Maîtrise en polar, menschion “bien”

Publié le 14 décembre 2009 par Boustoune

S’il l’avait désiré, Sam (Nicolas Cazalé) aurait pu travailler avec son grand-père Victor Hazak (Samy Frey), qui tient l’épicerie familiale dans un des quartiers juifs de Paris. Mais il a choisi une autre voie, celle du banditisme. Il est en effet plus doué pour percer les coffres que pour tenir un tiroir-caisse… Mais aujourd’hui, la situation a changé. Son complice de toujours, Tonio (Anthony Delon), voudrait arrêter avant de faire « le braquage de trop » et lui a désormais la garde de son fils de sept ans. Plus une nouvelle femme dans sa vie. Une journaliste qui ignore tout de ses activités criminelles. Alors il voudrait se ranger.
Mais le manque d’argent se fait vite sentir, et Sam accepte la proposition d’un ultime coup pour le compte d’un truand local, Simon Safran (Maurice Bénichou), qui a jadis eu des liens très proches avec sa famille…
 
Acteur et réalisateur touche-à-tout, Steve Suissa revient avec Mensch, un polar de facture très classique, où s’entremêlent habilement la préparation plus l’exécution d’un braquage et la vie privée du personnage principal. Dans les deux cas, le cinéaste décrit des relations claniques complexes et tumultueuses.
D’un côté, Sam doit affronter son entourage familial. Son frère n’approuve pas son mode de vie, et encore moins son immoralité. Sa mère fait semblant de ne rien voir, mais a peur pour lui. Son grand-père reste également mutique, même si on devine qu’il cache un lourd secret. Son fils et sa petite amie commencent à se poser des questions embarrassantes…
De l’autre, il y a les liens qui unissent les truands, presque assimilables à des liens familiaux. Tonio et Sam sont comme deux frères. Simon adopte peu à peu une attitude paternaliste vis-à-vis de ce dernier, au grand dam de Youval, son bras droit, qui pensait être le seul digne de cette affection quasi-filiale. Ceci créé des tensions, des jalousies. Plus que le casse en lui-même, c’est de ces luttes intestines que viendront les principaux enjeux dramatiques du scénario, qui du coup, se retrouve nimbé d’une aura toute shakespearienne.
 
Même si l’on devine assez rapidement les tenants et les aboutissants de cette sombre histoire de famille(s), on ne s’ennuie pas une seule seconde, grâce à la mise en scène efficace, sobre et sans fioritures, de Steve Suissa.
Mais le vrai point fort du film réside surtout dans son casting, impeccable. Nicolas Cazalé est une fois de plus très convaincant dans la peau de ce type en pleine maturation, pas si éloigné que cela du personnage qu’il incarnait dans le très bon Le fils de l’épicier, il y a deux ans. Anthony Delon est également épatant de sobriété et de charisme dans le rôle de Tonio, le truand plus avisé, plus sage. Et on a le plaisir de retrouver les excellents Maurice Bénichou et Sami Frey dans les rôles assez fins des patriarches rivaux, unis par un passé tragique.
Ajoutons à ces acteurs de premier plan quelques seconds rôles très convaincants, de Myriam Boyer (la mère de Sam) à Sara Martins (sa petite amie), de Max Baissette de Malglaive (son fils) à Steve Suissa lui-même (le frère)…Seul Mickael Abitboul en fait un peu trop dans le rôle de Youval, mais à sa décharge, c’était sans doute le personnage le moins évident à incarner…
Mensch exhale un agréable parfum de polar psychologique à l’ancienne, et nous fait retourner à une époque pas si reculée où le cinéma de genre français occupait les sommets du box-office. La prétention du film de Steve Suissa est bien moindre, mais c’est justement cette humilité et ce respect des conventions du polar qui lui confèrent tout son charme et qui font de lui une réussite, à découvrir sur grand écran…
Note :