Les FNB ou fonds indiciels négociés en bourse ont la cote d’amour. La gestion par indices de marché attire l’attention car elle charge peu de frais et elle est très performante lors des reprises boursières. Ajoutons qu’elle est la chouchou des journalistes économiques et on se retrouve avec une mode, voir une bulle!
Au Québec, on jongle avec l’idée d’offrir à certains organismes provinciaux le choix de la gestion par la Caisse de dépôt et de placement ou par une exposition aux indices de marchés. Pour les moins familiers avec le jargon, sachez qu’on compare souvent la performance des gestionnaires de caisses de retraite ou de fonds communs à l’ensemble du marché identifié par un indice de référence. Au Canada l’indice S&P TSX reflète la fluctuation des 60 plus importantes entreprises canadiennes. En France, on se réfère au CAC 40 et aux État-Unis, au S&P500 et au DowJones. Aux nouvelles lorsque Gérard dit que le TSX a baissé de 1%, c’est une baisse de valeur combinée de 1% des actions de l’indice. Il y a des indices de secteurs comme les ressources naturelles, les services financiers, les télécoms, les entreprises manufacturières… et même des indices qui suivent l’ensemble du secteur des obligations gouvernementales et corporatives. Si l’indice fait 55% de rendement, vous suivez la vague. Si ça plante de -45%, vous suivez le même chemin.
Pour ma part, je crois que de se comparer aux indices est un jeu enfantin qui a peu de mérite. Quel tarla peut se rendre crédible en disant: «WOW, on a battu l’indice: on a perdu seulement 25% plutôt que 32%!» S’exposer à 100% à des indices d’actions, correspond à conduire une rutilante Porsche pas de frein. C’est ben l’fun quand ça roule. Mais lorsque les obstacles économiques se mettent en travers de notre chemin… on fait des tonneaux et on visite le ravin.
Aujourd’hui dans la grosse Presse, mon journaliste préféré a perdu royalement son temps en comparant la performance passée de la caisse avec les indices boursiers. Il n’a sans doute jamais entendu parler du biais de survivance. On peut bien comparer des gestionnaires à leurs pairs ou à des indices… pourvu que les mêmes individus et la même équipe soient encore en place. Depuis 1965, la rotation du personnel de la CDP est digne de l’alignement des joueurs de hockey du CH. Ça n’a plus rien à voir. Ce n’est Ni le même circuit, les mêmes joueurs, les mêmes entraîneurs, ni la même glace!
Comme je le décrivais plus haut, les indices sont une moyenne. La loi du marché. Celle-ci est très souvent dans le champ et il n’y a aucun filtre pour exclure les anomalies. Ainsi, en 2000 le poids de Nortel dans l’indice canadien dépassait 35%. Concentrez-vous 35% de vos avoirs dans un seul titre? Bien sûr que non, c’est même épais. Et pourtant, les adeptes de la gestion indicielle laissent la jungle financière décider à leur place. En ce moment, l’indice canadien est constitué à 60% en énergie, en ressources et en services financiers. Vous voulez des sables bitumineux? Achetez l’indice! Vous voulez encourager Quebecor à faire plier ses journalistes? Achetez l’indice. Vous voulez encourager HP Rousseau à conserver sa moustache chez Power corp.? Achetez l’indice. Voyez, on achète tout sans retenue, sans principe ni opinion.
Quand on achète l’indice, on achète les sociétés les mieux gérées et les plus incompétentes. Ainsi se côtoient des dirigeants sobres et raisonnables qui défendent les intérêts de leurs clients et actionnaires et les profiteurs de toutes natures qui polluent à grandes échelles ou qui se votent des bonis démesurés. La gestion active est complexe et parfois coûteuse, mais le travail de recherche permet souvent d’exclure des requins, des voleurs, du bois mort et des risques inutiles. La gestion active fait entrer la capacité de jugement dans les choix. Voulez-vous automatiser votre caisse de retraite? Telle est la question.
En offrant le choix à certaines sociétés d’État d’investir dans les indices, la Caisse de dépôt renie une fois de plus son rôle de gardien de valeurs des Québécois. Il ne faut pas accepter cela. Nous devons d’abord privilégier nos entreprises et notre identité. Si on doit perdre un peu de rendement, tant pis.