Femmes dans la rue

Voici une autre rue, quelques décennies plus tard, dans une autre capitale européenne, à Berlin. Il s'agit du tableau "Femmes dans la rue", peint par Ernst Ludwig Kirchner en 1914.

Kirchner a peint d'autres scènes de rue, mais ici la tonalité générale est très particulière et je trouve même que la reproduction ne rend pas exactement compte de l'impression saturée de vert que j'ai pu ressentir lorsque j'ai vu cette toile à l'exposition "Fauves et Expressionnistes" au Musée Marmottan.

"Surgissant d'une lumière bleu verdâtre comme d'un décor de rêve" (1), s'agit-il d'un lieu de spectacle, d'un café ou d'un cabaret ? deux femmes, dont la silhouette est quelque peu étrange, apparaissent au premier plan et sont accompagnées par un homme d'ailleurs dont la silhouette masculine est à peine différenciée. Plumes sur la tête, visages émaciés, silhouettes stylisées drapées dans une sorte de houppelande, bras anormalement allongés, on ne sait pas s'il s'agit d'élégantes, de passantes ou de prostituées. Avec leur allure de femmes-oiseaux, elles préfigurent déjà la libération féminine lors des années folles (coupes garçonnes, abandon de la robe longue, vêtements fluides autour du corps).

D'un point de vue pictural, on sent à la fois l'influence du cubisme par les formes très géométriques de l'ensemble de la toile, traits au sol triangulaires, dans le fond, ligne de fuite de la façade de l'immeuble, au premier plan, redingote bleue de l'homme composée de nombreux triangles, qui multiplient les angles de vue à l'intérieur du tableau ; et à la fois l'influence des arts primitifs, surtout par la représentation des visages qui, pour moi, ont une similitude frappante avec des masques africains.

(1) Jean-Michel Palmier, voir le très intéressant article en complément