Je m’étais intéressé au sujet en 2007, remarquant que les marques, à l’image de Lacroix ou de Mugler (au Club des Créateurs de Beauté), étaient en quête de nouveaux circuits de distribution pour mieux s’y exprimer. Sans être en contradiction avec cette analyse, j’aurais tendance à voir les choses sous un autre angle : l’incroyable pouvoir de la distribution, ou comment ces initiatives d’Avon souligne combien le rapport de force marques/distributeurs est en faveur des distributeurs.
Ungaro, Christian Lacroix : deux noms qui jouissent d’une belle notoriété, mais restent deux très petits acteurs de la beauté, presque négligeables dans le concert des marques de parfums. Dans le circuit sélectif classique, ils peinent tout simplement à exister. Cherchez-les dans votre Sephora – bon courage – et vous comprendrez. C’est vrai dans le parfum, certes fortement concurrencé mais où on peut au moins, théoriquement, placer ses produits en magasin. Ne parlons même pas du maquillage, un oligopole où installer une nouvelle marque en parfumerie est une quasi mission impossible. Il faut développer une gamme forcément très large (chaque référence est multipliée par le nombre de teintes), négocier des espaces en magasin, monter des animations, sachant que les marges y sont plus réduites qu’en parfum. Autant dire qu’un maquillage Ungaro n’avait aucune chance d’exister un jour… c’était compter sans la volonté d’Avon.
Avon a récemment pris ce tournant stratégique de développer, en parallèle de ses produits en nom propre, des parfums sous licence de créateurs ou de célébrités. Le distributeur met toute sa puissance de feu au service d’un lancement, en pariant sur le fait que cette création ‘extérieure’ apparaitra encore plus désirable que ses propres produits. Pari gagnant semble-t-il, au moins pour Avon, car il n’est pas sûr en revanche que sa volonté soit de faire vivre ces marques sur le long terme. Ce qui est étonnant, c’est la capacité du distributeur à faire un succès de marques qui n’en sont pas. Cela entre également dans l'idée que le consommateur, jadis fidèle à une marque, devient davantage fidèle à un distributeur (même si Avon est l'un et l'autre), déplaçant ainsi la 'propriété' du client. Bref, de sérieux sujets de réflexion pour toutes les marques.