Association de Protection de l'Environnement de Lingolsheim et Environs
Alsace Nature
AFP, 12/12/2009 09:57
Le Grand Hamster d'Alsace, un rongeur en voie de disparition qui vaut à la France une plainte devant la Cour de Justice, sème la zizanie dans la région, avec pour premier effet une double annulation d'un déplacement de la secrétaire d'Etat à l'Environnement.
Chantal Jouanno a déprogrammé une visite le 30 novembre et une seconde vendredi à Blaesheim, près de Strasbourg, sur une exploitation qui privilégie la culture de la luzerne, aliment favori des hamsters. Elle a donné rendez-vous aux différentes associations à Paris, fin décembre.
"On l'a dissuadée de venir" par crainte d'un accueil houleux des agriculteurs, avait déclaré le président UMP du Conseil régional André Reichardt après l'annulation de la première visite.
Pour apaiser Bruxelles et Luxembourg, Mme Jouanno devait venir proposer un renforcement des obligations imposées aux exploitants agricoles et une extension du périmètre de protection, -- des mesures qui concernent le monde paysan mais aussi les aménageurs et de nombreux maires du Bas-Rhin --.
La France risque en effet de lourdes amendes en raison de son inertie dans ce dossier, alors que cet animal, protégé depuis 1993, fait partie des mammifères les plus menacés d'Europe.
La disparition de la luzerne au profit du maïs qui recouvre aujourd'hui plus de 80% de la plaine d'Alsace explique, avec l'extension de l'urbanisation et des infrastructures routières, la raréfaction du hamster.
"Trois cents hamsters seulement ont été comptabilisés au dernier recensement et ils pourraient être beaucoup moins au printemps prochain", s'alarme Pierre Gueth, président de l'association SOS Grand hamster. Ils étaient un millier en 2001 alors que leur seuil de viabilité est fixé à 1.500.
"Nous exhortons Mme Jouanno à prendre les initiatives courageuses et urgentes qui s'imposent", écrivent Sauvegarde Faune Sauvage, à l'origine de la plainte à Luxembourg, SOS Grand Hamster et une 3e association écologique.
Ces trois associations réclament la création immédiate de 30.000 hectares de surfaces favorables au rongeur, soit 20% des surfaces agricoles utilisées au lieu de 2% actuellement. Elles craignent que le hamster disparaisse, victime de "tractations politiques" dans le contexte des élections régionales.
Très hostile à une accélération de la démarche en faveur du hamster, la Chambre régionale d'agriculture a regretté, dans un courrier à Mme Jouanno, "que l'Etat veuille imposer sans concertation des mesures coercitives inadaptées et incomplètes".
La lettre du 4 décembre a été cosignée par le Département, la Communauté urbaine de Strasbourg, les maires du Bas-Rhin et même l'association Alsace Nature qui, depuis, a changé son fusil d'épaule.
Les cosignataires se félicitent d'une "avancée sans précédent", avec 22% de cultures favorables au hamster dans les zones d'action prioritaire", au-delà du seuil de 20% initialement fixé.
165.000 euros de primes d'incitation à la production de luzerne et de blé, au détriment du maïs, ont été versés en 2008 à des agriculteurs bas-rhinois avec l'aide de la Commission européenne.
Mais Alsace Nature a fait marche arrière mercredi: constatant que ces mesures sont insuffisantes pour sauvegarder le Grand hamster, elle menace de se retirer de l'accord-cadre "si ses partenaires n'adoptent pas dans les trois mois des mesures plus ambitieuses", a indiqué à l'AFP son président Maurice Wintz.
Le Bas-Rhin est le seul département où le Grand hamster (Cricetus cricetus) est encore présent, notamment autour de Strasbourg.