Ne vous y trompez pas : les hésitations naturelles ne doivent pas faire oublier quelques fondamentaux… comme sauver des vies humaines.
Agoravox serait-il la dernière "terre de liberté" ? Celle où la vaccination serait
une hérésie de la médecine, où les virus n’auraient jamais existé, où les Américains auraient eux-mêmes commandité les attentats du 11 septembre 2001, où ces mêmes Américains ne seraient jamais
allés sur la Lune, où les extraterrestres s’amuseraient à faire des ronds dans les champs terriens, où le réchauffement climatique ne serait plus qu’un mauvais rêve (l’hiver arrive), et où même
le mouvement perpétuel serait permis, trahissant certes le second principe de thermodynamique mais proposant enfin des solutions définitives aux problèmes énergétiques de la
planète ?
Revenons sur terre. Sur la vraie Terre.
Valérie M., (jeune) femme vivant en région parisienne et ayant atteint 45 ans en juillet 2009 revenait d’un voyage au sein de l’Union européenne.
Elle a été atteinte du virus de la grippe A. Elle n’avait aucun antécédent, elle était en bonne santé, portait même une attention soutenue à l’harmonie de son corps. Elle décéda cependant trois
ou quatre jours après le début de la maladie, le 24 novembre 2009. Ses funérailles ont eu lieu le lundi qui suivait.
Un cas qui m’a touché personnellement, un cas, un seul à ma connaissance, mais un quand même. J’ai aussi le cas de cet ami qui a été malade pendant
une semaine de cette même grippe A, presque heureux de pouvoir s’arrêter de travailler car un peu surmené, et qui en est sorti quasiment sans problème. Un cas heureux, celui-là.
Et chacun pourrait citer d’autres cas, d’autres contre-cas, des pour, des contre…
Sans aucun facteur de risque
Pourtant, moi aussi j’avais des hésitations. Ou, plus exactement, car je n’ai jamais eu de doute sur l’efficacité et l’innocuité des vaccins (nous ne
sommes plus au temps de Molière), je ne me sentais pas vraiment concerné par la grippe A. Je me sentais en bonne santé (et je savoure cette sublime chance) et donc, je me disais que je n’étais ni
fragile, ni avec des antécédents, ni une "personne à risque".
Mais la grippe A découvre quelque chose de nouveau : il commence à y avoir beaucoup de personnes en bonne santé qui en meurent. Ni fragiles, ni
malades, ni rien du tout.
Si on avance les statistiques, on pourra toujours faire un sinistre calcul d’apothicaire. Le mari de Valérie M. s’en moque bien des statistiques
prétendument faibles. Lui, il sait que la grippe A n’est pas une "grippette".
Au dernier bulletin officiel de l’Institut de veille sanitaire (INVS) daté du 8 décembre 2009 (à télécharger ici), en France, 630 cas graves ont été décomptés depuis le début de l’épidémie, dont 62 pour la
seule semaine du 30 novembre au 6 décembre. En tout, on déplore 126 décès dont une forte hausse depuis le 2 novembre et ce fut la semaine du 23 au 29 novembre qui eut le plus fort pic (33 décès
en données provisoires).
Ces 126 décès touchent un peu plus les hommes que les femmes (58%/42%), principalement les personnes âgées entre 15 et 64 ans (69%), et 20 personnes
décédées n’avaient aucun facteur de risque.
Les 630 cas graves concernent autant les hommes que les femmes (50%/50%), surtout les personnes âgées entre 15 et 64 ans (72%), pour 134 d’entres eux
(21%), des personnes sans aucun facteur de risque.
Les principaux facteurs de risque sont une pathologie respiratoire chronique (comme l’asthme), une grossesse, un déficit immunitaire, un diabète, une
obésité morbide et une insuffisance cardiaque.
En tout, pour la semaine du 30 novembre au 6 décembre, 851 000 consultations pour infections respiratoires aiguës liées à la grippe A ont été
estimées par le Réseau des Grog. Depuis la mi-septembre, il y a un peu plus de 4 millions de consultations liées à la grippe A en France.
Par ailleurs, sa forte capacité à se propager encourage les mutations du virus (2 cas signalés en France pour l’instant, des dizaines d’autres cas à
l’étranger). Le bulletin précise : « Cet événement [les deux cas de mutations] pourrait augmenter la capacité du virus à
atteindre les voies respiratoires basses. L’efficacité des vaccins actuellement disponibles n’est pas remise en cause. »
Quelques questions
Il est vrai que les fausses informations, les mensonges, les intox, les hoax, la mauvaise foi, l'ignorance sincère se sont multipliés sur
Internet depuis quelques mois.
Parmi les principales réfutations, il y a un mythe, celui du vaccin. Le vaccin ne serait pas efficace et pire, serait mauvais.
Pour cela, il vaut mieux lire le dernier bulletin du suivi de pharmacovigilance des vaccins grippaux A (H1N1) de l’Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé pour la période du 21 octobre au 29 novembre 2009 (à télécharger ici).
Celui-ci ne comptabilise pour un million environ de personnes vaccinées au 29 novembre qu’un seul décès considéré sans lien de causalité avec le vaccin (mort naturelle) et 16 cas graves pour le
vaccin avec adjuvant (Pandemrix).
Parmi les argumentations toujours sans source digne de foi, il y a le fait que le vaccin (en fait, précisons que les centres de vaccination proposent quatre vaccins différents en fonction des cas individuels) aurait été développé
trop rapidement. À ma connaissance, tous les tests cliniques ont été réalisés dans les règles de l’art, seule la procédure administrative pour donner l’agrément de l’État a été accélérée (ce qui
n’a rien à voir avec l’efficacité du vaccin mais plutôt avec l’efficacité des services de l’État). Ce type de vaccin est lui-même peu original et est connu depuis longtemps.
L’inquiétude pourrait redoubler si on évoquait un supposé accord de non-responsabilité des fabricants de ce vaccin. Je n’ai pas lu le texte d’un tel
contrat, si jamais il existe (mais admettons), mais dans tous les cas, rappelons que la France (et bien d’autres pays avec elle) est un État de droit et même l’État n’a pas le droit d’éviter des
poursuites en pénal. La responsabilité pénale est du ressort du seul juge. Il serait facile d’imaginer qu’un individu attesterait sur contrat à un tueur à gage qu’il ne le poursuivrait pas en cas
d’assassinat d’un de ses proches. Même si l’individu était un représentant de l’État (agissant en tant que tel), cela n’empêcherait nullement ce tueur à gage de répondre de ses actes devant une
cour d’assise.
L’argument de non-responsabilité des fabricants de vaccin est d’autant plus ridicule juridiquement qu’il l’est encore plus en terme publicitaire, une
"mauvaise affaire" faisant une très mauvaise publicité et pouvant atteindre la crédibilité scientifique de l’entreprise qui serait mise en cause (ce qui n’exclut en rien erreur, négligence,
incompétence, comme dans tout domaine, y compris médical).
Ensuite, il y a aussi des arguments un peu plus "techniques". Comme le fait que les fabricants de vaccins en profitent déjà pour les vaccins contre
la grippe saisonnière qui doivent se faire chaque année (donc ne seraient pas vraiment efficaces). Sauf que chaque année, le type de virus est différent et le vaccin saisonnier est préparé en
fonction du virus qui devrait être présent dans les mois qui suivent.
Autre argument un peu du même type sur la grippe A : d’une part, si le virus (H1N1) 2009 mutait, le vaccin ne serait plus efficace (pour
l’instant, le dernier bulletin précise explicitement le contraire, voir plus haut), d’autre part (je le répète), les mutations ne sont pas le fruit d’une force obscure et réfléchie. Ce ne sont
que le résultat aléatoire d’erreurs dans les combinaisons au cours de la duplication (c’est le principe de la théorie de l’évolution, rappel sur le cœlacanthe ici). Or, le nombre d’erreurs (donc le
risque de mutations) est proportionnel au nombre de virus qui se propagent. D’où l’intérêt global de réduire au maximum la pandémie (même si celle-ci n’était qu’une "grippette", ce qui n’est pas le cas) pour réduire au maximum le risque de mutations.
Arguments personnels
Et puis, voici quelques arguments pour se faire vacciner, qui sont certes subjectifs mais qui me paraissent remettre quelques pendules à
l’heure.
Je me moque de faire profiter l’industrie pharmaceutique en me faisant vacciner. C’est son but, comme le but de toute entreprise. Quand j’ai mal à la
tête, je ne m’empêche pas de prendre de l’aspirine sous prétexte que je ne veux pas apporter de profits au fabricant d’aspirines. Au même titre, je ne vais pas me restreindre dans mes
déplacements automobiles sous prétexte que je ne veux plus enrichir les compagnies pétrolières. Et plus généralement, je ne vais pas arrêter de consommer sous prétexte que dans toute la chaîne,
je vais enrichir ceux qui m’apporteraient une réponse à mes besoins. C’est tout le système économique, y compris les emplois dans le secteur privé, qui est basé sur le profit et la
rentabilité.
Au même titre que je me moque des conséquences économiques, je me moque de réfléchir à des considérations politiciennes lorsqu’il s’agit de
vaccination. Que ce soit récupéré par les uns ou les autres est assez ridicule. On ne refuse pas de se faire vacciner parce qu’on est dans l’opposition. Au même titre que les soutiens de la
majorité ne vont pas se faire vacciner par loyauté politique. À moins d’avoir une sérieuse couche de bêtise (je suis prêt à qualifier autrement). Hier, le gouvernement a été critiqué pour avoir
prétendument dramatisé la grippe A. Aujourd'hui (il suffit d’aller dans les centres de vaccination), le
gouvernement serait plutôt critiqué pour le contraire, pour ne pas avoir suffisamment bien organisé pour faire vacciner sans trop d’attente. Dans tous les cas, le gouvernement
aurait été critiqué, d’en avoir trop fait ou pas assez. C’est l’ingratitude du pouvoir (il n’y a pas que les honneurs, il y a aussi les responsabilités et l'intérêt général).
Sur cette question de santé publique, le gouvernement a agi avec anticipation sur un danger réel. Qu’il ait été surévalué est un bien pour la
population (ridicule de lire que plus il y aurait de décès, plus la Ministre de la Santé serait contente, ridicule à vomir). Il a aussi été aidé par la préparation du dispositif contre la grippe
aviaire (la question d’une pandémie date de plus de trois ans, et toutes les entreprises ont été sensibilisées pour définir des plans d’action en cas de crise).
En revanche, je me moque beaucoup moins des hésitations de la population, ayant moi-même hésité sur l’attitude à avoir à ce sujet. Ces hésitations
sont respectables vu le nombre d’informations contradictoires qui sont véhiculées. Le manque de confiance est relativement explicable par le doute de l’autorité médicale qui fait foi, à savoir
les médecins généralistes libéraux. Beaucoup d’entre eux ont exprimé des sentiments très variés à propos du vaccin contre la grippe A. Il est vrai que pour des raisons qui pourraient être
discutables, le gouvernement a choisi de ne pas impliquer la médecine libérale dans un premier temps (ce qui serait une erreur à mon avis) en confiant la tâche à des centres de vaccination spécialement organisés pour cela (notons au passage que dans ces centres, les patients ont systématiquement une consultation avec un médecin avant de se faire vacciner).
L’expérience connue de Stanley Milgram concernant la soumission à l’autorité (popularisée par le film "I comme Icare") a montré que si l’autorité doute, il n’y a plus obéissance mais
interrogation, ce qui, en soi, est rassurant (la conclusion générale de l’expérience n’est, elle, pas du tout rassurante).
Pour compenser cette perte du lien de confiance, les autorités françaises auraient-elles forcé la dose sur le danger de la grippe A ? Je suis
bien incapable de répondre à cette question, seul le recul de plusieurs années pourra le dire, mais il est sûr qu’il vaut mieux prévenir trop que pas assez.
Faites-vous vacciner !
Alors, protégez-vous, protégez vos enfants, vos proches. Allez vous faire vacciner si ce n’est pas déjà fait. Le nombre de cas mortels sur des personnes sans aucun facteur à risque commence à croître de façon inquiétante.
N’hésitez plus. N’écoutez pas les oiseaux de malheur qui parlent de machination (d’une ampleur mondiale, imaginez son organisation avec autant de
complices !), qui évoquent un conditionnement des esprits, qui qualifie cette grippe A de "grippette"
quand elle TUE.
Pensez d’abord à vous et aux vôtres. Chaque décès de cette grippe A aurait pu être évité si tout le monde avait été vacciné.
Ne tombez pas dans l’obscurantisme antiscientifique, dans la contestation systématique des autorités institutionnelles. Profitez de la médecine
actuelle.
Bref, soyons responsables.
L’enjeu est important ; il s’agit de vies humaines.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (14 décembre 2009)
Pour aller plus loin :
Pour en savoir plus sur la vaccination contre la grippe
A.
Derniers communiqués officiels à télécharger en .pdf (8
décembre 2009).
http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/grippe-a-h1n1-2009-faites-vous-66656
http://www.lepost.fr/article/2009/12/14/1839678_grippe-a-h1n1-2009-faites-vous-vacciner.html