Chaud Show
Nous étions hier et déjà aujourd’hui au matricule du 9 décembre 2009. Nous allons enfin respirer l’odeur du soufre - non pas celle de la polémique - celle du feu, de la chaleur et de la sudation. Les plaisirs insouciants de ces « soirées » animales animées, où les peaux collent » al dente, s’inscrivent dans l’impulsion du mouvement.
Alors que les Norvégiens de Combichrist tirent leur révérence après
une première partie semi chahutée, le compte à rebours s’enclenche. L’heure
fatale approche. Le martèlement incessant des pieds raisonne, les cris assourdissants - à rendre jaloux des larynx en mal
d’émotions – semblent jaillir d’une bacchanale infernale, les regards vifs et alertes - concentrés sur la
scène - soulignent sans compromis le désir haletant d’une envolée baroque à
venir.
21h00. La ferveur gronde. Lorsque l’appel salutaire à sonné, le frémissement s’enflamme comme une lame de fonds qui se mets à sillonner des corps comprimés et chahutés. Les masses musculaires se tendent vers une fusion tambourinée de convulsions. Les tissus nerveux vibrent, les cœurs palpitent…la scène s’apprête à crépiter. La quantité de matière est à son maximal, le recensement s’établirait autour de 15 000 têtes exaltées. Le public, venu chercher sa pitance de spectacle est (bonne nouvelle) plutôt bigarré. Tous les âges sont représentés, signe que le groupe est devenu transgénérationnel - balise de longévité - et peut donc compter sur un public fidèle. L’éphémère trouvera son double dans les Tokio Hotel. Un effet de « masse » pour un « max » de plaisir. Le spectacle de la fosse devenue arène assoit le règne du groupe germanique dont l’entrée en scène scelle un pacte avec des légions de suppôts venus leur témoigner dévotion par des flopées de salutations. Cette fois-ci, un décor en toile est déchiré à la « hache »…les membres du groupe rentrent en scène à travers le trou béant. La scène, taillée dans un paysage industriel où l’effet futuriste lorgne avec l’aspect neo indus (déjà observé dans le menu du DVD« Lichtspielhaus »), s’apprête et se prête à un show chaud qui mets en scène des flambées de saynètes où la combustion reste une pièce maîtresse d’un chaudron bouillant et tourbillonnant ; flèches enflammées, lance flamme, explosions, pluie d’étincelles et bien d’autres artifices font de ce concert une expérience unique. L’alliance réussie du metal-indus et du feu « sacré » : Une combinaison de symboliques, de jeux et d’extase. Clou de ce spectacle « antique » la présence dans la set list du trop rare (et essentiel) « Engel » avec en fonds la voix évanescente quasi spectrale de la chanteuse Bobo.
Force est de constater que si la presse nationale s’est à nouveau emparée du phénomène Rammstein, elle reste (encore) parfois assise sur des préjugés (récurrents) propices à quelques envolées acides et aussi absurdes que « c’est du bruit ». Un cliché aussi sot que celui souvent (encore, bis repetita) entendu qui associe gothiques et sataniques. En exemple, « Reise reise » bruitiste ?....non, juste de la puissance dans l’effervescence des guitares-claviers policées par un romantisme ou accentuées par une décadence où se meut une matière première de premier choix : La provocation. Un peu de sel dans le lait, soit disant nourricier, des diktats de nos sociétés contemporaines. Quant à la voix de Till, elle accompagne toujours mélodieusement chaque titre et souligne avec rage, désespoir ou amour les faits et effets des nappes sonores.
On se plait à imaginer qu’un jour certains se mettent (enfin) à écouter et non plus juste à observer. Encensons nos cinq sens insensés pour quintupler le plaisir, dommage de blêmir et pâlir en restant scotché aux clichés métaleux. En effet, nous pouvions encore lire dans la presse nationale : « ….privilégie le spectaculaire au détriment des chansons »….Ne fustigeons pas, ni ne jugeons, il n’empêche la récurrence peut parfois confiner à l’ennui.
On se plait aussi à rêver, un jour, de voir Rammstein faire une tournée de petites et moyennes salles, avec un spectacle dépouillé, dépourvu d’artifices. Car, même si le show est un pur plaisir, l’idée d’un concert brut plus intimiste concentré sur la musique aurait certainement une puissance de frappe insoupçonnée, n’en déplaise à certains. Car oui, Rammstein n’est pas juste un groupe de showmen, c’est aussi un sextet dont la musique est poudrée de mélodies impeccables. Que pourrait-on reprocher à des titres aussi ensorcelant que des « Du hast », « Engel », « Ich will », « Feuer Frei », « Keine Lust », « Waidmanns Heil » ou « Frühling In Paris » ? De ne pas aimer, bien sûr, mais de critiquer par ignorance…plus difficile, voir contraignant.
Pour aller plus loin, à une époque où les groupes se concentrent davantage sur les tournées que sur la qualité des disques, il faut bien avouer que Rammstein ne laisse vraiment rien a hasard, à l’image de leur dernier album « Liebe Ist Für Alle Da » où chaque titre est travaillé avec toute l’attention d’un single potentiel.
Et si vous appelez cela l’enfer, alors laissez-moi me consumer.
Patrice Verry