Le premier roman policier de Geneviève Lefebvre. Un roman qui commence sur une touche macabre et se termine sur la même note, mais en nous laissant en bouche un goût d’impuissance face à des atrocités auxquelles la justice ne pose aucun baume et où il n’y a aucun Dieu pour panser les blessures. La seule façon de s’en sortir est de livrer son propre combat et d’enfouir ses meurtrissures sous notre linceul pour l’éternité. Un roman d’une dureté malicieuse, d’une perversité sans égale et d’une moralité à faire défroquer le plus Saint des Saints.
Antoine Gravel, scénariste fauché et renfrogné dans son univers où il vit avec un cochon, se voit mandater par Maggy Sullivan, épouse du plus célèbre mafioso en ville, d’écrire un scénario modernisant la vie de la martyre Maria Goretti. Maria Goretti fut cette jeune fille de 13 ans, reconnue pour avoir dit : Non. Harcelée par le fils de son beau-père, elle lui résistera jusqu’au jour où il l’assassinera sordidement de quatorze coups de couteau. Au moment de sa mort, un curé lui fera dire qu’elle pardonne à son bourreau et qu’elle l’attend au paradis avec elle. Le pape Pie XII l’a canonisera en 1950 dans une cérémonie où la mère et le meurtrier repentant assistent conjointement à la célébration.
Antoine Gravel se rendra dans un village où une série de meurtres crapuleux sur des jeunes filles ont lieu. Il sera, malgré lui, mêlé à des évènements qui le lieront directement à son manuscrit et le dirigera tout droit dans l’univers d’un prédateur qui est à l’affût de son prochain festin. Geneviève Lefebvre donne sa plume au personnage de Steve, un désaxé sexuel d’une perversité absolue et fin stratagème. Elle réussit à entrer dans la peau d’un homme et de nous décrire sa folie avec une justesse à vous nouer les entrailles. J’ai été complètement envoûté par l’écriture incisive et insidieuse qui donne à l’élan de ce roman, une trajectoire qui nous bascule dans les ténèbres du Mal fait chair. Geneviève Lefebvre a créé un meurtrier qui joue avec sa faiblesse comme un fakir sur son tapis de clou. Il créé l’illusion de sa douleur qui n’est, nul autre, que son plaisir malsain et égoïste et berne son auditoire en vous renvoyant le plus amical des sourires. Les scènes des meurtres, sans être explicites, nous transpose dans une folie où la rédemption n’a plus sa place.
L’écrivain François Barcelo dit que pour savoir si un livre est un roman ou un polar, il faut compter les morts. S’il y en a plus que cinq, c’est un polar. Celui-ci en compte sept.
Je vous conseille fortement de lire ce polar et de découvrir cette auteure qui manie la plume et le scénario de main de maître.
Geneviève Lefebvre a écrit pour la télévision. Elle réalise des capsules de fictions sur le Web : Chez Jules TV. Depuis 2006, elle anime un blogue populaire : Chroniques blondes
Je compte les morts, Geneviève Lefebvre, éditions Libre Expression, 2009, 318p.