“Gérer ses photos numériques : trier, archiver, partager”
Je voudrais commencer cette conférence par une anecdote; on peut toujours commencer par une anecdote, cela permet de rapporter une expérience, riche de sens parfois et force de démonstration. Cela peut donner des indices sur l’approche affective de l’auteur et révéler un certain comportement empirique; tout cela, je le prends à mon compte.
Dans ma famille, après guerre, mes parents et leur amis réalisaient des prises de vues, donc produisaient des images; réunions fraternelles, événements parisiens, excursions dans les banlieues, partaient cueillir des cerises à Montmorency, visite de châteaux et d’églises, rares voyages pour les vacances.
Tout était fixé par l’objectif, pour le plaisir et l’instant présent, puis à la naissance des enfants, l’image prit un nouveau statut, on photographia pour la postérité. Aujourd’hui, les choses ont-elles changé ?
Dans mon enfance, sans trop comprendre, j’aimais feuilleter les albums qui me paraissaient magiques, plus par la poésie des objets que pour les images que je ne voyais presque pas. L’odeur du carton ancien, les pages rigides d’un beau gris sombre, les plats de couverture en faux cuir et le cordon tressé de la reliure façon embrase, tout ceci m’attirait. Je plongeais dans des boîtes pleines de pochettes en papier aux marques mystérieuses alors, Kodak, Gevaert, Agfa… Elles renfermaient les images qui n’avaient pas été retenues pour figurer dans les albums; pochettes doubles contenant les petits tirages et les négatifs. Chacune était identifiée par un titre : Bonny-sur-Loire 1962, Juan-les-Pins 1967…
45 ans plus tard, j’ai exprimé l’idée de numériser notre “patrimoine” photographique familial. Les albums un peu décatis restaient, ainsi qu’une grande boîte dans laquelle avaient été rassemblés en vrac les petits tirages initialement rangés dans ces pochettes de laboratoire. Les négatifs eux avaient été jetés. En numérisant chaque document, j’ai pu encore obtenir quelques informations de mes parents.
Que peut-on retirer de cette histoire? Tout d’abord, une simple constatation, les albums sont sains et saufs, ils contiennent un certain nombre d’informations inscrites sur les pages. Le vrac reste plus ou moins anonyme, car les séries dispersées révélaient une signification sur chacun de leurs éléments. Les négatifs, avec leur pouvoir d’agrandissement et de restauration de l’image, ont disparu. Quelques bébés joufflus et mariés émus, encadrés, plastronnent encore au dessus des têtes de lit, ils sont jusqu’à aujourd’hui préservés.
Les ensembles construits, comme les albums, paraissent mieux résister au temps; une sélection contenue dans une sorte de livre précieux inspire peut-être un respect suffisant à sa transmission aux générations futures.
Une seconde anecdote, un ami, ancien directeur des archives sonores de RTL, à la tête d’une des plus belles collections d’enregistrements politiques au monde, a entrepris un jour une démarche auprès de la représentation américaine à Paris. A des fins de recherche, il réussit à emprunter une centaine de disques 78 tours.
Une année plus tard, désirant restituer l’ensemble, il prit contact auprès de son correspondant qu’il lui répliqua que la totalité des archives sonores anciennes avait été mise sur le trottoir, car, expliqua-t-il, l’ambassade avait besoin de place. Cela lui avait même créé des ennuis auprès du service de la voirie, évidemment tout ceci était volumineux et lourd!
Le déplacement temporaire d’une archive l’avait sauvée de la destruction.
Inspirons-nous de cette histoire pour bien comprendre que l’archivage double et déporté est une garantie dans notre quête de sauvegarde; nos originaux peuvent être détruits pas toutes sortes de causes, inondation, incendie, etc. A l’ère numérique, l’hébergement ou le stockage distant sont des garanties dont nous ne devrions pas faire l’économie, à condition de comprendre les clauses d’engagement des prestataires et de connaître les véritables coûts.
Disque “Pathé Ciment”,
premier “picture disque” français, 1904, collection Daniel Hennemand
—————————————————————–
le mercredi 25 novembre de 18h à 20h
à l’auditorium de la MEP
Entrée libre dans la limite des places disponibles
—————————————————————–
Maison Européenne de la Photographie / Auditorium
5/7 rue de Fourcy, 75004 Paris
Tel : 01 44 78 75 00 Métro : Saint Paul ou Pont Marie