Oublions un instant la pure actualité musicale pour faire un petit bilan d’étape d’un groupe (comme je l’ai déjà fait pour Lali Puna, Travis, les Smashing Pumpkins ou U2).
Death Cab for Cutie est sans doute l’un des groupes de rock indépendant les plus injustement méconnus en France. Aux Etats-Unis, leur contrée d’origine, ils connaissent un succès relativement important depuis déjà plusieurs albums mais cette notoriété n’a carrément pas atteint, sauf dans quelques cercles restreints, notre pays. C’est vraiment dommage car ils proposent une musique de très grande qualité, que je qualifierais comme un mix parfait entre le rock indépendant dans ce qu’il a de meilleur et la musicalité pop de la plus pure facture.
La musique de Death Cab for Cutie est très influencée par la personnalité de son leader, Benjamin Gibbard (simultanément à la voix et à la guitare), lequel compose la plupart des titres du groupe. Les mélodies proposées par le quatuor semblent toujours couler de source, pourtant les accords et les arrangements sont assez sophistiqués et largement moins convenus que ce que commet le tout-venant. Ces mélodies sont d’ailleurs accompagnées par une voix très particulière, douce, parfois plaintive, souvent émouvante, qui ne peut laisser indifférent. A ce sujet la voix de Gibbard, dans les 4 premiers albums, avait quelque chose de plus cristallin, de plus pur. Depuis Plans, cette voix s’est un peu transformée : tel Patrick Bruel, Ben Gibbard se serait-il cassé la voix ? A moins que ce ne soit l’effet de l’alcool et/ou de la cigarette ? On ne peut que déplorer cette mutation, heureusement pas catastrophique, mais tout de même audible.
La carrière de Death Cab for Cutie commence à la fin des années 90 (1998 pour être précis) avec un premier album vraiment bien, Something About Airplanes, qui pose déjà un certain nombre de jalons que l’on retrouvera dans toute la discographie ultérieure du groupe. "Bend to Squares", le premier titre, est l’un des plus réussis, avec aussi "President of What ?", le radioheadien "Champagne from a Paper Cup" et "Line of Best Fit". Cet album introductif alterne passages très rythmés et chansons plus mélancoliques et introspectives. De même, le recours aux effets de guitare (notamment le tremolo) enrichit les compos et positionne Death Cab for Cutie comme un groupe inventif et musicalement très sensible. Pour un début, c’est vraiment très bon !
Une impression qui va se confirmer en 2000 avec leur deuxième album, We Have the Facts and We’re Voting Yes, que je considère personnellement comme l’un de leurs meilleurs. Sans doute moins directement "punchy" que Something About Airplanes, We Have the Facts… gagne pourtant en qualité d’écriture, en intensité, en expression. Les accords et les arpèges proposés par cet album (souvent doublés par du glockenspiel) surprennent par leur sophistication et, au fil des écoutes, la cohérence de l’ensemble ne laisse de susciter l’admiration. Une nostalgie prononcée ("Title Track", "Company Calls Epilogue", "No Joy in Mudville") colore la tonalité d’ensemble de l’opus même si des moments plus énergiques ("Lowell, MA", "Company Calls") sont aussi de mise.
En 2001, The Photo Album casse un peu cette lancée. En effet, je trouve que cet album est le moins réussi de la carrière du groupe (en tous cas à ce jour). Les chansons en soi ne sont pas nulles, mais rien ne ressort réellement de ce disque beaucoup plus plat, beaucoup plus inodore que les précédents. Il y a comme une petite panne d’inspiration, un ressassement net (remarquons quand même, dans les titres bonus d'une édition de l'album, une reprise de "All Is Full of Love" de Bjork vraiment pas mal), qui heureusement est surmonté au-delà de toute espérance en 2003 avec le 4e album studio de Death Cab for Cutie, l’excellent Transatlanticism, sans doute leur meilleur. Contrairement au Photo Album, tout sonne juste dans ce superbe Transatlanticism qui confirme que la couleur dominante du quatuor est la mélancolie ("Lightness", "Tiny Vessels" et surtout le titre éponyme "Transatlanticism"). Preuve que Death Cab for Cutie devient plus "populaire", des séries télévisées utilisent l’album pour leur bande sonore (j’ai repéré un épisode de Californication et un épisode des Experts Miami mais il y en a sûrement d’autres).
En 2005 paraît Plans. C’est un album qui me paraît être un "mini-tournant" pour le groupe avec une utilisation plus prononcée du piano ("Different Names for the Same Thing", "What Sarah Said"), lequel conserve toutefois les atmosphères très spleenesques autrefois exprimées par les guitares. A noter également (à la guitare) la très dépouillée "I Will Follow You into the Dark". Autre tendance (heureusement légère) de cet album : une inspiration parfois plus eighties sur les morceaux "Your Heart Is an Empty Room" (on pense aux arpèges de The Joshua Tree) et surtout "Someday You Will Be Loved". Et puis, donc, la voix de Gibbard un peu plus éraillée, moins clairement gémissante et angélique. Même si Plans est un succès encore plus important que Transatlanticism, je le trouve intéressant, parfois magnifique, mais moins achevé que le précédent.
En 2008 est proposé au public le 6e et dernier album de Death Cab for Cutie paru à ce jour, Narrow Stairs. C’est un album qui retrouve un bipolarité plus importante avec une alternance de chansons douces et d’autres plus rythmées, comme par exemple les très bonnes "No Sunlight", "Cath" et surtout "Long Division". Plus étonnante, l’ouverture de l’album avec deux titres relativement longs, "Bixby Canyon Bridge" et plus encore "I Will Possess Your Heart" que, jusqu’ici, on ne se serait pas attendu à trouver dans l’inspiration du groupe. Au chapitre des incongruités, "Pity and Fear" s’achève très abruptement, un peu comme si la bande avait été coupée (ce qui semble d’ailleurs être le cas, une mauvaise manipulation du logiciel d’enregistrement ayant donné ce résultat que le groupe a finalement trouvé sympa et qu’il a donc conservé sur l’album). Avec Narrow Stairs il semble que le quatuor veuille revenir à quelque chose de plus spontané, de plus direct et dynamique, et c’est assez convaincant même si l'album n'est pas un chef d'oeuvre.
Alors qu’un nouvel album serait prévu pour 2010, alors que Death Cab for Cutie a déjà 6 efforts studio au compteur, je trouve dommage que la France ne soit pas plus réceptive à leur musique à la fois émouvante, romantique, très inspirée, ultra-mélodique et, je le répète, synthétisant parfaitement les deux veines tout aussi agréables du rock indépendant et de la pop finement ciselée. De très nombreuses chansons sont d’ores et déjà des classiques qui plairont autant aux garçons qu’aux filles, aux jeunes qu’aux vieux, alors ce serait bête de s’en priver plus longtemps ! Que ceux qui possèdent un iPhone se fassent une première idée puisque, cerise sur le gâteau, les Death Cab for Cutie proposent une application gratuite que vous pourrez notamment retrouver sur leur site Web !