Deux faux palindromes d'Augusto Monterroso, deux faux palindromes de Mouvement perpétuel accueillent qui pénètre les pages de Mate Jaque, le dernier roman de Javier Pastor :
Don Odón
Et
Alfonso no ve el Nobel famoso
Qui pénètre les pages de Mate Jaque, le dernier roman de Javier Pastor, est accueilli par la fameuse anecdote d'Hitchcock, la fameuse anecdote dite à Truffaut qui explique le Mac Guffin.
Le Mac Guffin de Mate Jaque est la fuite d'un écrivain vers une station balnéaire, loin d'une relation maritale où sa troisième femme, plus jeune que lui, veut un enfant auquel il ne saurait penser.
Ce que pense Pastor, c'est trouver là l'occasion, enfin !, d'écrire un roman en faux palindrome. Et en partie d'échec. Mate Jaque, échec et mat, mat échec.
On lit Mate Jaque comme on lit un roman normal. On lit ce qu'écrit un écrivain qui explique sa merde de vie, sa petite personnalité, son ras-le-bol de l'écriture, de sa femme, de tout. L'homme est désagréable, cruel. La femme, pas nécessairement mieux. On lit, dans la deuxième moitié, ce qu'écrit la femme qui explique comment elle a fini là, dans un sanatorium ou une maison de demi-dingues, plongée dans les délires induits par un cerveau qui aurait trop épongé le trop d'alcool que le corps ne sait absorber. Elle se défend des accusations, elle accuse le coup, elle accuse mais à quoi bon ?
On ne sait même pas si la femme écrit vraiment ou si l'homme écrit vraiment. Pour ce qu'on en sait, la femme du livre pourrait être l'odieux portrait fait par l'homme de la femme de la vie afin de se justifier. Pour ce qu'on en sait, l'homme du livre pourrait être l'infect dessin conçu par la femme de l'homme de la vie afin d'encore mieux se faire plaindre. Ou bien la moitié femelle est écrite par le mâle du monde pour de vrai. Ou bien la moitié mâle est écrite par la femelle du monde pour de vrai. Etc. Vous imaginez. Enfin, j'imagine.
Et comme Mate Jaque est comme ça, on lit Mate Jaque puis on le relit mais cette fois on le fait autrement. On prend le premier paragraphe et le dernier paragraphe. On prend le second paragraphe et l'avant-dernier paragraphe. Et ainsi de suite, et ensuite ainsi.
Ainsi on voit les correspondances qu'on voyait avant aussi. Aussi les voit-on mieux que la première fois. Cette fois, on en voit même plus. En plus, on finit par se dire autre chose. Echec. Pas celui de Pastor. Non, pas celui de Pastor. Echec, comme dans échec et mat.
L'homme et la femme de chaque côté d'un échiquier. L'un noir, l'autre blanc. Personne n'est blanc, personne n'est noir mais l'un veut piquer les blancs tandis que l'autre veut piquer les noirs. Avec ses noirs. Avec ses blancs. Chaque paragraphe visant à attaquer ou à contrer ou à contre-attaquer.
Mate Jaque est un faux palindrome où les deux protagonistes, sous les yeux d'un maître de l'ajedrez, parviennent à un incroyable résultat : ce mettre tous deux échec et mat.
Il n'y a pas à dire, Javier Pastor est un écrivain qui mérite un nouveau qualificatif. Je propose matéchecant.