconnaît la vertu particulière des missions du Père Paul en ceci que, dans celles prêchées par d'autres, les confessions générales pouvaient monter, selon le calcul fait par moi et par d'autres confesseurs, à quinze ou vingt en tout, tandis que, dans les missions prêchées par le Père Paul, on eût trouvé difficilement quinze ou vingt personnes n'ayant pas fait de confession générale »[42]. Au temps des missions, il recevait jusque très tard dans la nuit les nombreuses personnes qui venaient le trouver pour recevoir le pardon de Dieu. Il mettait un soin particulier à assister les malades et les mourants. Durant la journée, qui commençait tôt le matin, son confessionnal était littéralement assiégé : « Des femmes dormaient dans l'église pour se réserver les premières places ; d'autres allaient, plusieurs heures avant le jour, attendre à la porte, pour occuper, dès l'ouverture, une place aussi proche que possible du confessionnal »[43]. La bonté de Paul n'était pas le seul motif de cet engouement ; les gens étaient certains avec lui de recevoir le pardon de Dieu même. Il ne s'agissait pas non plus d'une attitude superficielle de leur part, comme en témoigne un prêtre : « Dans toutes les missions où j'ai aidé le serviteur de Dieu à entendre les confessions, j'ai eu la consolation d'être moralement certain de la contrition de tous ceux qui se sont présentés à moi, contrition qu'avait indubitablement excitée les sermons du P. Paul »[44].
La direction spirituelle
Paul concevait la direction spirituelle comme un très grand moyen pour introduire les âmes dans le chemin de la perfection. Son premier objectif était d'accroître le désir des personnes qu'il dirigeait, pour les amener à une intensification de leur vie de prière, c'està- dire une vie intérieure qui, désormais, tournerait exclusivement autour de la croix de Jésus Christ. Si l'oraison était pour lui le moyen le plus efficace de se tenir en la présence divine, il savait attendre le moment opportun, afin de ne pas l'imposer sans préparation à ses dirigés. A ce propos, Paul demande à son ami Thomas Fossi d'être plus sage à l'égard de sa fille, en laissant Dieu opérer Lui-même : « Vous feriez une grosse erreur en voulant apprendre à votre fille à s'exercer au repos intérieur : elle courrait le risque de rester oisive dans l'oraison et d'être trompée. Laissez-la méditer la Passion du Seigneur afin qu'elle prenne l'habitude de vivre dans la vertu ; sa divine Majesté lui enseignera le reste. Et lorsque le Seigneur voudra la mettre en cet état, elle ne pourra résister et en aura les signes. Pour l'instant, je ne vois pas qu'elle y soit disposée… »[45]. C'est là la règle d'or de l'oraison : suivre les impulsions que Dieu nous donne, sans vouloir les provoquer.
L'apprentissage de l'oraison par ses dirigés était une des tâches fondamentales auxquelles Paul se consacrait dans la direction spirituelle. Il ne manquait jamais d'en souligner l'importance : « Quant à l'oraison, il est sûr que si elle vient à manquer, c'est tout l'édifice spirituel qui tombe à terre »[46]. Il aimait souvent à répéter que l'oraison faisait beaucoup de tort au Démon, et que celui qui faisait oraison ne pouvait pas se perdre. Il savait profiter de toutes les circonstances pour introduire les personnes dans le « désert intérieur ». Voici la pénitence imposée par Paul à une jeune fille pour lui permettre de pénétrer dans le monde de l'intériorité : « Il lui demanda que, durant plusieurs jours, chaque matin, elle se retirât dans sa chambre, qu'elle s'allongeât à terre sur une couverture comme si elle était morte, portant dans ses mains une bougie allumée, et demeurant dans cette position un quart d'heure ou plus, qu'elle répétât en elle-même : ‘Peut-être serai-je bientôt morte'. La bonne pénitente accomplit à la lettre ce qui lui fut imposé par le serviteur de Dieu, et le Seigneur lui accorda tant de lumières célestes au cours de ses méditations sur le terrible passage à l'autre vie, que la jeune fille se mit dès lors à mener une vie sainte »[47]. Cette pénitence ne doit pas nous faire penser que Paul vouait les âmes à la crainte des châtiments d'outre-tombe. Rien de plus faux, en effet, car Paul s'opposait de toutes ses forces au rigorisme religieux, ce dernier interdisant de goûter la miséricorde divine. Ainsi, dans un monastère de grande observance, il avait constaté que les religieuses vivaient dans la peur et les scrupules continuels. Le Seigneur Lui avait alors inspiré de les réconforter, et de les encourager à avoir confiance en la miséricorde divine. Paul commenta cet épisode en disant : « Ce n'est pas une façon de guider les âmes que de les tenir dans un tel mépris de soi et dans une si grande terreur de Dieu ! Il faut leur donner courage et force pour cheminer dans la confiance en Dieu ; sinon, elles ne chemineront jamais dans la voie de la perfection »[48].
La douceur, plutôt que les reproches, était la méthode de Paul de la croix. En général, dans les commencements de la direction spirituelle, il exigeait peu de choses de ses dirigés, ce qui souvent produisait beaucoup de fruits. Fr. Barthélemy nous rapporte le cas d'une femme, très élégante et aimant plaire, qui vint trouver Paul pour être suivie spirituellement par lui[49]. Tandis qu'un prêtre rigoriste l'aurait sans doute chassée du confessionnal, Paul au contraire ne lui fit aucune réflexion à propos de sa tenue très décolletée et de son parfum entêtant, se contentant de lui imposer un quart d'heure d'oraison chaque matin. La fois suivante, certes toujours décolletée et parfumée, elle avait déjà si bien goûté ce quart d'heure de coeur à Coeur avec Jésus, que Paul lui imposa une demi-heure d'oraison. La troisième fois, Dieu ayant si bien captivé son coeur de femme, elle revint trouver Paul en une tenue fort simple et sans s'être parfumée. En étant introduite dans la « chambre du Roi » par le moyen de l'oraison, elle s'était détournée des choses superficielles qui jusque là captaient toute son attention. Paul l'avait gagnée à Dieu par sa douceur et sa patience.
Un directeur spirituel doit aider l'âme à se disposer à recevoir la grâce d'intimité avec le Seigneur, et c'est par la méditation de la Passion que Paul y préparait ses dirigés. Cependant, le directeur spirituel doit aussi attendre que Dieu introduise l'âme en cette dimension nouvelle, et c'est seulement alors que Paul pouvait proposer la voie de « l'abandon en Dieu ». Le désintéressement était pour Paul une chose essentielle. C'est l'amour du Seigneur qui était toute sa récompense : « Personnellement, en-dehors de la Congrégation j'entretiens peu de rapports avec les gens ; j'aide qui je peux à servir Dieu, je considère toutes les âmes en Dieu, j'ai soin de les voir d'un regard simple, c'est-à-dire faites à l'image de Dieu, riches dans le Christ ; moi, en revanche, je me vois tel que je suis, à savoir un abîme de maux … »[50]. Paul était persuadé que l'état d'amitié avec Dieu était accessible à tous ceux qui le désiraient, car la volonté d'un Dieu incarné et mort sur une croix ne saurait être autre !
Paul, qui avait le don extraordinaire de lire dans les consciences, avait aussi celui de la « communion des coeurs ». Ainsi, au contact d'une âme fervente, il se sentait lui-même envahi de la même ferveur ; et si son dirigé avait une extase en l'écoutant parler des merveilles de Dieu, Paul était lui aussi élevé en esprit. En sens inverse, nous l'avons vu, il sentait monter en son coeur la tristesse de Dieu quand il était en présence d'une âme prise au piège de l'amour de soi. Paul de la croix, par un privilège très opportun, savait si son dirigé était sincère ou fourbe. Paul confia un jour au fr. Luigi, que le Seigneur lui avait donné le don de discerner les véritables saints des simulacres, et qu'il ne s'était jamais trompé en cette matière[51]. L'affaire de la fausse sainte de Rome est tout à fait significative à cet égard. Une femme, à Rome, avait des dons mystiques incroyables, et elle avait convaincu de sa sainteté bon nombre d'ecclésiastiques de la ville sainte. On demanda alors à Paul de la croix de l'examiner. Tandis qu'il s'entretenait avec elle, « la femme fut ravie en extase, et son corps s'éleva dans les airs. Paul observa cependant qu'au cours de cette lévitation elle se tenait d'une façon peu décente. Par ce détail et par d'autres signes, il comprit que celle que l'on croyait sainte ne l'était pas du tout. Retourné auprès de celui qui lui avait confié cette mission, il lui dit : ‘Elle n'est pas sainte ; elle est trompée'. Ce jugement ne fut pas immédiatement accueilli, mais ensuite on découvrit qu'elle était vraiment trompée et trompeuse, et qu'elle entretenait des relations avec le Démon »[52].
Au cours des entretiens de direction spirituelle, l'enseignement de Paul avait une telle force que les personnes s'en souvenaient pendant des mois, voire des années. Il commençait par écouter avec bonté et attention la personne qui s'adressait à lui ; puis il exposait avec précision ses conclusions. Il n'était d'ailleurs pas nécessaire que le dirigé se soit lui-même exprimé avec netteté sur l'état de son âme, ne comprenant pas toujours très bien ce qu'il ressentait durant l'oraison ; Paul, en effet, comprenait les choses en peu de mots, et il disait alors : « Cela me suffit, j'ai compris. Vous devez faire ceci… »[53]. Dieu ne manque jamais d'assister celui qu'il destine à l'accompagnement d'une âme !
Conclusion
Paul de la croix fut un modèle accompli du prêtre selon le Coeur de Dieu. Il effectua son ministère dans le contexte de la vie religieuse, mais cela ne l'empêcha pas de s'attaquer à la réforme du clergé de son temps. Paul prêcha d'abord par l'exemple : son genre de vie totalement ordonné à la contemplation de Dieu irradiait une lumière que tous les témoins soulignent avec force. En l'imitant, ses religieux irradiaient eux-mêmes cette lumière céleste. C'est ensuite par ses prédications que Paul sut réveiller ses contemporains : ses considérations sur les vérités de foi et sur les voies de l'oraison lui valurent de convertir des hommes et des femmes de tous les horizons. Enfin, son immense charisme de directeur spirituel acheva de mettre en place des vocations consacrées à l'amour divin. Son amour de Dieu et des hommes le poussa à former lui-même des prêtres vivant et prêchant la folie de la croix. Seuls de tels prêtres, pensait-il, pouvaient délivrer le monde de l'esclavage des ténèbres. Puisse le Seigneur susciter encore de nos jours de tels hommes !
Une trilogie consacrée à Paul de la croix
[1] Voir E. Zoffoli, S Paolo della croce : storia critica, t. I, Roma 1963, p. 166. [2] Processi I, p. 41. [3] Lettre à sr Colomba Gandolfi, 21/08/1756. [4] Ph Plet, Saint Paul de la croix, Prédicateur : Le fondateur et l'apôtre, Nouvelle Cité, Bruyères-le-Châtel 2008, p. 217-218. [5] C. Giorgini, La Maremma Toscana nel settecento, Teramo 1968, p. 81. [6] Ph Plet, Saint Paul de la croix, Prédicateur : Le fondateur et l'apôtre, Nouvelle Cité, Bruyères-le-Châtel 2008, p. 227. [7] Gaétan du saint nom de Marie, St Paul de la croix, apôtre et missionnaire, Tirlemont 1933, p. 249. [8] Processi IV, Roma 1979, p. 299-300. [9] Ph Plet, Saint Paul de la croix, Prédicateur : Le fondateur et l'apôtre, Nouvelle Cité, Bruyères-le-Châtel 2008, p. 226. [10] Lettere II, p. 687, 25/03/1749. [11] Processi I, Roma 1969, p. 684. [12] Processi IV, Roma 1979, p. 217. [13] Lettere III, p. 742. [14] On désigne ainsi la peine fondamentale de la damnation : être à jamais séparé de Dieu. [15] Cité par Zoffoli, t. II, p. 1536. [16] Processi I, Roma 1969, p. 59. [17] Ph Plet, Saint Paul de la croix, Prédicateur : Le fondateur et l'apôtre, Nouvelle Cité, Bruyères-le-Châtel 2008, p. 229. [18] Lettere V, p. 45, lettre du 06/09/1742. [19] Processi IV, Roma 1979, p. 299. [20] Processi IV, Roma 1979, p. 123. [21] Louis-Thérèse de Jésus Agonisant, Histoire de saint Paul de la croix, Poitiers-Bordeaux 1869, p. 413. [22] V-M Strambi, Vie du B. Paul de la croix, Paris 1861, t. II, ch 17, p. 111-112. [23] Lettere ai Passionisti, p. 44. [24] Lettere II, p. 231, à Mgr Garagni, 28/12/1740. [25] Gaétan du saint nom de Marie, St Paul de la croix, apôtre et missionnaire, Tirlemont 1933, p. 89. [26] Lettere I, p. 378. [27] Lettere I, p. 75, à Tuccinardi, 11/06/1727. [28] Règle de 1775, ch. XXIII. [29] Cité par Gaétan du saint nom de Marie, St Paul de la croix, apôtre et missionnaire, Tirlemont 1933, p. 248. [30] Processi IV, p. 299. [31] Processi IV, p. 299. [32] Lettere ai Laici, p. 909, 02/06/1753. [33] Processi IV, p. 217. [34] Processi IV, p. 217. [35] Processi IV, p. 31. [36] G-M. Cioni, Annali della congregazione della SS.MA Croce e Passione di NSGC, Roma 1967. [37] Cité par Gaétan du saint nom de Marie, St Paul de la croix, apôtre et missionnaire, Tirlemont 1933, p. 254. [38] V-M Strambi, Vie du B. Paul de la croix, Paris 1861, t. II, ch 14, p. 77. [39] Gaétan du saint nom de Marie, St Paul de la croix, apôtre et missionnaire, Tirlemont 1933, p. 95. [40] Cité par Gaétan du saint nom de Marie, St Paul de la croix, apôtre et missionnaire, Tirlemont 1933, p. 84. [41] Processi I, p. 376. [42] Gaétan du saint nom de Marie, St Paul de la croix, apôtre et missionnaire, Tirlemont 1933, p. 92. [43] Cité par Gaétan du saint nom de Marie, St Paul de la croix, apôtre et missionnaire, Tirlemont 1933, p. 78. [44] Gaétan du saint nom de Marie, St Paul de la croix, apôtre et missionnaire, Tirlemont 1933, p. 92. [45] Lettres à Thomas Fossi, lettre 47, 30 mai 1752. [46] Lettere ai laici, vol. I-2, p. 1824. [47] Processi II, p. 284. [48] Processi I, p. 123. [49] Processi IV, p. 254-255. [50] Lettres à Thomas Fossi, lettre 76, 21 avril 1756. [51] Processi III, p. 330. [52] C. Chiari, Come visse S. Paolo della Croce, Clusone 1986, p. 290-291. [53] Processi II, p. 214.