CRITIQUE BI-POLAIRE
"L'impartialité cinéphilique de l'auteure risque d'être fortement chahutée lors de la rédaction de cet article. Possibilité d'avis bi-polaires, se traudisant par de
soudaines variations entre lucidité et accès d'enthousiasme débridé. Merci de vous conformer aux consignes de sécurité d'usage en pareilles situations: respirez lentement,
gardez la tête froide, écartez tout objet contondant, restez à distance raisonnable de votre écran, et, au besoin, relisez. Si toutefois cela devenait trop insupportable, cliquez
sur
."
Mwahahahahahahahahahah! (ça commence bien, hein? ) Enfin, ça y est! Après 10 mois d'attente et des brouettes (si, j'ai presque compté les jours), la suite du raz de marée Twilight trouve son chemin jusqu'aux salles obscures, en grande pompe et par les grandes portes avec ça. Tel un Harry Potter à l'heure de sa gloire (passée), la saga de la controverse / qui fait honte / phénomène déchaîne les passions (toutes formes de passion, s'entend), affole les foules de midinettes et fait exploser le box office. Annoncé gagnant avant même sa présentation officielle, New Moon - Tentation en VF - attise, étire, exacerbe, comprime, diffuse et s'amuse du désir. Film convoité, execré, attendu, ou rejeté, c'est selon, retour sur un plaisir coupable que je (sur)consomme pourtant sans honte aucune...
"These violent delights have violent ends."
Si Twilight, à sa sortie en janvier dernier, avait d'emblée été assimilé à une relecture du Roméo & Juliette de Shakespeare quand le contexte ne s'y prêtait pas forcément, New
Moon, lui, y fait clairement - et littéralement - référence. D'abord, de par son verset d'intro ("ces plaisirs violents connaissent des fins violentes"), puis par le couplet déclamé en classe par Edward lui-même, se réclamant ainsi directement de l'oeuvre mythique. On pourrait penser qu'il s'agit là d'un peu de poudre aux yeux tendant à crédibiliser l'histoire, mais il n'en est rien (enfin, ce n'est pas à cette fin qu'il y fait allusion). New moon est l'opus de la saga - qui, je le rapelle, compte 4 tomes (ne prenez pas cet air désespéré) - le plus sombre, le plus tourmenté, lorgnant vers un mélancolisme profond, et dans lequel il est question d'unions impossibles, d'oppositions sanglantes, de dépression et... de suicide. D'où l'évocation directe de la pièce de Shakespeare. En cela - les tourments amoureux conduisant aux pires extremités - New Moon se place en continuité directe avec Twilight qui, si on peut légitimement en critiquer le mielleux excessif, renouvellait avec intelligence le genre teen-movie. Twilight est une saga sombre, aux enjeux violents, traduits par des émotions intenses. Alors que dans le précédent opus, il était question pour le couple phare de s'apprivoiser l'un et l'autre, il est question ici d'apprendre à faire sans l'autre. Après l'idylle vient la rupture, les tenants et aboutissants de l'intrigue découlant directement de cet événement conditionné par la part de fantastique de l'histoire: le vampire s'efface pour protéger la fragile humaine, soumise à trop de dangers auprès de lui. On pourrait penser qu'articuler un film de 2h10 autour d'une rupture adolescente, aussi atypique soit-elle, tient de la gageure, et pourtant, Chris Weitz a tenu le fil jusqu'au bout, le déroulant consciencieusement en total écho au roman, dont il a su, globalement, retranscrire toute la tension dramatique.
"The absence of him is everywhere I look. It's like a huge hole has been punched into my chest."
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le film n'est pas vraiment une franche partie de rigolade. S'il provoque éventuellement l'hilarité ça et là, c'est soit involontairement - à l'image de cette séquence incongrue faisant écho à la Mélodie du Bonheur - soit par d'infimes détails placés ça et là pour désamorcer un peu la tension, tournant le plus souvent en dérision les amis mâles de Bella. Une Bella qui, deux heures durant, va traîner sa détresse et son air dépressif, plutôt très bien rendu par Kristen Stewart, qui apparaît vidée à l'écran. Si l'accroche du précédent film donnait un truc du genre "quand vous pouvez vivre pour l'éternité, pour quoi vivez-vous?", ici, elle aurait pu être "quand l'être aimé s'est tiré, pour quoi, comment continuer?". New Moon est la chronique d'une rupture, narrant le long processus de reconstruction émotionnelle, du traditionnel épisode léthargique aux tentatives d'évasion mentale plus ou moins foireuses, en passant par tous ces petits riens qui persistent à nous rappeler celui ou celle qui est parti, et l'inévitable flirt censé nous sevrer définitivement de notre ex. Et ça aussi, ils l'ont plutôt bien rendu, même si le rythme du film casse hélas assez souvent cette mécanique pourtant bien engagée.
L'autre point fort de New Moon, en parallèle de cette reconstruction difficile qui nous est relatée, c'est l'évocation de l'absence du héros, Edward, qui apporte initialement toute sa force de persuasion au récit. Dans le livre, le souvenir de ce personnage hante littéralement chaque page, planant au-dessus des personnages restants comme un sombre présage, impossible à oublier, impossible à chasser complètement des esprits, tel un fantôme. En ce sens, d'un point de vue émotionnel, New Moon est l'opus de la saga qui fonctionne le mieux, les deux aspects forts de l'histoire se complètant parfaitement pour retransmettre avec justesse les ravages d'une passion contrariée. Le hic, c'est quand la loi du marketing vient mettre son grain de sel là où il devrait s'abstenir. A l'écran, l'absence du héros n'est hélas pas retranscrite comme dans le roman, où l'on a de lui que des évocations et quelques hallucinations auditives de la part de Bella, rendant chaque reminescence plus forte, plus déstabilisante. Image (et business) oblige, Chris Weitz se devait de ne pas écarter à l'excès la coqueluche Robert Pattinson, "physiquement" présent dans le film un petit quart d'heure, mais apparaissant de façon récurrente sous la forme d'hallucination, sorte de mirage s'adressant à Bella chaque fois qu'elle a la mauvaise idée de prendre des risques inconsidérés. L'impact s'en trouve réduit, à mon sens. L'entendre aurait suffit, mais la production en a jugé autrement. Soit. Mais dommage.
"This may hurt just a little..."
Il serait sans doute fastidieux de faire une analyse approfondie du film, surtout pour les plus sceptiques d'entre vous. Je vais donc m'en tenir à un inventaire succincts des bons et mauvais points.
Du côté franche réussite, il y a indéniablement l'effort visuel fait depuis Twilight, dans lequel l'image, bien que distillant un charme désuet, manquait cruellement de crédibilité dans ses (rares) scènes d'action. Ici, il est évident que le budget à considérablement augmenté: les créatures fantastiques peuvent enfin être prises au sérieux, les vampires se mouvant enfin de façon plausible (côté maquillage, en revanche, c'est pas encore tout à fait ça), la réussite tenant surtout du côté des loups-garous, véritablement bien rendus, et n'étant pas sans rappeler les ours polaires de la Boussole d'Or du même Chris Weitz.
Niveau interprétation, on reste dans le très bon, la véritable révélation s'avérant être le jeune Taylor Lautner qui, en dépit d'une musculature ostentatoire (et pas dégueu, mes aïeux!), parvient à faire passer une jolie palette d'émotions, rendant crédible son personnage de jeune loup fougueux tiraillé par ses sentiments. Kristen Stewart paraît beaucoup plus naturelle que dans le précédent opus, plus convaincante aussi, plus impliquée peut-être, en tous cas investie par son rôle de coeur brisé. Enfin, Robert Pattinson ne démérite pas, poursuivant sur sa lancée l'interprétation brillante de l'éthéré Edward, avec retenue et foi (en version non censurée, ça donne plutôt: "ouaiiiiiiiis, trooooooooop biiiiiiiiiiien!!!"). Le meilleur, dans ce volet, vient quand même des seconds rôles, avec une mention spéciale pour Billy Burke, parfait en père inquiet, juste et touchant dans chaque scène.
Côté histoire, on ne pourra pas reprocher à la réalisation de ne pas respecter le roman, qu'il suit quasiment à la lettre, éludant peu de passages, s'efforçant d'y coller au maximum, de le respecter jusqu'à la dernière miette. Mais cela peut s'avérer également être un problème...
Enfin, coup de coeur pour la B.O., celle orchestrée par Alexandre Desplat, qui retrouve Chris Weitz pour la seconde fois, et qui reflète parfaitement l'ambiance générale de ce volet tourmenté. Une réussite.
Après, malgré toute la sympathie que je lui porte, le film donne aussi dans le beaucoup moins bon. La faute, premièrement, à une interprétation quasi nulle du livre. Je n'ai jamais été partisane des adaptations trop copiées-collées, n'offrant que peu de surprises par rapport à l'oeuvre initiale. D'un point de vue respect du support original, Twilight se place très certainement en tête du classement, loin devant Harry Potter & consors. Mais cela plombe aussi l'aspect créatif du film, et le rythme. A vouloir l'adapter en 2h10, ce qui peut paraître très long, Chris Weitz en a négligé l'aspect essentiel: le souffle. On manque de souffle dans ce film, les séquences, pourtant justes, s'enchaînant souvent maladroitement, sans transitions, cassant un rythme déjà fragile, et mettant à mal la tension émotionnelle. En définitive, le film pêche par excès de fidélité au roman, qu'il paye par un manque d'essor.
Le second regret vient de ce que les scènes "clés" apparaissent trop succinctes, la brièveté de celles-ci étant nécéssaire pour faire de la place au "reste". Résultat, on passe son temps à attendre des séquences qui filent à la vitesse de l'éclair. C'est très frustrant.
Autre point décevant, la sous exploitation, encore, toujours, des seconds rôles, pourtant excellents, réduits au strict minimum pour faire place au trio de tête. Le film chorale pour les sagas à succès, c'est pas encore pour demain.
Enfin, point catastrophique - et pas des moindres, la VF, exécrable en tous points, transformant des échanges initialement flamboyants en dialogues d'une mièvrerie à hurler de rire. Consternant.
"Like fire and powder..."
Je pense avoir, globalement, fait le tour, sans me perdre dans trop de "hiiiiiii" et de "aaaaaaaah" intempestifs, tout en tâchant de rester la plus objective possible. Car, comme avec Twilight, que je juge cinématographiquement très moyen, New Moon a su distiller sa propre fascination, sa propre aura ensorcelante. Je ne sais vraiment à quoi cela tient mais, tout en gardant à l'esprit qu'impartialement parlant, l'engouement autour de Twilight est discutable, je ne peux réffrener un élan passionné pour la saga, dont je juge le potentiel plutôt conséquent, sans pour autant la mettre sur un piédestal. Bref, objectivement, c'est honorable, et très partialement, c'est un méga coup de coeur...
La suiiiiiiiiiiiite!
EN BREF
*Indice de satisfaction:
*2h10 - Américain - by Chris Weitz - 2009
*Cast: Kristen Stewart, Robert Pattinson, Taylor Lautner, Billy Burke, Ashley Greene, Michael Sheen...
*Genre: "Please forgive me, I can't stop loving you..."
*Les + : Bonne interprétation, rendu fidèle au livre, capital sympathie intact...
*Les - : Manque de souffle, VF catastrophique...
*Liens: Fiche film Allocine
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