A présent…
Je te dis « tu », on est toujours d’accord, toi qui veux bien me lire? Tu veux bien que l’on revienne à aujourd’hui. Moi, j’y reviens. Après tout, c’est mon « oeuvre » que tu tiens entre tes mains, c’est une partie de ma vie dont tu découvres, une à une les pages, en levant de temps en temps la tête pour observer les gens qui t’entourent et les passants qui passent.
Alors, aujourd’hui? J’anime et je technique -exactement, je technique!- du verbe techniquer, faire de la technique. Tu ne connaissais pas ce verbe, hein?! Je t’avoue qu’il me plaît bien. Parce que c’est ce que je fais. Je suis sur une radio, elle-même sur une île perdue dans le Pacifique. Je fais de la radio, une tranche comme l’on dit qui couvre à la fois les mamans qui rentrent chez elles après avoir récupéré leur mioche à l’école, les papas qui rentrent éreintés de leur boulot et pestent dans leur bagnole à cause de celui-là, là devant, qui broute au lieu d’avancer. Je les emmène les uns et les autres jusqu’au moment où ils passeront à table. C’est amusant, je crois. je crois parce que parfois, j’en doute. Je donne à ma façon, comme lui donne. Enfin j’essaie. Ah oui! je te rappelle que je réponds par ce « livre » à celui de Patrick Sébastien. Quand je dis « lui, donne » c’est de Patrick dont je veux parler. Je donne avec le ventre et ce qu’il y a dedans. Quand un auditeur ou une auditrice appelle -je préfère quand c’est une auditrice- pour me dire qu’il ou elle aime bien, je suis content et je suis fier. Oui, c’est çà, j’en suis fier.
Avant bien sûr d’en arriver là, j’ai fait autre chose mais cela ne t’intéressera pas. Alors je n’en parle pas. Tu sais, à mon âge -Merde, Grand-père, tu nous l’as déjà raconté!- Bon alors, je recommence. Tu sais à cinquante balais, on a déjà un petit vécu derrière soi. Et mon petit vécu a été tout. Tout… sauf ce que je voulais qu’il soit. La chanson dit -dans la vie, on fait ce que l’on peut, pas ce que l’on veut- Tu la connais la chanson? Allez, si je te dis « Starmania », çà te rappelle rien? Ah! Tu vois… Toi aussi.
Donc, me voilà animateur radio alors que je voulais faire de la télé. Oui de la télé. La Télé m’a bercé, je suis né dedans ou presque. Oh! Pas la télé d’aujourd’hui, non, non! Celle d’hier, voire d’avant-hier. Celle de Gilbert et Maritie Carpentier, celle de Roger Lanzac, de Jean Nohain, des gens qui nous faisaient aimer la vie. Ces gens là qui n’existent plus maintenant, ces gens qui ne connaissaient pas Médiamétrie et consort.
Désormais, tu regardes la télé comme un membre de ta famille. Avant aussi, remarques! On se mettait le Dimanche après-midi un western-spaghetti. Cà non plus, tu connais pas? Si je te dis Ennio Morricone ou Sergio Leone, çà te dit toujours rien? Eh! vous, les plus anciens, vous vous en souvenez, non?! Attendez, ce n’est pourtant pas si loin! J’ai donc tant et si mal vieilli? Ah! Puisque j’y suis, à l’époque, c’est le Jeudi que les enfants n’avaient pas école et la télé était pour eux. D’ailleurs les Oui-oui, les Nounours avant d’aller au dodo, les Rintintin, les parents n’y comprenaient rien. Eux c’était « Noëlle au quatre vents » ou « l’Homme du Picardie ». C’était pour nous, rien que pour nous. Aujourd’hui, tu regardes la télé comme un membre de ta famille. Oui, mais la différence, c’est que c’est le nouveau père. Le nouveau Chef de famille. Le nouveau Messie est arrivé comme le Beaujolais neuf à la fin de l’automne. Et le vrai Père, dans tout çà, que fait-il? Comme toi, il regarde aussi la télé et parfois il se dit que vraiment sa femme est loin de ressembler à Victoria ou à la nana qui vante les mérites d’une batterie automobile à la con.
Le fric, l’artiche, le pognon, l’oseille, le franc hier, l’Euro désormais, Antoine Pinay se marre. C’est la nouvelle télé. Y a pas que des choses mauvaises, c’est sûr mais y en a tout de même un joli paquet. Commentçà, tu n’es pas d’accord! Ah oui? Alors écoutes bien ou plutôt lis moi bien. Est-ce que par hasard, tu peux m’expliquer pour quoi les nouveaux dieux de l’écran, tu sais, les Arthur, Naguy, Dechavanne et Delarue ou Cauet -je vais pas les citer tous quand même!- font tous revivre le passé?! Je vais te le dire, moi! Parce qu’il n’y a plus rien à faire aujourd’hui. Tout a déjà été fait. Et les images d’archives, c’est tellement moins cher! Voilà, la vérité.
Et son livre m’a collé le bourdon -le bouquin de Patrick-. J’ai pris ma cinquantaine en pleine face. parce que lui, c’est pas pareil. je ne doute pas un instant qu’il profite un peu du système mais il a quelque chose en plus que les autres n’ont pas -j’aime bien cette phrase-. Il crée! du verbe créer, imaginer, inventer, créer quoi! Voilà, il arrive à créer.
La télé d’aujourd’hui, c’est juste histoire de gros sous. Je sais ce que tu vazs me dire. J’écris çà parce que je suis aigri de ne pas être à leur place. Peut-être que oui, je ne vais pas te mentir. je donnerai mon âme pour en être. Pas pour aller promener ma carcasse du côté des boîtes huppées où l’on se plie en deux pour te laisser entrer et que tu as fait la dernière couverture de télé 7. Ni pour avoir ma table réservée dans un restaurant que toi tu ne connais que de nom. Pas non plus pour faire trempette dans une piscien longue comme un stade foot en sirotant un whisky glace. Non, je donnerai mon âme pour faire plaisir. Faire plaisir à ceux qui rentrent le soir chez eux, fourbus, crevés d’avoir dû ravaler leur salive devant les remarques désobligeantes d’un patron qui se taît aussi quand sa douce l’engueule parce qu’il est encore rentré trop tard et qu’il n’était pas là quand la bonne a couché le dernier. Patrick Sébastien, il est de ceux qui aiment les autres, y compris les cons. Il veut faire plaisir. Où je n’ai pas compris son livre. C’est possible après tout. Mais tant pis, je veux le croire comme çà.
J’y ai cru…
Tiens, je vais t’en raconter une. 1988, mois de mars. Je suis dans un bureau à Paris, un peu avant les Invalides, sur la gauche, après le pont, la rue derrière quand tu regardes le bâtiment. J’ai été convoqué. Pourquoi? Parce que j’ai envoyé un dossier à la télé et que sans vraiment y croire j’ai attendu des mois ce coup de téléphone. J’ai grimpé les étages et j’ai vu des armoires dans le couloir, tout le long du couloir. De belles et grandes armoires métalliques au garde à vous. Là, dans le bureau -tiens, c’est bizarre, je l’imaginais plus grand- il y a une femme. Devant elle, sur la table, trône le dossier que j’ai envoyé. je suis aux anges. On m’a demandé de venir parce que mon dossier était intéressant. Et paf! La question qui tue:
-Vous avez une boîte de Production?
« Euh… Non, mais… »
-Ecoutez, on vous rappellera peut-être. C’est pas mal ce que vous avez fait. Trouvez une boîte de production et on en reparle…Peut-être. Au-revoir.
Et je suis dans la rue à marmonner je ne sais quel juron. j’ai été trop con, trop gentil, pas assez convaincant. Il fallait que je dise oui et j’aurais peut-être eu le temps. le temps de quoi, au juste ? De trouver une boîte de Prod? Mais bien sûr! J’aurais attrapé le premier passant qui passe -çà, j’aime bien!- et je lui aurais demandé:
-Dites, vous pouvez me dire où je peux trouver une boîte de Productions?
Et il m’aurait sans doute répondu:
« Cà tombe bien, j’en ai une et je ne sais pas quoi en faire. Vous la voulez, elle est à vous! Je vous la donne. »
Le dossier, je vais te dire ce que c’était. Ce que tu regardes peut-être encore aujourd’hui. Le dossier, c’était…
La suite, dès la semaine prochaine.