Alors que l'Assemblée Nationale est débordée au point de vouloir limiter en temps les débats et les amendements, nos édiles savent trouver une fenêtre de tir pour nos amis les chasseurs.
Entre l'adoption récente de la loi sur "l'amélioration et la simplification de la chasse", la nomination de Chantal Jouanno au secrétariat d'Etat à l'écologie et la publication du calendrier des dates de fermeture de la chasse aux oiseaux (calendrier qui se torche avec les engagements européens de la France et notamment avec la 'Directive oiseaux') , il y a forcément une volonté politique déterminée à faire plaisir aux semeurs de mort et autres psychopathes du dimanche.
Car c'est la fête à Riri toutes les semaines chez Viandards Land; que du bonheur...Des cadeaux en veux-tu en voilà...
Il doit bicher, notre président : à peine eut-il râlé que l’opposition faisait rien qu’à entraver sa soif réformatrice en foutant la pagaille dans l’hémicycle que, le PS joignait ses voix à l’UMP pour une réforme capitale. C’est en effet dans une ambiance consensuelle que le Parlement vient d’adopter la proposition de loi du sénateur Ladislas Poniatowski destinée à la protection d’une espèce en voie de disparition.
Et y avait urgence : pensez qu’en l'espace d'une génération, ils sont passés en France de 2,4 millions à 1,2 million. Ecolo comme on le connaît, le gouvernement se devait de réagir face aux menaces qui pèsent sur une espèce emblématique des traditions de nos terroirs : les chasseurs !
La loi contient donc des mesures destinées à faciliter la vie de ceux qui font de la mort un loisir.
Pour commencer, il convient de ne pas les décourager.
On cessera ainsi de les priver de leur passe-temps favoris sous prétexte qu’ils auraient commis des infractions : le permis de chasse ne sera plus automatiquement retiré mais il faudra qu’un juge en décide. En attendant, le contrevenant pourra continuer à tirer sur tout ce qui bouge.
Il faut aussi que leur « sport » ne leur coûte pas trop cher. Or, jusqu’à présent, l'indemnisation des dégâts agricoles causés par le gros gibier représentait une lourde charge pour leurs fédérations. Ce n’est que justice quand on sait que par exemple la multiplication des « cochongliers » (animaux énormes, d’approche facile, ne craignant pas la voix humaine ou le jappement de chiens qui leur sont familiers) tient à l’élevage qui en fut encouragé par les dites fédérations.
On va désormais faire contribuer les propriétaires irresponsables qui ne procèdent pas à la régulation des espèces sur leur terrain et, pire, s’opposent au passage des « régulateurs » devront raquer !
Idem pour les deux tiers des communes françaises où n'existe pas d'ACCA (association communale de chasses agréée) et qui, de ce fait, ont des territoires non chassés ! Allez hop, tout ce petit monde à la caisse ! Ce sera toujours ça de moins à la charge des chasseurs.
Autre souci des vaillants Nemrod que le législateur a tenu à apaiser : il semblerait que notre belle jeunesse boude la guerre faite aux animaux. Qu’à cela ne tienne : pour favoriser leur accès à la confréries des tueurs agréés, le texte abaisse le coût du permis de 30 à 15 euros pour les mineurs de plus de 16 ans (et oui, à cet âge on ne peut pas voter mais on peut tuer !) et lorsqu'un chasseur valide pour la première fois son permis. La cotisation fédérale sera abaissée dans les mêmes proportions.
Plus de tracasseries paperassières : le transport du gibier tué entre amis est libre ! (les braconniers apprécieront)
Foin de réglementation tatillonne, pour améliorer le rendement du destructeur de « nuisibles », le parlement autorise les tirs à l’aide de «grand duc artificiel ».
Précisons, pour les non chasseurs qui me lisent de quoi il s’agit :
les oiseaux diurnes n’aiment pas que les oiseaux de nuit interfèrent dans leur plage horaire. Lorsqu’ils découvrent, en plein jour, une chouette, un hibou, un grand ou un petit duc, ils se regroupent et le houspillent jusqu’à ce qu’il décampe en attendant son heure de sortie.
Pour limiter les massacres, l’usage du grand duc artificiel était jusqu’alors réservé à la destruction des nuisibles, sur arrêté préfectoral. Les porteurs de fusils pourront désormais utiliser librement ce leurre de rapace nocturne pour attirer leurs proies.
Mais ce gros cadeau de Noël n’eut pas été complet sans l’indispensable reconnaissance dont ont soif ces grands incompris !
Depuis le temps qu’ils répètent qu’ils sont les premiers écologistes, leurs fédérations peuvent désormais êtres agréées au titre de la protection de l'environnement, seront consultées pour des projets d'aménagement du territoire et pourront en saisir la justice avec le droit de se porter partie civile.
- "Pourquoi privilégier les associations de chasse par rapport à d'autres associations, les randonneurs, les cavaliers…, qui eux aussi protègent la nature?", s'est étonné Yves Cochet qui, au nom des Verts, s’est abstenu (et le vote contre, il connaît pas ?)
- "Vous n'êtes pas sur le terrain pour apprécier la différence entre les uns et les autres", lui a rétorqué Patrick Ollier (UMP) qui a quitté les Hautes-Alpes en 2007 pour se faire élire à Rueil Malmaison, "Les chasseurs sont de vrais gestionnaires de la nature, mais un randonneur ne fait que passer."
Il a raison, Ollier : on passe… très vite même, surtout en automne. Et on n’oublie pas les grelots, les crécelles, et les gilets fluo !
Et puis il avait le mérite d’être là : treize députés s'étaient déplacés pour ce vote définitif, - dont 11 membres du groupe d'étude de la chasse et élus de régions où cette "activité sportive" selon leur propre définition, est largement pratiquée.
Même les ministres concernés, ceux de l'écologie et de l’agriculture, s'étaient éclipsés et c'est celui des Transports ( ?) qui représentait le gouvernement.
Un député PS a regretté qu'aucun jour de la semaine ne soit interdit à la chasse... mais il a été contredit dans son propre camp au nom de "la tradition ancestrale de loisir et de lien social" qu'est la chasse, "en particulier le dimanche".
Certains auraient aimé aller plus loin, tels Maxime Gremetz (PCF) qui, trouvant que le texte "s'arrêtait au milieu du gué" s'est lancé dans un vibrant plaidoyer en faveur des chasseurs. D’autres ont demandé des sanctions "pour contrer les activités anti-chasse" de "ceux qui multiplient les actions de sabotage".
Les sénateurs avaient renoncé à les inscrire dans la loi mais D. Bussereau leur a promis « la signature prochaine » d'un décret instituant un « délit d’entrave au droit de chasse » punissant d’une amende salée « tout acte tentant d’empêcher le déroulement normal d’une action de chasse ».
Démagogues les parlementaires ?Meu non ! Alors que les accidents de chasse se multiplient, ils viennent de voter une loi qui caresse dans le sens du poil 2 % de la population... armée.
Voir l'excellent blog "ça branle dans le manche"