Cet homme qui, au seuil de la vieillesse, se suicide en mars 2008, d’une balle dans la bouche, sur un parking de la Rochelle, est le père d’Eric Fottorino .
Il se s’agit pas de son père biologique, mais de son père d’adoption: celui qui accompagne son enfance et lui donne son nom. Celui qui rassure et permet la construction de son identité. Peu de mots échangés, pourtant. Une présence. Des mains. Une chaleur. Des parcours à bicyclette.
Ainsi qu’il le formule dans le titre de son ouvrage , en affirmant tout haut cette filiation revendiquée, Eric Fottorino rend un hommage posthume à cet homme qui parlait peu et l’aimait profondément.
On peut regretter qu’après les papiers d’estime rédigés à la sortie du livre, on n’en parle davantage encore aujourd’hui. Car la singularité de cette histoire , sa mise à distance, grâce à laquelle l’anecdotique ne prend jamais le pas sur un ressenti traduit avec pudeur, touche à l’universel.
La filiation peut-elle être ainsi librement choisie? Quel père offre à chacun d’entre nous sa main vigilante pour cheminer jusqu’à la conscience d’une identité assumée? Quels regrets éprouvons-nous à n’avoir pas su prévoir, prédire, prévenir, l’incommensurable vide de l’après départ?
Un grand livre, que ce livre léger en pages et en mots:
“Mon père était un homme anonyme, il n’aimait pas se mettre en avant. Sans ce livre, sa vie serait passée inaperçue ; je ne le voulais pas, j’ai eu besoin de raconter son histoire, notre histoire.
C’était un kinésithérapeute de campagne, un homme ordinaire pourrait-on dire. Mais pour moi, il a été extraordinaire, d’abord parce qu’il m’a adopté. Il était tombé amoureux de ma mère, et juste avant leur mariage, il est venu un soir dans ma chambre. Il m’a dit que si je le voulais bien, il allait m’adopter, que je pourrai l’appeler papa. J’avais 9 ans. Pour moi qui ne connaissais pas mon père naturel, ça a été une deuxième naissance.”