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Les achats de jeux vidéo ne dépendent pas des notes des sites spécialisés

Publié le 13 décembre 2009 par Berenice

Les achats de jeux vidéo ne dépendent pas des notes des sites spécialisés

crédit photo: RebeccaPollard

Je suis tombée il y a quelques jours sur un intéressant article de Gamasutra, en anglais bien sûr : "Review Scores Least Important Factor For Game Purchases".


Il se basait sur une étude effectuée par l'analyste américain Doug Creutz du Cowen Group, étude sur laquelle je n'ai malheureusement pas beaucoup d'éléments (territoire concerné ? taille de l'échantillon ? méthodologie ?). A priori le sondé devait classer par importance huit facteurs influant sur l'achat ou non d'un jeu vidéo en particulier. L'article n'en nommait que sept ; les voilà classés par ordre décroissant :

Sept facteurs d'achat d'un jeu vidéo

  1. Le genre,
  2. La licence (le joueur a-t-il apprécié l'un des opus précédents ?),
  3. Le prix,
  4. Le bouche-à-oreille,
  5. La qualité de la publicité (visuels, trailers, boîtier, affiches...),
  6. La réputation de l'éditeur,
  7. Les notes attribuées par les sites spécialisés (compilées par Metacritic).


Pourtant, beaucoup d'éditeurs considèrent que les notes des agrégateurs comme Metacritic et GameRankings reflètent la qualité de leurs jeux ; ils citent notamment ces indicateurs dans leurs dialogues avec les investisseurs pour prouver l'attractivité de leur portfolio.
Et, malgré cela, les sondés ont mis les critiques online en facteur le moins important. Je vais donc réfléchir dans ce billet aux raisons d'un tel résultat.

Pourquoi les critiques ne sont-elles pas prises en compte ?

Acheteur ≠ Joueur

Décembre : malgré la crise, nous sommes en pleine frénésie consumériste. Noël est le rendez-vous à ne pas rater pour les éditeurs. Combien de parents, de grands-parents, d'amis vont-ils acheter des jeux pour les offrir ? Et comme il s'agit d'un cadeau, ils veulent faire plaisir et éviter les déconvenues. Ils jouent la carte de la prudence, en s'appuyant sur les goûts du destinataire, et sur ce qu'il possède déjà. A un fou de voiture, personne n'offrira Zoé créatrice de mode ; on ciblera plutôt un jeu de course, par exemple, tiens, le dernier jeu Need for Speed, il est fan de cette série.
Et voilà, on a là les deux premiers éléments de notre liste. Une licence, qu'il s'agisse de la transposition d'un film, d'une série télévisée ou d'un livre ou d'une franchise interne au monde du jeu vidéo comme Mario, tranquillisera toujours une personne ignorant ce domaine ; c'est d'ailleurs pour cette raison que les éditeurs dépensent des sommes faramineuses dans de tels achats.
A la recherche de critiques sur des sites spécialisés, ce genre d'acheteur préfèrera les avis consommateurs s'il prend le cadeau sur Internet ; il confirmera l'achat auprès du frère ou de la sœur, à un ami, ou au vendeur du magasin. Mais il n'ira pas farfouiller dans Metacritic.

Jeu casual vs. jeu hardcore

Prenons les DS et les Wiis. Comme le fait remarquer Peter Moore (le président d'Electronic Arts Sports), les gens qui achètent les millions de jeux casuals et les logiciels dédiés à la santé (Wii Fitness et cie) ne lisent pas non plus Metacritic. Je ne suis d'ailleurs même pas sûre qu'ils savent ce que c'est. Par contre, les opinions des acheteurs sur Amazon, qu'on peut rapprocher du bouche-à-oreille, ça c'est pertinent.
Et les tonnes de dollars dépensés en marketing aussi.
C'est pour ce genre de produits et de joueurs occasionnels que va en effet particulièrement jouer le facteur n°5 : la publicité. Je rejoins sur ce point l'avis de Michael Pachter, un analyste du marché du jeu vidéo travaillant pour le cabinet Wedbush Morgan. Il cite comme exemples de cette tendance Carnival Games and Jillian Michaels Fitness Ultimatum : ces deux titres se vendent particulièrement bien mais ont reçu des critiques très moyennes voire mauvaises (respectivement 56/100 et 30/100).

Des critiques parfois biaisées

A ce propos reviennent régulièrement des scandales liés aux pressions qu'exerceraient les éditeurs sur les journalistes. Certains n'hésiteraient pas à restreindre les avants-premières aux seules rédactions prêtes à mettre une excellente note. Voici un billet qui synthétise le phénomène, même s'il lui manque par exemple un témoignage outre-Rhin.
Ces procédés malhonnêtes semblent relativement rares, mais il est attristant de constater que les titres concernés sont souvent de bons jeux dotés d'un budget confortable ; au lieu de gruger quelques malheureux points en risquant un retour de flamme, pourquoi l'éditeur ne fait-il pas plutôt le choix d'aller jusqu'au bout de sa démarche qualitative ?
Je pense que, vu le prix des jeux vidéo (entre 30 et 90€), la majorité des consogamers évaluent sérieusement l'intérêt de leurs acquisitions en se renseignant antérieurement au maximum. Cette démarche implique évidemment de lire les critiques d'un œil critique. Personne n'apprécie de débourser autant d'argent pour un jeu sans intérêt ; et personne n'apprécie le fait d'avoir été pris pour un pigeon.

Mais alors, à quoi servent les journalistes ?!

AAA et jeux indé

Kyle Gabler des 2D Boy donne un exemple dans lequel les critiques jouent un rôle important : les jeux indépendants. Leur jeu World of Goo (PC et Wii) est par exemple le troisième jeu le mieux noté sur le Wiiware. Pour faire une analogie avec le cinéma, si les AAA sont des blockbusters qui draineront des spectateurs quoi qu'il arrive, les jeux indé ont besoin de critiques pour attirer leur public, comme les films plus confidentiels.
Les critiques de World of Goo sont ainsi directement marquées sur le site, comme le fait également la platefome de téléchargement de jeu Steam. Gabler explique cette démarche : "Les joueurs potentiels ne se sentent pas à l'aise avec l'idée de filer de l'argent pour un quelconque jeu d'un studio inconnu, s'ils ne disposent pas d'un ensemble de feux verts de critiques reconnus".

Le pouvoir de la norme

Comme pour d'autres œuvres (reprenons l'exemple des films), de nombreuses personnes apprécient de lire les critiques après coup. Cette pratique permet de confronter son ressenti avec d'autres analyses, et de voir si oui ou non sa propre analyse est pertinente, si son ressenti est partagé - donc valide.
J'admets que cette réflexion fait un peu l'apologie des moutons de Panurge. Cependant cette étape permet de dégager un ensemble de critiques qui partagent la même culture, la même vision. Tel joueur appréciera de lire CanardPC, ou Gameblog, ou jeuxvideo.com, parce qu'il aura l'impression de pouvoir s'appuyer sur leurs critiques pour faire ses choix.

Journaliste mon ami

Dans notre monde de consomm'acteurs, les communautés sont reines, l'influence des pairs prégnante. Le bouche-à-oreille règne. Ce quatrième facteur de la liste est bien celui qui fait le plus jouer la subjectivité. On demande aux gens en qui nous avons confiance ce qu'ils pensent de tel ou tel produit ; on corrèle avec ce que l'on sait d'eux, de leurs goûts, de leurs avis précédents, et on se fait sa propre revue de presse. Mais avec Internet et le web 2.0, le journaliste en face n'est plus une silhouette idéale ; c'est un être que je connais, c'est même une sorte d'ami. Son avis a donc de la valeur : j'utilise sa critique comme j'utilise celle de mes potes IRL.

En conclusion

Une petite traduction des propos de l'analyste Doug Creutz :
"Nous croyons que même si les notes de Metacritic peuvent être liées à la qualité du jeu et à la quantité de buzz positif générée, et par conséquent qu'elles prédisent d'une certaine façon le comportement du produit, ces notes ne sont pas déterminantes en elles-mêmes et ne peuvent faire ou défaire le succès d'un jeu."


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