Offrez un très joli bonnet complètement dessiné par vos soins et tricoté par une grand mère ! C'est le concept de Golden Hook, le site de tricot social monté par Jérémy et Eric.
J'ai rencontré Jérémy et Eric dans leur petit bureau parisien pour qu'ils nous en disent plus sur ce beau projet.
Peux tu nous parler du concept de Golden Hook ?
En gros, j’ai monté un site internet où peux faire fabriquer sur mesure ton bonnet. Tu peux choisir ton type de bonnet, un long, un court ou un péruvien, avec ou sans pompon, et ensuite tu peux sur chaque ligne de rang choisir une couleur et une matière associée. Tu pourras avoir un bonnet en laine avec un pompon en angora, avec une bande en alpaga ou en cachemire. Il y a 56 couleurs en 5 matières sur 26 rangs, le nombre de possibilités est supérieur au milliard...
La grande force du site, c’est qu'outre le fait que c’est fait main, tu peux choisir la personne qui va tricoter ton bonnet. Après avoir créé ton bonnet, tu vas directement choisir la grand-mère qui va tricoter ton bonnet : Sarah ou Colette par exemple. Tu sais qui l’a fait et Colette te met dans le bonnet Fait par Colette pour Intel.
Et ça, c’est la grosse plus value. Si tu veux l’offrir c’est génial : le bonnet est fait par Colette pour papa, pour maman, pour ma fille, pour ma tante…
Certains clients ne se sentent pas perdus devant toutes ces possibilités ?
Le client peut partir plus simplement sur un bonnet uni et lui rajouter quelques bandes de couleur. On a aussi des propositions de bonnets qui peuvent être retravaillées. Et, on a créé un mode aléatoire. Tu choisis 2/3 couleurs et tu peux générer un bonnet hyper joli. Après tu peux continuer à travailler dessus. Le mode aléatoire te sert comme base d’idée…
Tu n’as pas que des bonnets…
Bien sûr, on fait aussi des écharpes et des snoods, cela peut aller de 1m60 à 4m jusqu’à 40 cm de large. On en a eu une de la taille maximale, elle était gigantesque. Tu peux la porter, mais il te faut un chariot. Pour l’été, on a des nœuds papillons et des cravates en série limitée.
Pour la St Valentin, on a créé des écharpes pour le couple.
Tu sources aussi ta laine en France…
J’ai essayé de monter une boite où tout soit au mieux. J’ai été chercher mes éleveurs en France dans les Alpes du Sud. Ils font de la laine française, du cachemire français. Il y en a très très peu en France.
Comment as-tu démarré dans le tricot ?
Cela fait 5 ans que je tricote mes bonnets. Au début, c’était moche, puis un jour c’est devenu beau. Et alors mes amis m’ont demandé de leur faire des bonnets en choisissant les matières ou les couleurs. Comme j’étais encore en cours, j’ai cherché quelqu’un qui pouvait m’aider à le faire. En allant voir ma grand tante, j’ai vu toutes ces personnes qui s’embêtent dans les maisons de retraite. Et elles ont été trop heureuses de pouvoir m’aider à démarrer. D’ailleurs, au début, je n’étais pas très bon. Pour mes premiers bonnets, je m’étais trompé et j’avais mal reproduit un point. J’ai créé ainsi un point mal fait, qui est finalement le point signature de Golden Hook. C’est un point qui n’existe pas réellement…
Comment cela marche concrètement pour la grand-mère ?
La grand-mère ne se déplace pas, elle reste chez elle. On a un préparateur de commande qui prépare les pelotes et les couleurs... La grand-mère a déjà toutes les aiguilles, les crochets. Il amène tout cela chez la grand-mère avec une petite fiche explicative qui indique les rangs avec les couleurs. La grand-mère tricote alors le bonnet. Une fois le bonnet terminé, le préparateur récupère le bonnet et le met en boite. Les boites sont 100% carton recyclé sans encre. Et après cela part à la poste chez le client.
Il faut combien de temps pour faire un bonnet ?
Un bonnet met environ 1h et demi, mais la grand-mère peut prendre son temps pour tricoter. Si la grand-mère s’engage à faire le bonnet, elle doit le faire en 3-4 jours ou 6 jours. Cela lui laisse le temps de s’organiser. Mais c’est souvent la grand-mère qui finit en avance et nous appelle pour avoir plus de travail.
Est-ce que toutes les grands-mères tricotent de la même façon ?
Bien sûr, elles ont chacune leur petite différence, mais les points sont assez faciles et la technique maitrisée par tout le monde. Mais par exemple, la bague dorée signature de Golden Hook peut être différente : certaines grands-mères la font très fine, d’autres plus large. Au final, chaque bonnet aura un côté unique.
Sur un bonnet de mode APC, il y a un côté industriel, c’est un bonnet cher et sans saveur. Nous on crée la saveur.
Où habitent les grands-mères ?
Pour l’instant, elles sont toutes en banlieue parisienne, proche de notre stock.
Comment choisis-tu les grands-mères ?
J’ai cherché des grands-mères qui ont besoin et envie de travailler, celles qui ont besoin d’argent. Cela ne m’intéresse pas de faire travailler une grand-mère de Neuilly sur Seine qui va faire son bonnet et jouer au golf après. Nos grands-mères ont travaillé sur les marchés ou ont été ouvrières, elles n’ont quasiment pas de retraite ou vivent chez leurs enfants. On prend les mamies en galère, celles qui veulent passer de 500€ par mois à 1000€ par mois. Tu doubles ce qu’elle gagne par mois, c’est énorme et du coup, elle peut vraiment jouir d’une retraite de divertissement. L’année dernière, une grand-mère me demandait 150€ de bonnets à tricoter pour pouvoir acheter les cadeaux de ses petits enfants. A 23 ans, c’est une vraie responsabilité de savoir que les cadeaux de ses enfants reposent sur toi. Mais d’un autre côté, tu te dis que si tu le fais, tu as offert un Noël à ses enfants. Tu sers aussi à quelque chose. Il y a une vraie utilité sociale.
Combien est ce que tu reverses aux grands-mères ?
Si tu dis le montant aux gens, la moitié va te faire « c’est tout », et toutes les grand-mères ou les gens qui tricotent te diront « ouais, cool, on se fait plein d’argent avec vous ». On les paye super bien par rapport au secteur. Souvent les grands-mères me disent « vous me proposez de gagner de l’argent à faire du tricot, en restant chez moi, banco ». Il arrive même que certaines personnes que je rencontre ne veuillent pas être payées. « De toute façon, que vous me payiez ou pas, je vais tricoter. Je préfère que cela soit utile. »
Qui crée les nouveaux modèles de Golden Hook ?
On a pris une styliste en interne qui s’appelle Maia Stritch. Elle a de très bonnes idées et un gros savoir faire. Je l’ai rencontrée via le Collectif France Tricot. C’est un collectif qui fait du street art : elles recouvrent tout ce que tu veux de tricot. Elles font aussi des apéros tricot qui cartonnent. Tous les 2 mois, elles organisaient des compétitions de tricot : tricote moi ton meilleur film, tricote moi Michael Jackson… Maia a tout simplement tout gagné. Alors que je cherchais une styliste, je suis allé voir Emmanuelle Esther du CFT, elle m’a tout de suite conseillé Maia. Je l’ai rencontrée, je lui ai parlé de mon histoire, elle a adoré et le lendemain, elle tricotait déjà dans mon bureau. C’est elle qui a fait nos nouveaux modèles : le snood, les écharpes, les cravates, les bonnets doigts… Si on a une idée un peu folle, Maia peut tout te faire en tricot !
Comment se passe une saison ?
C’est une activité saisonnière. Mais pour l’année prochaine, on va commencer à devenir une marque de mode plus qu’une marque de bonnets tricotés par des grands-mères. On va initier le processus de ventes en magasin, ce qui nous permettra de préparer des bonnets à l’avance pour les périodes creuses. Ce sera toujours par les grands-mères mais ce sera vendu en magasin.
Un magasin Y peut nous demander un bonnet gris avec une bande verte. Si le consommateur n’aime pas la couleur, il pourra aller sur le site pour en faire un sur mesure mais entre temps il aura pu voir la qualité du bonnet, le toucher, l’essayer. Tout le monde est gagnant.
Pour le moment, peu de magasins proposent ce genre de produits. En général, les bonnets faits main ne sont pas très beaux.
Tu arrives à te payer un salaire ?
Pas pour le moment, mais j’espère bientôt !
Le problème, c’est que cela met du temps à démarrer. Il n’y a pas beaucoup de gens qui connaissent Golden Hook. Et nos marges sont microscopiques. On fait travailler des françaises, les matières viennent de France. Du coup, on est très peu en magasin car on fait une marge de 1,1 ou 1,2, ce qui est très faible par rapport au business du vêtement.
Est-ce qu’on ne te confond pas parfois avec Wool and The Gang ?
Wool and The Gang m’a fait le plus beau coup de Trafalgar du monde. J’ai ouvert mon site le 27 novembre 2008. Cela faisait plus d’un an que je travaillais sur le concept : le temps de trouver les éleveurs, les grands-mères, lever des fonds, créer le site… Le 1er décembre, WATG a ouvert et eux avaient les moyens, les connections, et Nadège Winter avec son réseau… Ils sont arrivés en force dans les Elle et les Jalouse. Sauf que WATG te vend un bonnet en laine pour 70€ non tricoté, là où on fait la même chose moins cher et tricoté par une grand-mère que tu as choisie qui s’appelle Colette ou Salima…
Au final, Wool andu The Gang te vend le concept bien plus cher que le contenu. Mais pour nous, ce ne sont pas des concurrents. Le problème, c’est qu’on a vite fait l’amalgame et ce qui m’énerve c’est qu’on va entendre « après Wool and The Gang, Golden Hook a monté un site de bonnets tricotés par des grands-mères. » Mais ce n’est pas vrai, on a été créés avant. C’est horrible quand tu te tues à monter une boite et que le même jour un truc énorme qui fait à peu près la même chose arrive, c’est hyper frustrant…
Tu avais restreint la communication l’année dernière…
L’année dernière, je ne faisais aucune communication… car j’étais tout seul. La structure était trop petite. Paris Match, France Soir, Le Monde, 20 Minutes, TF1, WAD et Chic étaient venu me voir. Si j’avais dit oui à tous, j’aurais été incapable d’honorer les commandes avant Noël. J’aurais juste coulé ma boite. Maintenant, ils m’ont rappelé et je suis prêt.
Avec l’approche des fêtes, tu peux livrer avant Noël ?
15 jours avant Noël, on était quasiment sûr de l’avoir. 10 jours, on se battait pour que cela arrive. Mais à partir du 17 décembre, cela commençait à être plus difficile… Je me souviens d'il y a deux ans à cette époque. 3-4 jours avant Noël, je faisais tous les cartons moi-même et j’allais à la Poste du Louvre avec 50 cartons de bonnets à 3h du matin. J’y passais tous les soirs. J’ai eu un Noël horrible. Maintenant, on est plus organisés…
Quels sont tes projets pour l’avenir ?
J’ai énormément de mails de grands-mères qui veulent participer mais hors de Paris, c’est pour le moment compliqué. A moyen terme, je vais créer un maillage de grands-mères sur toute la France. Grâce à la Poste, on enverra les kits à tricoter. Ensuite, l’avenir c’est de créer des licences de marque à l’étranger pour faire des gangs de grands-mères. Notre premier gang sera à New York, San Francisco, Montréal probablement, Londres aussi et après l’Allemagne, où on a un contact à Munich.
On cherche aussi des magasins qui correspondent à l’image de Golden Hook pour faire des séries limitées. On travaille avec Bubblewood dans le Marais. On leur a proposé 2-3 modèles dans leurs couleurs, ils ont choisi Simone comme grand-mère. Une semaine après ils étaient livrés. Le soir même, on avait déjà vendu 5 snoods !
Quelle est ta grand-mère préférée ?
Ma grand-mère préférée, c’est Babeth. Elle est grand mère à 45 ans.
C’est une jeune dans sa tête, elle se promène en baggy, elle est hyper drôle et hyper gentille. C’est une des toutes premières à avoir travaillé avec nous.
Plus d'infos sur www.goldenhook.fr.