Les réseaux sociaux sont créateurs de lien social en médiatisant les e-citoyens entre eux."Internautes de palier": le succès des réseaux sociaux locaux

Publié le 11 décembre 2009 par Jérémy Dumont

  

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En 1995, Craig Newmark désireux de partager des bons plans avec d’autres habitants de San Francisco crée et gère une liste de diffusion sur Internet qui, succès aidant, devient rapidement un site web et l’activité principale de son créateur. Dix ans plus tard, 50% des San Franciscains se servent régulièrement de la liste de Craig (Craig’s list ou Craigslist en anglais) pour déposer ou consulter des petites annonces, des offres d’emploi ou encore s’informer sur l’actualité de leur ville. Les utilisateurs du site - qu’ils soient vendeurs, organisateurs de soirées ou chasseurs de tête - évaluent leur degré de « moralité » entre eux, par un système de notation. Les falsificateurs, mauvais payeurs et autres arnaqueurs sont ainsi rapidement mis au ban de la communauté. Réseau de sociabilité, le site Craigslist est devenu un moteur de l’économie locale.


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Certains évoquent la proximité de San Francisco avec la Silicon Valley, temple des nouvelles technologies, pour expliquer le succès phénoménal de Craigslist. Mais cette hypothèse est mise à mal par la réussite des répliques de Craigslist dans différentes métropoles des États-Unis et le vif intérêt que suscite, à Paris et à Grenoble, le réseau local en ligne Peuplade, inspiré de son aîné nord-américain. Les raisons d’une telle adhésion sont sans doute davantage à chercher du côté de la volonté de (re)tisser des liens sociaux et de l’importance donnée aux médias qui caractérisent les sociétés occidentales contemporaines. Par ailleurs, la circonscription géographique de ce type de réseaux (à l’échelle d’une ville pour Craigslist, d’un quartier pour Peuplade) les distingue des réseaux sociaux plus généralistes comme Friendster ou MySpace et leur confère peut-être, à long terme, une plus grande pertinence.

L’Internet comme outil de médiation

Lancé en 2003, le site Peuplade avait pour ambition première de recréer du lien social au sein du quartier des Épinettes, dans le 17ème arrondissement de Paris et de permettre à ses habitants d’en devenir acteurs à part entière, en y développant des micro-projets locaux. Depuis 2006, grâce à un partenariat avec la Municipalité et la RATP, le site couvre de ses services l’ensemble de la capitale. La Mairie de Grenoble a également commandé « sa » Peuplade, mise en ligne en mars 2007. L’opérateur SFR intervient depuis deux ans pour permettre aux utilisateurs d’accéder au site via leur mobile 3G. Entièrement gratuit, le principe de Peuplade est simple : grâce à GoogleMap il est possible, après s’être soi-même enregistré, de prendre connaissance, en les visualisant sur une carte, de portraits d’internautes en fonction de leur lieu d’habitation. Ceci permet de découvrir ses voisins, leurs centres d’intérêts, les manifestations auxquelles ils se rendent ou qu’ils organisent... et d’entrer en contact avec eux. À partir de là, les internautes sont libres d’échanger, dans le réel, biens et services, de se réunir pour faire la fête ou concevoir des projets. Les fondateurs de Peuplade, réunis au sein de la SARL « Les Ingénieurs sociaux » revendiquent de faire interagir 67 000 personnes et d’être à l’origine de plus de 700 rencontres par mois. Quel manque l’Internet vient-il ici combler ? Le virtuel peut-il renforcer les relations sociales dans la « vraie vie » ?


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Les « Ingénieurs Sociaux », Nathan Stern en tête, n’ont de cesse de répéter que Peuplade n’est pas un outil communautaire, mais bien un outil de communication. Il ne se suffit donc pas à lui-même et n’est qu’un moyen (à la différence peut-être du blog). Il ne se substitue pas aux relations en face à face, il les dynamise. L’Internet a en fait le pouvoir d’optimiser la communication. Les interactions sociales se font à plus grande échelle et le partage d’informations est lui-même plus conséquent.
Par ailleurs, Stéphane Hugon sociologue et responsable du Groupe de Recherche sur les Technologies et le Quotidien (Gretech) explique que les « nouvelles technologies représentent une opportunité pour contourner ce que la société nous impose comme protocole relationnel ». Dans la rubrique « Autoportrait » de Peuplade, les internautes ne présentent d’eux-mêmes que ce qu’ils ont envie de valoriser.
L’article publié en juin 2006 par les chercheurs Thierry Pénard et Nicolas Poussing confirme l’effet positif de l’internet sur la sociabilité. Il montre notamment comment ce média permet de renouveler et de diversifier son capital social. Mais il apporte tout de même quelques nuances en avançant que cette réalité se vérifie avant tout pour ceux qui ont déjà, à la base, un capital social significatif. Les personnes isolées le seraient encore davantage face aux usages sociaux de l’Internet. Dans un même ordre d’idées, l’article du Monde consacré à Peuplade, en date du 13 juin, a tendance à reléguer le site au rang d’outil de fête pour fêtards avertis.
Autre limite potentielle, ces médias peuvent amplifier une rumeur. La question de la modération des réseaux sociaux sur Internet est essentielle. Il semblerait qu’une communauté active et dense puisse garantir un certain seuil de sécurité. Ainsi, les rédacteurs et lecteurs de Wikipédia sont suffisamment nombreux et impliqués pour tirer la sonnette d’alarme lorsque des informations peu fiables sont diffusées sur l’encyclopédie. De même, les utilisateurs de réseaux sociaux locaux en ligne sont généralement en mesure, comme sur Craigslist, ou Peuplade (via notamment un bouton « alerte ») de réagir au moindre faux-pas. La dimension d’autorégulation et d’autogestion est ici prégnante, à l’instar d’une conscience citoyenne au sein de « sociétés » miniatures.

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