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Visite au Tertre Roteboeuf : 30/10/2009 (2)

Par Daniel Sériot

Un homme, une philosophie…

Faire la connaissance de François Mitjaville, c’est pénétrer dans un bureau rempli d’ouvrages de Rembrandt, c’est s’éloigner dès l’abord du monde du vin qui normalement devait réunir pour découvrir une philosophie de l’existence, qui s’applique nécessairement aux choix culturaux en terme de vinification.

Nos échanges sur les peintures hollandaises conduisent assez rapidement à comprendre chez l’homme la passion pour le mystère de l’abouti. Il laisse deviner son goût, sa dévotion pour ce qui préside à l’aboutissement in extremis, à la réussite due à la maturité d’un âge, d’une réflexion ou d’un génie qui s’est obstiné dans sa quête de l’absolu. Notre conversation sur les représentations viniques dans les natures mortes néerlandaises du XVIIème siècle est vite interrompue par l’arrivée d’un groupe de dégustateurs. Qu’à cela ne tienne ! nous savons Daniel et moi qu’elle se veut les prolégomènes d’une intéressante entrée en matière pour mieux comprendre les principes qui président aux choix opérés à Tertre Roteboeuf ou à Roc de Cambes pour mener les vinifications.

Que ce soit Roc de Cambes, acheté en 1988, ou Tertre Roteboeuf, il s’agit pour François Mitjaville de deux grands terroirs capables de produire deux crus de même niveau même si Roc de Cambes semble être un cru moins valorisé que Tertre Rotebœuf.

Sa conception du terroir est simple : il est une terre sur laquelle les fruits sont meilleurs que sur d’autres. Et l’homme porte son attention sur les terroirs porteurs de fruits savoureux depuis toujours. François Mitjaville évoque une mystique moyenâgeuse en terme de notion de terroir : le rite de l’établissement du lieu. D’abord occupé par les dieux, il se définit comme terre d’élection qui devait prouver à l’homme l’achèvement ou l’accompli en contrepartie duquel l’homme se mettait en devoir de respecter la nature qui lui était confiée.

Le raisin et la macération produite par l’homme, le vin donc, symbolisent l’esprit de transcendance et immanence profonde de la terre, deux tensions donc entre ces deux contradictions terre/ciel. Son application à pourfendre du fruit, de la baie, la plus exacte maturité, celle où le fruit est prêt à s’abîmer, celle qui rend la récolte difficile, est une démarche parfaitement justifiée à en boire ses vins. La dégradation des tannins au point ultime décidé par lui permet de rechercher les expressions aromatiques les plus bordelaises qui soient. La plus belle identité du terroir et du lieu.

Comme en témoigne Roc de Cambes 2003 :

L’olfaction décline des odeurs d’humus, d’écorce (sa mousse plus précisément), d’épices pour parfaire un bouquet plus quintessenciel de fruits noirs. La bouche d’une grande douceur de cerise s’arc-boute sur une acidité tutélaire qui place d’autres saveurs plus construites, plus linéaires et plus puissantes de thé fumé, de réglisse, de moka. Parmi les épices, sans doute la muscade. Les allonges de la finale ne s’en laissent pas compter et confirment par les fruits maintenus la rondeur du vin, son élégance et sa distinction.

Isabelle


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