Popote, années 00

Par Estebe

Bien le bonjour, contemporains affamés

Tiens, vous avez remarqué? La décennie s’achève. Oui, déjà. Exeunt les années 00. Bonjour les années 10. Avant de fixer notre regard altier sur la ligne bleue de la période radieuse qui éclôt, récapitulons, si vous le voulez, les dix ans de cuisine qui s’achèvent. Qu’a-t-on popoté, picolé et mijoté depuis l’an 2000 ?
Petit abécédaire gourmand autant que rétrospectif.


Basse température (cuisson à). Tiens, si je mets ma côte de bœuf au four 10 heures à 75°, elle cuit aussi. Mieux même. La note d’électricité, remarquez, elle me cuit aussi.


Bento (et lunch box ouvragée). Ou comment réaliser des dessins très jolis avec le miam de midi contenu dans un Tupperware. C’est dans le vent; ça vient du Japon (voir ce mot); ça occupe.


Blogs (explosion des). Dans les années 90, des recettes de cuisine, il n’y en avait quasi que dans les livres et les mags de dames. Maintenant, il y a un milliard de blogs qui ne pensent qu’à ça. Dont celui que vous becquetez. On en est même venu à causer de blogomiam, charmante communauté pleine de camaraderie, d’éthique et de LOL en cascade.


Bio. A cause de ce que vous savez (la planète, la vache dingo, les saloperies chimiques), le bio, confidentiel naguère, est devenu une préoccupation unanime et un business d’envergure (voir naturel). D’ailleurs, ce blog est bio. Ta voisine est bio. Ton chien aimerait bien l’être.


Bistronomie. Néologisme accouplant bistrot et gastronomie, qui désigne des bistrots où l’on mange quasi gastro. Ne riez pas. C’est atchement bon, parfois.


Cours de cuisine (explosion des). Les dames de naguère fréquentaient des écoles d’économie domestique. Aujourd’hui, t’as un cours sur le couscous à midi trente; un cours de dégustation de mousseux à six heures; puis un cours de cuisson basse température bio (voir ces mots) à 19 h 30.


Cuillère (la). Elle abrite tes bouchées apéritives. Elle te sert à laper les verrines, granités et petites soupes. Elle est partout, la cuillère. Elle a enterré les autres couverts, la cuillère. Elle se la pète, la cuillère. Grave.


Cupcakes. Il aura suffi qu’une paire de greluches à longues jambes s’en goinfre dans le feuilleton Sex And The City (And The Cream Chantilly) pour que le monde entier s’entiche de cette pâtisserie ricaine, joufflue, calorique et pop.


Design (épuré et contemporain). Côté décor de restos, les années 00 n’ont pas franchement fait dans la rigolade. Le principe ? Moins, c’est bien. Rien, c’est mieux. Et un peu beige, le rien, si possible.

Equitable (produits issu du commerce). Tu bouffes encore du thon rouge en boîte pêché par des enfants handicapés en Chine????


Espuma (de pommes vertes, crevettes et artichaut). Technique contemporaine pour désintégrer des aliments qu’il faudrait mâcher autrement (voir moléculaire). Car mâcher, voyez-vous, c’est ringard.



Fooding (le).
On aurait adoré écrire une définition désopilante. Encore aurait-il fallu que l’on pigeât ce que signifie ce terme-là.



Finger food (le)
. Nul ne sait trop comment, manger avec les doigts est devenu un signe extérieur de branchitude intérieure (voire cuillère).


Gluten (le boum des allergies au). Rien à dire, sinon que l’on n’aimerait guère en souffrir.

Japon (l’engouement pour le miam du). Yuzu, wazabi, soba, udon, matcha, umeishu… le gourmet des années 00 a la papille braquée vers le soleil levant. Et donc la baguette ouverte.


Joues (de bœuf, de porc…). Crise économique et nostalgie de la popote de mémé ont précipité certains bas morceaux sur le dessus de la scène du miam. J’en pince pour les joues. Elles me le rendent bien.



Légumes (oubliés puis retrouvés)
. Idem. Topinambour, mon amour. Panais, mon aimé. Cerfeuil tubéreux, mon amoureux. Scorsonère, mon… euh.


Lignac (Cyril). Très sympathique spécialiste des bons produits (dérivés). Voir télé-réalité.


Macarons (l’averse de). La cuisinière d’aujourd’hui doit savoir tricoter des macarons à tous les parfums de la création. Le cuisinier, lui, est exempté. Ouf.


Machine à pain. Jadis, c’était Jésus qui faisait le boulot. Maintenant, ils vendent la machine.

Malbouffe (le drame de la). Que les gens avalent n’importe quoi, cela ne date pas de la dernière promo sur le surimi et la pizza congelée à la supérette du coin. Mais on s’en inquiète désormais.


Marx (Thierry). Ex-légionnaire et inventeur du wiff, le chocolat à sniffer.



Moléculaire (la cuisine).
Quand il avait huit ans, Ferran Adrià a reçu Le petit chimiste pour Noël. Après, il est devenu cuisinier.


Naturel (le vin). Sans soufre, ou presque, sans douleur, sans saloperie dans les vignes, sans machin dans la cuve. Mais avec du vrai raisin dedans. Tchin!

Produits branchés (la folle valse des). Baies de Goji, fève Tonka, poivre de Tasmanie, petit épeautre, pandan, quinoa et on en passe et des plus in. Zut, c’est quoi ce mois-ci, au fait?


Smoothies (ploutch). La centrifugeuse est l’avenir de l’homme. Aux fruits exotiques, l’avenir.


Proximité (vive les produits de). Pourquoi se ruiner pour des asperges des Antipodes qui empestent le kérosène et te trouent l’ozone quand, en attendant un tantinet, on peut croquer dans celles du voisin maraîcher? Plus qu’une preuve de conscience écologique, une affaire de bon sens. Et de gourmandise (voir bio et malbouffe).

Télé-réalité. On causait assez peu popote dans la piscine de Loft Story. Mais M6 a rapidement humé le doux parfum de ressources publicitaires et d’audimat glorieux qui sortait de la cuisine (voire Lignac).


TVA (la baisse de). Si, si, si, elle se répercutera sur les additions. Après-demain, sûrement.


Verrines (la mode des). Nos aïeux appelaient ça simplement des verres. La modernité, après les avoir remplies de bonnes choses à manger, si possible chromatiquement étagées et à manger à la cuillère (voir ce mot), a décidé de les baptiser verrines. On attend les tassines, les assiettines et les coupines.


Salut, les coupines