Les ghats.
Varanasi, Inde
À Varanasi, la ville sainte, c’est plein de pèlerins venus de toute l’Inde à la recherche d’un meilleur karma. Mais surtout, c’est rempli de touristes de partout dans le Monde à la recherche de je ne sais toujours pas quoi?
Il y a tout d’abord les traditionnels voyages de groupes de Chinois en sarrau portant le masque, empilés en trop grand nombre dans une barque pour voir les berges du Gange pour prendre quelques photos et acheter des bébelles aux vendeurs flottants.
Il y aussi les « bon chic bon genre » aussi avec leur masque sur le visage pour ne pas attraper de bactéries. Ils se promènent dans leurs vêtements neufs parfaitement agencés, le gros kodak dans le cou à prendre des photos des gens dans leurs faces pour prouver au bureau combien l’Inde est pauvre et sale.
Puis il y a les hippies. Les vrais. Pieds nus, vêtus de tenues indiennes en tissus de chanvre, le point rouge entre les deux yeux à méditer sur les ghats en compagnie des Babas, ces hommes malades d’astrologie et de spiritualité.
Un Baba
Et finalement, il y a nous, je crois encore saint d’esprit, qui se frayent un chemin dans cette foule juste pour tenter d’en connaître davantage.
Dans cette optique, je me suis dit que je devrais essayer la méditation. Plusieurs étrangers viennent ici chaque année pour apprendre cet art sensé rééquilibrer le corps et l’esprit. J’ai pensé que ça ne pourrait pas faire de tort.
Will et moi partons donc à la recherche d’un centre qui offre des leçons. C’est pas ça qui manque mais je voulais quelque chose de relativement professionnel histoire de ne pas me retrouver seule avec un illuminé dans un petit coin noir.
Je trouve le Satyalesary Cosmic Energy Center où le Dr. Umesh (md. Théologie) donne des séances d’une heure gratuitement tous les soirs. Ça sonne bien vous ne trouvez pas? Je ne suis probablement pas plus convaincue que vous mais au moins, une Française m’accompagne, Will ayant renoncé à rééquilibrer son esprit (il est beaucoup trop stable pour ça!).
Alors on s’installe, la Française, un médecin indien, son ami et moi. Nous sommes sur un toit revêtu de faux gazon en plastique. Umesh est assis en position du lotus à l’avant et nous explique la séance.
« - Tout d’abord, vous devez garder les yeux fermés en tout temps pour ne pas perdre votre énergie cosmique. Nous débuterons par dix minutes pendant lesquelles vous devrez écouter la musique par votre chakra du plexus solaire dans votre nombril. Puis, durant quinze minutes, toujours les yeux fermés, vous laisserez danser votre corps en toute liberté sans le retenir de s’exprimer. La troisième partie sera comme la première mais l’écoute se situera au niveau du chakra du cœur. Et finalement, couchés sur le sol, vous laisserez pénétrer la mélodie par le chakra de la couronne. Est-ce qu’il y a des questions? »
Oui. Des tonnes mais de toute façon, il est trop tard pour fuir.
La première partie se déroule assez bien, je réussis à garder ma concentration. C’est très relaxant malgré que je ne sente vraiment rien pénétrer par mon nombril.
Vient la partie danse. Là c’est plus difficile. Je me trouve ridicule à danser les yeux fermés et ma curiosité est trop forte pour ne pas ouvrir les yeux. Je n’arrête pas de penser que si Will était là, il le regretterait. Après quelques minutes, dans la plus grande subtilité, je plisse les yeux pour regarder les autres sans qu’on sache que je laisse échapper mon énergie cosmique. Quand je réalise que le guru est complètement déconnecté et ne voit rien de ce que je fais. Je me permets d’observer les yeux grands ouverts.
La Française prend tout son espace et danse comme dans une discothèque avec des mouvements à la J-LO. Le médecin lui, les bras tendus vers le ciel, s’en donne aussi à cœur joie le sourire aux lèvres. Il n’y a que moi et l’autre jeune homme qui ne se trémoussent pas beaucoup et qui regardent les autres. Je dois à plusieurs reprises me cacher face au mur pour ne pas qu’on me voie rire. C’est plus fort que moi. À ce moment-là, je sais que la méditation n’est pas pour moi.
Cette période de danse libre semble s’éterniser. Surtout que la chanson n’est qu’une seule phrase répétée en boucle sur quinze minutes.
Pour la troisième partie, je retente de me concentrer. Les yeux fermés, en lotus, je visualise des couleurs pour vider mon esprit, c’est plus facile pour moi que de visualiser le chakra du cœur qui ne me dit absolument rien.
Ça va pas trop mal, le jaune me plaît. Je me sens détendue. C’est là que les moustiques font leur apparition et gâchent tout. Subtilement je m’étire vers mon sac pour prendre une veste relâchant encore mon énergie. Le bruit du sac de plastique me semble amplifié par dix en ce moment sérénité. Désolée!
Et la séance se termine. Mon nombril est toujours au même endroit, mon cœur bat au même rythme et aucune couronne ne m’a poussé sur la tête. Ouf! Je ne crois pas avoir atteint aucun niveau de spiritualité ni senti aucun chakra se libérer en moi mais au moins, j’ai bien ri.
C’est un genre de thérapie!
- Nad qui n’atteint le nirvana sans Will (il a insisté).