Ça y est, je l’ai lu ce fameux Prix du Gouverneur Général 2009 !
J'ai l’impression que j’aurai de la difficulté à vous rendre ce roman avec justesse, tellement d'ailleurs que j’en éprouve quasiment le trac. Dans ces moments-là, je m’accroche à la quatrième de couverture qui est justement très pertinente. J’avoue même qu’elle m’a aidée à situer la fin : « Si le roman possède une « essence policière » incontestable, il s’agit d’abord et avant tout d’un roman de la culpabilité. Tout en s’attachant au sort de Paul Barabé, le récit présente l’histoire de Chester « saisie du dedans » : une histoire commune non pas appréhendée dans la perspective rassurante des intentions et des actes, mais une histoire se rapportant plutôt aux faits principaux qui accablent ce village sans idiot ». (Cet extrait représente environ un quart du quatrième).
J’ai habité ce village quelques heures, vraiment habitée, j’y étais. Tout au long de mon séjour, les questions ont criblé mon esprit et j’ai ressenti une tension, en tout cas, je n’étais pas détendue. Habituellement, je trouve les villages rassurants, tout le monde se connaît, on en fait le tour rapidement, l’esprit le contient. Mais pas Chester dont l’ambiance dégage du mystère, pas celui qui est opaque, celui qui titille l’esprit, qui l’agace continuellement. L’histoire me laissait peu de temps pour réfléchir dans mon état de fébrilité d’en vouloir plus, toujours plus.
Pourtant, dès le départ, on connait les malfaisants qui se débarrassent de l’idiot. On ne cherche pas l’assassin mais on cherche quand même ; la vérité des personnages, d’y voir plus clair. Le style et la manière de raconter est à ce point efficace que j’ai monté un film dans ma tête ; c’était sombre, je n’y ai jamais vu le moindre rayon de soleil ! Certaines perles langagières me sautaient aux yeux et c’est bien la seule chose qui brillait dans cette noirceur ! De la noirceur, non pas celle qui appelle la déprime, le dégoût oui peut-être, mais surtout la dureté des sentiments, l’ignorance crasse, l’inconscience mais pas la candide, les victimes malignes, l’exploitation de la bonne volonté, la méfiance impitoyable vis-à-vis les étrangers. Et toujours ce vent de folie qui guette, qui rôde, qui peut s’emparer d’un esprit sain, même celui du lecteur ! Pris par l’effet d’entraînement, les secrets, la force vive de la rumeur, nous déambulons avec des personnages typés d'un village classique, mais représentés avec une unicité de langage concis, allant droit au but par l’appel de l’image.
Le monde de cette auteure est original, et c’est ce genre de roman qui me fait demander ; comment fait-elle pour vivre avec des histoires comme ça dans sa tête !? Tout au long de ma lecture, j’ai ressenti de l’inquiétude, et la fin ne m’a pas replacée dans mon monde rassurant, je continue à me poser des questions. Et peut-être après tout que mon rationnel s’est fait avoir par les émotions, je ne m’en défends pas, ça signifierait qu’il a été pris en otage par une histoire à l’ambiance forte qui entraine tout sur son passage. Cette auteure n'est pas née d'hier, jamais je croirai ! Je l'imagine facilement avoir plusieurs embryons d’histoires dans ses tiroirs. Enfin, je l’espère !
Le discours sur la tombe de l’idiot – Julie Mazzieri, Éditions José Corti, 245 p.