Après le décès de Merce Cunningham à 90 ans l’été dernier, les hommages sont nombreux, et inégaux. J’avais vu il y a une semaine celui de Boris Charmatz aux Abbesses (50 ans de danse): le chorégraphe feuilletait à l’avant-scène les pages d’un livre de photographies sur Cunningham, et les danseurs prenaient la pose correspondante, souriant de manière affectée entre chaque séquence. Trop peu sûr de mon jugement chorégraphique, en compagnie d’amies plus enthousiastes que moi, j’avais, sur le coup, réfréné mes impressions négatives et n’avais osé écrire mes critiques ici, pour, à ma surprise, les voir reprises quasi à l’identique le lendemain (article payant) par la critique du Monde. Ce spectacle n’est guère plus qu’un exercice de style, qu’une suite de citations ne s’attachant qu’à l’enveloppe formelle de la chorégraphie.
Par contre, quel bonheur que de voir ce soir Cédric Andrieux au Théâtre de la Ville même. Dans une création éponyme de Jérôme Bel (sur le même modèle que, du même, Véronique Doisneau que je n’ai vu qu’en vidéo), l’ancien danseur de la troupe de Cunningham parle et danse. Et ce qu’il dit est tellement juste, tellement inspirant, qu’on en pleure presque. En quelques mots, quelques gestes, il fait revivre Cunningham bien mieux que la pantomime de Charmatz. Nous comprenons soudain, quasiment dans la chair même d’Andrieux, l’importance pour Cunningham de la gaucherie, de l’inconfort, la nécessité d’être dans le présent, le fait de toujours vouloir se surpasser, l’exigence d’échapper à la facilité. Non seulement l’empathie avec le danseur est très forte, mais c’est une leçon de morale autant que de danse à laquelle nous assistons ici.
Le spectacle se termine le 16 décembre; j’écris tard, rentré chez moi pour vous le dire aussitôt : courez-y !
Photo © Mark Seliger.