Une lectrice (universitaire et chercheuse) me met un commentaire sur le CNRS, que je recopie ci-dessous, à la suite de mon billet sur le classement du CNRS :
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L'info sur le CNRS est visible de maniere plus serieuse la:http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/11/le-cnrs-premi%C3%A8re-institution-scientifique-mondiale-.html
Elle est tout a fait importante, car les trois premiers sont le CNRS et les academies russe et chinoise des sciences. Ce n'est pas du tout politiquement correct, dans un monde qui privilegie l'idéologie et le système anglo-saxons.
* De nombreux labos a tutelles multiples (universite/CNRS/INRIA ou INSERM ou .... ) se voient retirer la tutelle CNRS pour ne garder que deux tutelles maximum (alors que la tutelle CNRS est tres protectrice pour se proteger d'universites autonomes, rapaces, et peu soucieuses de qualite scientifique)
* Le CNRS a infiniment moins d'argent a donner que l'ANR. Je fais partie par exemple d'un groupe de recherche finance par le CNRS a hauteur de 8000 euros par an a partager pour une cinquantaine de chercheurs. Certains membres du groupe ont des financements de l'ANR ou de l'ERC (europe) de centaines de milliers d'euros, et de fait financent le projet. Le soutien du CNRS ne sert plus a rien.
* L'evaluation fine des labos par le CNRS leur a ete retire, c'est maintenant l'AERES qui evalue sur criteres chiffres et indicateurs 'de performance".
Mais en l'occurence, le CNRS libre scientifiquement sera remplace par ANR et AERES, nationales pilotees par l'etat, avec fonctionnement opaque, plutot que par l'Europe. Les financements europeens sont destines a l'elite de l'elite, et dissuadent meme de postuler, tant il s'agit de distribuer des sommes enormes a un tres petit nombre de chercheurs.
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Je suis prêt à donner acte à ma chère lectrice qu'il s'agit d'un problème franco-français. Saisi par un doute je retourne sur le site de l'AERES, qui fixe les critères d'évaluation de la recherche en France (j'avais consacré un billet suite à un échange avec André Gunthert).
Voilà donc comment cette brave agence fixe ses critères d'évaluation (sur le site de l'AERES) :
L‘AERES prend en compte l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans un contexte de mondialisation du savoir.
Les enjeux de l’agence au niveau international :
Pérenniser son appartenance à l’ENQA (European Association for Quality Assurance in Higher Education).
Etre inscrit au registre des agences européennes l’EQAR (European Quality Assurance Register). Pour ce faire, l’AERES se soumettra à une évaluation externe en 2010.
L’agence peut également proposer son expertise pour évaluer des établissements étrangers ou internationaux de recherche et d’enseignement supérieur.
"L’ambition de l’AERES est de valoriser son originalité et de devenir un évaluateur reconnu à l’étranger. En cela, elle vise à contribuer au rayonnement international des établissements."
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On est donc bien, dans la crise du CNRS, avec un cas exemplaire où l'alignement sur des critères européens (ie : anglo-saxons) passe par la liquidation de ce qui marchait fort bien auparavant.
Même chose pour les services publics etc...
Mais ce mouvement est si lent, si mécanique, si adroitement agencé (la politique des petits pas de Monnet) qu'il est invisible, aux yeux même des personnes qui sont affectées. L'Union européenne est un état en construction,qui a tout son temps pour grignoter de façon imperceptible, step by step, les pouvoirs autrefois nationaux. La seule chose dont a besoin l'Union c'est que le patient ne remue pas trop, et ne lève pas les yeux plus loin que le bistouri qui parfois l'irrite, sans jamais aller jusqu'à voir la tête du chirurgien qui opère.
Amis chercheurs, encore un peu d'imagination pour comprendre les maux qui vous frappent.
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J'y reviens encore, mais les chercheurs, souvent à gauche, et généreux, sont encore dans l'idée que l'Union européenne c'est un truc international, donc sympathique et généreux. Il n'en est rien. L'Union européenne c'est un état en construction de façon subreptice, encore plus grand, plus injuste et moins démocratique que chacun des états qui le composent. La seule difficulté c'est que quand la chose sera pleinement effective et évidente, il sera trop tard.