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L’artiste face à la « pandémie visuelle »

Publié le 17 novembre 2009 par Est2

Lorsqu’on dit « pandémie visuelle », on pense aux images publicitaires qui ont envahi l’espace public et privé depuis longtemps. On pense aussi aux images médiatiques, qui servent à maintenir le pouvoir en place. On peut aussi penser aux images prêtes à consommer (films, émissions, jeux vidéos) qui submergent par leur nombre les images d’art et de culture.

Le tableau ne serait pas complet sans mentionner aussi les images que chacun peut faire avec un appareil photo ou une caméra vidéo. En plus, aujourd’hui, tout le monde peut diffuser ses photos et ses vidéos via l’Internet, aussi grâce aux produits grand public. Et les appareils vraiment dernier cri servent à la fois pour la prise de vue et pour la diffusion…

On pourrait donc penser que le public ne fait pas que subir la pandémie visuelle, puisqu’il y participe aussi. Mais le problème est que tandis que les individus emploient les nouvelles technologies mises à leur portée pour communiquer, la publicité, elle aussi gagne de plus en plus de terrain et le pouvoir en place, lui aussi étend son étreinte en se servant de l’image. Par exemple, depuis un certain temps déjà, des entreprises privées et  les autorités préfectorales installent des caméras pour surveiller la population. Même floues, et maladroites, ces images ne sont pas celles de Facebook. Mais le public, par sa connivence avec l’image numérique ubiquitaire, semble prêt à se laisser surveiller de cette nouvelle façon. Ainsi, une dictature soft s’étend par l’image.

Et l’artiste dans tout cela ?

Si bien il y a beaucoup d’artistes à l’œuvre, leurs travaux ne sont qu’une goutte dans tout cet océan d’images omniprésentes qui submerge la population. Tandis que les moyens employés par la publicité, les médias et la communication de loisir se diversifient, les artistes, eux, ont de plus en plus de difficultés pour produire leur art par manque d’espaces adéquats.

Tandis que la diffusion de la publicité, les médias et la communication de loisir ne cesse de se diversifier et de se mondialiser, les artistes, eux, peinent pour sortir leurs œuvres de leurs ateliers. Quant à la diffusion d’art, elle est dans les mains d’une toute petite poignée d’intervenants pas très démocratiques.

A cette pénurie de diffusion, les artistes rétorquent en créant leurs propres sites et parfois en prenant en charge leur diffusion collectivement. Mais quoi qu’ils fassent, que leurs œuvres soient dans leurs ateliers ou qu’elles soient chez un collectionneur, ou même placées dans un musée quelque part, elles ne sont que quelques grains de sable sur l’immense plage d’images qui circulent.

Certains artistes essaient d’attirer l’attention en imitant le langage des médias. Ils se servent plus particulièrement des nouvelles technologies pour y parvenir, tout en essayant d’y mettant leur grain de sel. Mais, comment ces œuvres – accompagnées souvent de petits messages très personnels – une fois entrées dans cette trajectoire, peuvent-elles résister au maelstrom ?

Il faut faire la guerre à cette pandémie visuelle qui sert à soumettre en douceur les populations. Tout le monde a un rôle à jouer dans la mesure où c’est à chacun de décoder les images qui lui sont imposées et de questionner le bien fondé de son propre usage de l’image.

L’artiste doit réagir vigoureusement pour éviter de se faire instrumentaliser par la même pensée que lui-même pensait combattre. Il doit revendiquer son droit, face à ses mécènes potentiels, par exemple de rejeter l’esthétique publicitaire du jeune et lisse; rejeter l’injonction de consommer n’importe quoi ; rejeter la primauté du fric et le sexe comme marchandise ; rejeter la fausse universalité en vogue qui représente les peuples de toute la planète comme heureux quand ils s’habillent comme nous et adoptent nos valeurs, ou malheureux, sinon…

Pour survivre en tant que tel, l’artiste doit chercher à inventer un langage qui désobéit aux règles de l’industrie mondialisée de l’image. Il s’agit d’une recherche technique, plastique, qui d’ailleurs réussit particulièrement bien lorsque les artistes se concertent et travaillent collectivement. De telles recherches permettent de faire naître des visions du réel pour combattre les illusions du réel prêtes à consommer qu l’on nous sert.

D’où l’importance d’espaces de création pour les artistes, d’espaces d’exposition et de la rémunération de l’artiste pour lui permettre de vivre de son travail. Débats en perspective…

Kristin Meller


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